En 2016, l’on se souvient encore que Colonel Moussa Tiègboro Camara et ses hommes s’étaient ligués contre les vendeurs, les distributeurs et les importateurs de faux médicaments. Une opération qui avait amené la fermeture de plusieurs kiosques de fortune de vente de médicaments non certifiés pour la consommation.
Interrogé par notre rédaction, le patron du service de lutte contre la drogue et le crime organisé est revenu sur la lutte contre les faux médicaments en Guinée. Colonel Tiègboro confie que plusieurs millions de dollars lui ont été proposé par un importateur pour qu’il renonce à la lutte mais il a refusé l’argent.
« Le dossier de faux médicaments en Guinée, c’est de la responsabilité partagée chacun est responsable de ça. Il y a rien derrière tout ça si ce n’est des pots-de-vin. Je ne peux pas croire, que tout le monde laisse faire. Nous sommes sortis en 2016, on a fermé presque tous les points de vente illicite à Conakry. Certains ont fermé leurs pharmacies. Ils ont mis le bâtiment en location. Mais, quand vous affichez les choses comme ça, et qu’il n’y ait pas de suivi permanent de décisions draconiennes qui accompagnent, les gens se diront que vous faites un feu de paille. En 2015, le syndicat des pharmaciens m’a invité à un débat, dans le but de lutter contre les pharmacies par terre, je leur ai dit que tout ce que je n’aime pas dans la vie, c’est le feu de paille, si vous voulez qu’on commence, on ne s’arrête pas. C’est en ce moment qu’on a commencé l’opération d’ici jusqu’à l’intérieur du pays. Qu’est-ce qui s’est passé après? On a fait la mission là presqu’on a fermé tous les points de vente ici, c’est seulement Madina qui restait. Et à Madina on avait envisagé déjà de mettre en place une commission au port ici, pour bloquer le ravitaillement de Madina, parce qu’il ne se ravitaille qu’à partir du port. Alors ce qui s’est passé après, ceux qui vendent là-bas ont tout fait pour nous bloquer, parce qu’après la drogue dans le monde, c’est les médicaments en matière de commerce illicite. Les gens sont multimilliardaires, des bâtiments poussent comme des champignons, parce que les gens ne se fatiguent pas. Déjà, c’est du nimporte quoi on fabrique dans les pays incontrôlés pour parachuter sur nos marchés et on les donne à tout passant. A l’époque, on a fait une mission vraiment appréciée par tout le monde, on a même reçu des félicitations à l’international, et c’est là-bas où le combat a commencé. Ils ont même dit qu’il faut que je parte à la CPI, parce qu’ils estiment que j’ai touché où il ne fallait pas. Ils on fait un battage autour de ça, et puis à un moment donné ceux qui étaient autour de nous, ont fait marche-arrière, je n’ai pas compris. Mais, ce que nous avons refusé ici, je n’ai pas dit que c’est ce qu’ils ont pris, mais l’argent se promenait, je jure, il y a un Monsieur Kaba, qui m’a vu et c’est des centaines de millions qu’il m’a proposé « j’ai dit non ». Il me dit on remonte à un milliard et c’est allé même à des millions de dollars, ça n’a pas marché , Dieu est mon témoin. C’est pour vous dire que dans ce pays, la corruption qui est là a tout gâté. Elle a fait qu’on n’a pas pu aller jusqu’au bout, sinon c’était simple. Nous, on avait fermé toutes les usines de fabrication de faux médicaments devant tout le monde ici en 2012- 2013, mais pourquoi il y a une reprise totale, c’est pour vous dire que combien de fois c’est difficile comme dossier. L’affaire de médicament, on a dit aux gens de trouver au moins deux importateurs, deux grossistes. Au Nigeria, il n’y a pas plus de quatre grossistes, à Dakar pas plus de trois grossistes, et nous en Guinée, on a plus de trente grossistes et ça, ce sont ceux-là qui sont dans les normes, ceux qui importent à l’informel sont encore plus nombreux. Comment contrôler un secteur comme ça? Il faut que l’État ait le courage, le ministère de la santé ait le courage de désigner seulement deux grossistes dans le pays en partant des critères. Sinon, en Guinée les chinois importent, les libanais, les indiens, et tous les pays limitrophes importent. Nous sommes inondés, on devient la poubelle internationale d’importation de faux médicaments », a-t-il déploré dans cet entretien exclusif.
Aissata Barry et Hadjiratou Bah