Dialogue politique avec la junte, retard dans la mise en place du CNT, création de la CRIEF ou encore augmentation du prix du pain, le président du parti UDG se confie à mosaiqueguinee.com. Dans une interview qu’il a accordée à notre rédaction, Mamadou Sylla évoque les questions politiques et sociales de l’heure. Il répond aux interrogations de Mohamed Bangoura.
Mosaiqueguinee.com : Depuis la prise du pouvoir par la junte du CNRD, il n’y a toujours pas de dialogue entre les militaires putschistes et les partis politiques. Faut-il y voir une crise en perspective ?
Mamadou Sylla : Le dialogue doit exister entre, non seulement les acteurs politiques et les nouvelles autorités, mais aussi avec toutes les autres entités pour une transition réussie. Il faut quand même les remercier d’avoir laissé les partis politiques exister contrairement à ce qu’on avait vu en 2008. (…). Tout le monde a salué leur arrivée et le fait de nous avoir libéré d’Alpha Condé. Le dialogue devrait, cependant, exister entre nous et, au-delà, avec toutes les autres forces vives de la nation.
Mosaiqueguinee.com : Les victimes sous le régime du président Alpha Condé ont déposé une plainte contre l’ancien président renversé le 05 septembre 2021. Comment vous l’accueillez ?
Mamadou Sylla : Dans un pays normal, tout le monde est justiciable, nul n’est au-dessus de la loi. Même s’il est notre ancien président, mais les autres aussi sont des citoyens. Chacun d’eux a des droits mais aussi des devoirs envers le pays. S’il y a eu plainte, c’est normal qu’elle soit examinée. Est-ce que c’est fondé ? Ça c’est aux juges de dire cela. Ce que je sais, c’est que force doit rester à la loi, tout le monde doit être égaux devant la loi.
Mosaiqueguinee.com : Que vous inspire la mise en place de la cour de répression des infractions économiques et financières ?
Mamadou Sylla : À un moment donné, on se demandait comment ça allait se passer entre la volonté du président du CNRD et les anciens commis qui doivent rendre compte. Mais à partir du moment où il a créé la CRIEF et avec les compétences qu’on lui a attribuées, ça veut dire que tout le monde peut être jugé maintenant. Ça veut dire que personne n’est exempte désormais des griefs de la justice, il n’y a plus de problème d’immunité.
Mosaiqueguinee.com : Le gouvernement a augmenté le prix du pain en fin de semaine dernière. Vous le comprenez, cette décision ?
Mamadou Sylla : Vous savez, le monde est devenu aujourd’hui un village planétaire. Aujourd’hui, le monde est lié par les affaires internationales. Si le prix du blé monte, alors qu’on est pas producteur de blé, c’est obligatoire que ça monte ici. Ce qu’on peut demander, c’est qu’on ait pitié parce que le moment est vraiment dur. On demande aux gens de vendre le pain à des prix raisonnables et ne pas chercher trop d’intérêt. Il faut que la population aussi soit compréhensible, et comprenne que c’est dû aux réalités internationales. C’est le lieu de demander à tout le monde, d’être indulgent. C’est un processus, il faut qu’on se complète.
Mosaiqueguinee.com : Le conseil national de la transition n’est toujours pas mis en place alors que le processus de désignation des candidats a pris fin le 25 novembre 2021. Est-ce normal ?
Mamadou Sylla : La seule chose qu’on peut reprocher aux autorités de transition, c’est le retard pris dans la mise en place du CNT. Il faut se dire la vérité. On a pris pratiquement trois (3) mois sur ça. L’affaire a trop retardé. Mettre en place un organe de 81 membres ne devrait pas prendre autant de temps, ça craint. Vous savez quand vous traînez le pas, tout le monde met dans la tête que c’est à cause du délai de la transition vous êtes en train de traîner. Le peuple est ce truc qui est capable de dire vive le président le matin et dire le contraire le soir. À partir du moment où ils disent vivent le président, c’est le moment pour toi aussi de poser tout ce que tu as à poser correctement. Sinon, jusque-là, j’apprécie leur agissement. Ils font Les choses comme ça se doit, mais il faut qu’ils se déterminent sur la mise en place du CNT. Si ça ne va pas, ils peuvent nommer les membres.
Mosaiqueguinee.com : Dr Ousmane Doré, auto-désigné médiateur, appelle à l’union sacrée de la classe politique. Cet appel est-il tombé dans de bonnes oreilles à la CORED et à l’inter-coalition des partis politiques ?
Mamadou Sylla : Dr Ousmane Doré n’est pas habilité à parler à notre nom. Quand on te choisit, il faut que tout le monde soit d’accord pour que tu parle au nom de tout le monde. Je n’aimerai pas être à sa place, parce qu’il s’entête pour rien, c’est très gênant. Il ne peut pas être médiateur parce qu’il a déjà un côté pris. Il appartient à une coalition, il devrait comprendre cela. Il ne peut être juge et partie, quiconque est dans la politique ne peut pas être médiateur entre nous aujourd’hui. C’est le seul problème. On peut nommer en commun accord une personne, mais il faut qu’elle soit neutre, c’est-à-dire d’aucun parti politique. Je lui ai dit de laisser tomber cette affaire de médiation, sur tout qu’il dit s’être autoproclamé. Je pense que, même cette affaire d’union sacrée c’est trop tôt. On doit se parler certes, mais le problème aujourd’hui, c’est le CNT, le reste viendra plus tard. C’est à partir de l’approche de l’échéance qu’ils vont donner qu’on peut commencer une telle chose, mais il ne faut pas créer le problème là où il n’y en a pas, il faut être intelligent un peu. Sinon, on risque de radicaliser celui qui est en face de nous, il faut être intelligent, moi je suis devenu milliardaire parce que je suis intelligent. Je connais Dr Ousmane Doré, je le connais bien, mais il a déjà créé des problèmes entre nous. Il s’est autoproclamé médiateur, mais qui l’a choisi ? Qui l’a désigné ? (…). Moi je pense qu’il fait juste de la publicité sur lui.
Interview réalisée par Mohamed Bangoura