L’audience d’ouverture du procès du dernier premier ministre d’Alpha Condé est programmée pour le 15 mars 2023. Dr Ibrahima Kassory Fofana qui n’a pas recouvré sa santé est toujours hospitalisé à la clinique Pasteur. Poursuivi pour, entre autres, détournement de deniers publics, corruption, blanchiment de capitaux, l’ancien leader du parti GPT fondu au sein du RPG arc-en ciel pourrait ne pas se présenter à l’ouverture dudit jugement. Son avocat principal, Me Djibril Kouyaté se dit prudent sur la question. Dans une interview exclusive qu’il a accordée à la rédaction de Mosaiqueguinee.com, l’ancien Bâtonnier dénonce les violations des droits de son client et exprime des craintes en ce qui concerne l’organisation d’un procès équitable. Dans cet entretien, il revient aussi sur la procédure devant la cour de justice de la CEDEAO. Me Djibril Kouyaté répond aux questions de Mohamed Bangoura.
Mosaiqueguinee.com : Me Djibril Kouyaté Bonjour ? La CRIEF a programmé l’ouverture de l’audience de jugement de Dr Ibrahima Kassory Fofana et Compagnie le mercredi 15 mars 2023. Avez-vous reçu la cédule de citation pour ledit procès ?
Le procureur Aly Touré m’a confirmé la tenue de l’audience pour le 15 mars. Pour Kassory, personnellement je n’ai pas reçu la cédule de citation. Je lui ai même parlé de la cédule quand il m’a reçu en audience, il m’a dit que ça viendra. Comme je ne suis pas le seul avocat, peut-être que les autres l’ont reçu.
Vous n’avez toujours pas reçu les actes posés par l’accusation dans le dossier ?
On n’a pas d’actes, on a tout fait pour avoir les actes, on se trouve devant une situation de non-droit, on ne sait même plus comment qualifier son statut. Malgré nos dénonciations, la situation reste telle. On se pose des questions
Face à une telle situation, participer à un tel procès n’est-il pas cautionné un jugement expéditif et perdu d’avance ?
Nous on l’a tellement dit et on n’a jamais manqué de le dire. Nous savons ce qui nous attend. Si ça n’était qu’un procès en bonne et due forme, on n’aurait pas eu de crainte. Mais on sent que ça ne serait pas un procès équitable. On sent que derrière, il y a quelque chose qui est déjà programmé, ce serait une façon pour nous d’amener notre client à l’abattoir directement. Mais que pouvons-nous faire. Surtout que nous sommes en matière de justice, que nous nous présentons ou que nous ne nous présentons pas, la justice n’attend pas, il peut toujours y avoir une décision de justice. Si vous avez remarqué même quand certains prévenus ou accusés ne sont pas là, ils sont jugés, il y a toujours une condamnation qui intervient et souvent on peut même aller jusqu’à une peine plus élevée pour amener le justiciable à exercer les voies de recours. C’est cela, moi je suis assez prudent en ce qui concerne le boycott ; donc, il ne faut pas qu’on se retrouve avec une peine élevée, une peine afflictive et infamante qui ne fera qu’aggraver le sort de notre client du point de vue de sa participation à l’élection présidentielle
Le mercredi 22 février, le collectif des avocats en charge de sa défense annonçait qu’il ne participera pas à un procès contre leurs clients qu’il juge comme « une parodie de justice ». La décision n’a-t-elle pas changé ?
Il faut que je vous explique quelque chose. Nous sommes en matière pénale, le rôle de l’avocat, c’est de conseiller et assister son client. Il ne représente pas le client. Donc, partir ou pas, l’avocat ne fait que suivre son client. Et puis en la matière, même si l’avocat ne va pas, il y a ce qu’on appelle la commission d’office. On peut toujours commettre d’office les avocats pour assister les clients. Et dans tous les cas, le procès n’attend pas non plus le justiciable. Il y a d’autres voies par lesquelles la justice peut toujours passer et rendre une décision. Et au justiciable d’exercer des voies de recours. La justice ne fonctionne pas comme l’administration ou comme autre institution. Il y a toujours des mécanismes pour rendre une décision quitte maintenant aux justiciables d’exercer des voies de recours.
J’apprends que la défense de l’ancien PM a saisi la cour de justice de la CEDEAO ? Qu’attendez-vous de cette justice supranationale ?
Oui, nous l’avons fait. On a saisi la cour de justice de la CEDEAO mais même quand on aura cette décision, vous savez comment les Etats se comportent très souvent vis-à-vis des décisions venant de l’extérieur, au nom de la souveraineté.
Vous n’êtes pas optimiste ?
Personnellement je ne suis pas très optimiste, peut-être que quelque chose d’extraordinaire se produira. Vous savez, ces organisations supranationales n’ont pas de moyens de coercition pour contraindre les Etats à exécuter les décisions qu’elles prennent. On invoque toujours la souveraineté. Sinon nous sommes dans une situation vis-à-vis de l’Etat, le Léviathan, c’est un peu ce que Corneil a écrit dans le Sid : « à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire ». Nous, nous sommes victimes d’injustice.
L’ancien premier ministre a été transporté d’urgence à la Clinique Pasteur le dimanche 19 février 2023 à la suite d’un malaise. Comment se porte-t-il aujourd’hui ?
Il va mieux. Mais le problème ne se situe pas au niveau de sa maladie ; le problème se situe au niveau des violations de ses droits. Parce qu’imaginez-vous qu’il a bénéficié de beaucoup de décisions de mise en liberté provisoire mais il y a toujours eu des recours et on se retrouve devant une situation de confusion totale ; on ne sait pas, ce n’est pas très clair qu’il soit même sous un mandat là-bas parce que juridiquement, tous les mandats sont échus. On se pose la question de savoir : pourquoi et comment il est maintenu là-bas ? Nous les avocats, nous disons qu’il est illégalement détenu là-bas.
Me Kouyaté merci
Interview réalisée par Mohamed Bangoura