Me Thierno Souleymane Baldé, avocat au barreau de Guinée va représenter l’État dans le dossier Kassory Fofana et compagnie qui sont poursuivis pour plusieurs faits liés au pillage économique pendant le régime déchu.
Dans une interview accordée à notre rédaction ce vendredi 15 avril 2022, cet avocat de la partie civile dans cette affaire a affirmé que les avocats du camp adverse ne doivent aucunement transporter le débat dans les médias.
Pour lui, aucune procédure n’a encore été violée et que le procureur spécial près la Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières est dans son plein droit de décider de l’orientation du dossier.
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Mosaiqueguinee.com : Me Thierno Souleymane Baldé vous avez décidé de défendre l’État dans le dossier des anciens cadres poursuivis pour des faits de corruption, d’enrichissement illicite, de détournement de deniers publics et de blanchiment de capitaux, mais il se trouve que les démarches enclenchées par Aly Touré seront déjà décriées par le collectif des avocats des prévenus. Que répondez-vous?
Me Tno Souleymane : C’est tout à fait normal que les avocats des prévenus puissent critiquer le procureur spécial près la CRIEF, puisque leur objectif c’est de faire croire à l’opinion publique que les droits de leurs clients sont violés, afin d’avoir l’empathie de la population, alors que nous sommes tous ici en Guinée depuis l’arrivée au pouvoir de M. Alpha Condé. Tous les crimes économiques et financiers qui ont été commis ici nous en avons été témoins, l’état de nos routes, de nos hôpitaux et de nos écoles l’atteste. Comme on aime à le dire, il n’y a pas plus aveugle que celui qui ne veut pas voir. Les avocats des prévenus ont le droit et la possibilité d’utiliser tout argument qu’ils pensent être indispensable pour la défense de leurs clients, mais il faudrait quand même qu’on respecte certains principes et certaines valeurs, notamment les principes qui veulent que lorsqu’il y a des poursuites judiciaires qu’on fasse valoir les arguments devant les cours et tribunaux. De ne pas déplacer le débat vers la place publique, notamment devant les médias. Ce ne sont pas les médias qui doivent décider, mais plutôt les juges qui ont en charge l’instruction du dossier concerné. Et ces principes doivent être respectés par tout le monde dans l’intérêt non seulement de la justice mais aussi des prévenus, puisque nous voulons tous concourir à ce qu’il y ait un procès juste et équitable au cours duquel les droits de la défense seront garantis. Et cela ne peut se faire que si la procédure se déroule en toute sérénité et que les arguments des uns et des autres puissent être présentés devant les magistrats en charge de l’instruction.
Donc, vous trouvez logique que le dossier soit orienté en flagrant délit alors que le procureur avait d’autres choix ?
Quant à l’orientation du dossier soit à l’information ou bien en flagrant délit cette responsabilité et ces prérogatives reviennent au procureur de la République comme l’article 63 du code de procédure pénale l’indique clairement. Ce n’est pas à nous avocats de décider à la place du procureur, quel est son choix. Et là aussi le code est très clair, si effectivement le dossier est orienté en flagrant délit et que le procès ne puisse avoir lieu pendant un certain délai, il y a une obligation immédiate d’ouvrir une information judiciaire. Donc, s’il y a une violation de ces dispositions, il faut faire recours devant la cour spécial d’appel ou la chambre de contrôle de l’instruction. On ne peut pas vouloir imaginer que c’est le public qui va agir à la place des magistrats en charge de l’instruction du dossier. C’est important donc d’utiliser la procédure légale.
En s’appuyant toujours sur les articles 47 et 63 du code de procédure pénale cités par le procureur, Me Ousmane Seye du Sénégal a affirmé dans une récente sortie médiatique que ce dernier ne joue pas effectivement son rôle et qu’il n’a pas les compétences requises en la matière. Que dit la loi à ce propos ?
Je suis scandalisé par les propos de mon confrère Ousmane Seye qui affirme que le procureur n’a pas les compétences requises, pour orienter à tel ou tel niveau. Et si effectivement le procureur n’a pas les compétences requises, pour orienter à tel ou tel niveau. Et si effectivement le procureur comme il le dit n’a pas une telle compétence, il a la possibilité et le droit de faire recours contre une telle décision devant l’autorité compétente. Il faut quand même avoir le minimum de courtoisie possible entre à la fois les avocats de la défense, mais aussi ceux de la partie civile et le parquet, puisque nous ne pouvons pas avoir un procès juste et équitable si nous n’avons pas une certaine sérénité, si nous n’arrivons pas à respecter tous les acteurs qui doivent concourir à l’organisation de ce procès. Si nous avons des arguments à faire valoir, nous devons le faire mais en utilisant les dispositions légales, les voies de recours prévues par la législation en vigueur dans notre pays. Il ne faudrait pas quitter la cour pour aller devant la place publique et tenir des propos qui ne sont pas acceptables dans des dossiers similaires.
Le collectif des avocats des dignitaires du régime déchu parle de l’inexistence de preuves. Pour eux les faits ne doivent pas précéder les qualifications. Et en aucun cas tous ces prévenus ne doivent être poursuivis pour les mêmes faits. Dites nous de quelles preuves disposez-vous présentement ? Et comment comptez-vous, vous y prendre dans cette affaire, afin que le droit soit dit, parce que pour de nombreux guinéens, c’est le début d’une longue bataille judiciaire ?
Sans preuves, il n’y a pas d’infraction et le ministère public a l’obligation de présenter des éléments de preuves pour pouvoir démontrer la culpabilité d’un prévenu. Nous, nous sommes pour les principes, nous avons été dans beaucoup de procès ici en Guinée qui concernent des assassinats politiques de certains de nos concitoyens, qui sont morts en prison sans pouvoir bénéficier des soins de santé appropriés entre autres. Nous avons toujours sollicité des éléments de preuves. Ce que nous avons fait hier ce sont les même principes que nous allons exiger et que nous allons appliquer au niveau de la CRIEF. Ce n’est pas parce que nous sommes pour l’État, nous sommes pour la partie civile que nous allons violer ces principes. Notre souci principal c’est de veiller à ce qu’il y ait un procès juste et équitable. Que ceux qui sont innocents soient libérés et que les coupables soient condamnés. Donc, les avocats de la défense s’ils estiment qu’il n’y a pas des éléments de preuves pour faire arrêter leurs clients, ils ont la possibilité de faire recours contre les différentes décisions qui seront rendues et présenter leurs arguments devant les magistrats concernés pour faire annuler l’inculpation. Mais cela doit se faire devant les juridictions compétentes. Ce n’est pas parce que les mêmes infractions ont été retenues contre les prévenus qu’on va dire que la procédure est nulle, il faudrait juste qu’au niveau de chaque infraction qu’il y ait suffisamment d’éléments de preuves, afin de démontrer leur culpabilité ou leur innocence. Nous savons que ce procès ne peut pas se dérouler en un temps record, nous sollicitons à ce qu’il y ait tout le temps qu’il faut pour instruire le dossier, en vue d’avoir un procès exemplaire, afin d’éviter que les mêmes actes se reproduisent dans notre pays.
Interview réalisée par Hadja Kadé Barry