Le président du haut conseil des Maliens de Guinée et vice-président du haut conseil des Maliens de l’extérieur, s’est exprimé sur la crise sociopolitique qui secoue son pays, caractérisée par l’éjection du président de la transition et du premier ministre par le conseil national pour le salut du peuple (CNSP)
Dans une interview accordée à mosaiqueguinee.com, Mohamed Sidibé a placé le problème malien dans son contexte. Il a également exprimé les attentes des populations avant d’en appeler la communauté internationale face à ses responsabilités dans la résolution de ladite crise.
Mosaiqueguinee.com : M. le président du haut conseil des Maliens de Guinée, votre pays traverse aujourd’hui une crise politique sans précédent, suite à l’éviction récemment du président de la transition Bah Ndaw et son PM. Par quoi expliquez-vous cette situation?
Mohamed Sidibé : Il faut d’abord placer le problème dans son contexte réel. Le président et le premier ministre sont venus suite à une crise qui a évincé le président élu qui est Ibrahima Boubacar Keita. C’est un président et un premier ministre désignés à l’époque par l’ex CNSP (conseil national pour le salut du peuple) dirigé par Assimi Goita. Donc, suite à de nombreuses tractations, les gens ont estimé qu’il faut un régime civilo-militaire et la partie civile a été confiée à Moctar Ouane comme premier ministre et le colonel major à la retraite Bah N’Daw comme président de la transition. Donc, il était question qu’ils travaillent en synergie et que réellement, les questions de défense et de sécurité restent entre les mains des militaires notamment le vice-président en charge de ces questions. Depuis un certain temps, les maliens ont tous compris que ça n’allait pas, parce que le gouvernement n’a pas été à la hauteur de l’espoir suscité. Les maliens ont besoin de changement, de l’instauration de la sécurité, du redéploiement de l’armée et de l’administration dans les régions du centre et du Nord qui traversent une crise depuis 2012. Bref, il s’est avéré que le gouvernement est resté dans une inertie qui ne disait pas son nom, entre temps, tout le monde a souhaité qu’il y ait remaniement et c’est dans le cadre de ce remaniement que le président de la transition a automatiquement reconduit le premier ministre qui n’était pas du goût de tout le monde, y compris la population et il a éjecté tous ceux qui étaient proches des militaires sans les consulter, ni les associer et surtout le ministère de la défense et de la sécurité qui sont des domaines du vice-président. C’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase et puis les choses ont éclaté.
Mosaiqueguinee.com : Comment appréciez-vous alors la démarche de Assimi Goita?
Mohamed Sidibé : En tout, nous nous estimons que la démarche est bonne lorsqu’il y aura vraiment un gouvernement engagé, qui va corriger les erreurs du précédent gouvernement et lorsque la charte de la transition est respectée, je pense que tout ira bien.
Mosaiqueguinee.com : quel appel avez-vous à l’endroit de la communauté internationale qui a condamné la démarche du CNSP ?
Mohamed Sidibé : Je comprends leur condamnation de principe mais ils doivent tenir compte de la volonté du peuple. Aujourd’hui, le peuple malien ne peut pas laisser des gens qui ne font pas leur affaire les diriger, parce qu’ils sont soutenus par la communauté internationale. Le Mali a besoin d’hommes très engagés. La solution du Mali, ce sont les maliens, ce n’est ni la communauté internationale ni la CEDEAO encore moins qui que ce soit. On a besoin aujourd’hui des maliens très engagés patriotes, qui se battent pour le pays et non autour d’un partage de gâteau et c’est là le problème. (…) Nous invitons la communauté internationale à nous accompagner à aller vers un régime démocratique, à accompagner le Mali pour récupérer ses territoires occupés, à accompagner le Mali pour combattre le terrorisme qui est en train d’affaiblir le pays. On ne peut pas parler de développement sans paix. Tout le monde sait que depuis 2012 il n’y a pas de paix au Mali.
Mosaiqueguinee.com : Est-ce que vous n’êtes pas gêné de voir votre pays dans cette situation chaotique ?
Mohamed Sidibé : C’est vrai que le Mali a des problèmes, la roue de l’histoire tourne. A un moment, on était fier d’être malien, aujourd’hui on a honte d’être Malien, c’est vrai. Mais, cela ne doit pas nous laisser dans un découragement éternel. Nous devons encore nous réarmer de moral, de force, pour en tout cas relever le défi. Le moment est venu de laisser les discours et de laisser nos discordes. Le moment est venu de nous unir pour relever notre pays (…). Un peuple qui n’est pas en mesure de régler ses propres problèmes est un peuple sans avenir. Je pense que les maliens doivent être conscients de cela, sortir des chantiers battus de l’aide de la communauté internationale, de l’appui de la CEDEAO (…). La seule solution du Mali est entre les mains des maliens eux-mêmes.
Mosaiqueguinee.com : Depuis 2012, le pays est plongé dans une crise politique sans précédent. De quoi le Mali a-t-il réellement besoin pour se relever ?
Mohamed Sidibé : Ce qu’il faut savoir, ce qu’on n’a même pas de pays, le Mali est par terre, en lambeau. Le Nord est occupé par les ex-rebelles, une autre partie du nord occupée par les djihadistes, le mouvement djihadiste est même à la porte de Bamako. Je pense qu’aujourd’hui, on ne peut pas parler de pays. C’est pourquoi, on a besoin de refondation, de redressement du Mali. Il faut d’abord exister pour parler de développement. Pour le moment, nous nous battons pour exister. Et tous les changements qui rentrent dans ce sens seront la bienvenue
Mosaiqueguinée.com : Est ce que les maliens de l’extérieur sont mis à contribution dans la résolution de cette crise?
Mohamed Sidibé : Il y a un cadre de consultation où les maliens de l’extérieur à travers le haut conseil est représenté, il y a aussi des consultations au niveau du conseil national de transition, l’organe législatif. Je pense qu’à ce niveau, on peut être consulté. L’autre question c’est est-ce que nos points de vue sont tenus? Mais ce n’est pas dans tous les cas, mais nous donnons nos points de vue. J’ai personnellement interpellé il y a de cela trois semaines avant de quitter Bamako. J’ai demandé à ce qu’on se retrouve à huis clos pour qu’on analyse la situation, bien avant aussi, j’avais contacté des gens, pour dire que le gouvernement est amorphe et trouvons les voies et moyens pour changer ce gouvernement mais en douceur. Je n’ai pas été suivi par beaucoup d’entre nous mais ce n’est pas grave. En tout cas, ce qui est sûr aujourd’hui, le Mali a besoin d’aide et ce sont les maliens qui doivent aider le Mali. La communauté internationale, la CEDEAO n’ont jamais réglé un problème »
Mosaiqueguinee.com : Quel appel avez-vous à l’endroit de vos compatriotes qui ont envie aujourd’hui de rentrer au Mali?
Mohamed Sidibé : C’est un devoir pour moi en tant que président d’ici et vice-président du haut conseil de rassurer les maliens que la situation actuelle est sous contrôle et que les choses vont évoluer le plus rapidement possible. Nous attendons en tout cas des forces vives de la nation qu’un premier ministre consensuel soit désigné et qu’un gouvernement de large consensus composé d’hommes et de de femmes capables de porter l’espoir, parce que c’est là le problème. Il s’agit d’amener des hommes qui n’ont pas besoin de bureau ou de se faire voir. On a besoin d’hommes qui sont sur le terrain, qui vont se battre pour redresser le Mali. Le Mali est par terre aujourd’hui il a besoin de ses fils en tout cas valides, courageux qui vont redresser le pays mais ça ne peut pas se faire sans un courage politique.
Mosaiqueguinee.com : votre invite vis-à-vis de la Guinée, votre deuxième pays?
Mohamed Sidibé : Je demande aux hautes autorités de la Guinée de bien vouloir s’impliquer davantage pour que le Mali soit relevé ou soit debout. Je remercie la presse guinéenne, l’opinion publique, la population guinéenne, qui sont aussi inquiets comme les maliens, cela dénote encore que le Mali et la Guinée sont deux poumons dans un même corps.
Interview réalisée par Alhassane Fofana