Après trois mois d’audience et de sévères réquisitions contre les 14 accusés, la cour d’assises spéciale a prononcé des peines allant de 4 ans à la perpétuité.
Les accusés du procès des attentats de janvier 2015 à l’heure de leur dernier mot, lundi, avant que la cour ne se retire pour délibérer.
La défense, dans ses plaidoiries, avait conjuré la cour de ne pas « céder à la peur » ni à la pression d’un procès annoncé comme historique, de ne pas écouter la « meute » assemblée devant la salle d’audience au moment de juger les 14 accusés du procès des attentats de janvier 2015. De s’en tenir aux faits qui leur étaient reprochés, aux éléments qui avaient pu – ou non – être assemblés contre eux. Le combat était inégal, selon plusieurs avocats. D’un côté, 200 parties civiles, des vies ravagées, un traumatisme national et exigeant réparation. De l’autre, une nébuleuse suspectée d’avoir aidé les terroristes à s’armer, et un dossier par endroits bancal.
La défense de chacun des 11 accusés présents (3 sont absents) s’était émue d’un réquisitoire extrêmement sévère : des « peines de malade » – entre cinq et quinze ans de réclusion –, résumait lundi Me Marie Dosé, l’un des conseils de Nezar Mickaël Pastor Alwatik. Les avocats avaient aussi, avec violence et brio, attaqué un ministère public qui, c’est vrai, a fort peu existé le temps de l’audience. « Les armes, les commanditaires, ce sont des piliers du dossier, c’est du solide, c’est du concret, mais on ne va pas les juger ici, avait lancé Me Beryl Brown, avocate de Michel Catino. C’est soit trop tard, comme pour Claude Hermant, soit trop tôt, comme pour Peter Cherif. Au milieu, il y a du vide, qu’on essaye de combler. Alors on bricole, on rafistole. » Trois mois après l’ouverture du procès et au terme de quarante-huit heures de délibéré, la cour s’est prononcée mercredi, devant une salle comble.
Dès le début de la lecture du délibéré, le président Régis de Jorna a indiqué que la cour avait écarté la qualification de crime terroriste pour six des onze accusés présents. Cette qualification a toutefois été retenue pour Ali Riza Polat, considéré par l’accusation comme la « pièce maîtresse » des attentats. Le Franco-Turc de 35 ans a été déclaré coupable de « complicité » des crimes « terroristes » commis par les frères Saïd et Chérif Kouachi et Amedy Coulibaly. Il a été condamné à une peine de 30 ans de réclusion criminelle, avec une peine de sûreté des deux tiers. Son avocate a annoncé qu’il allait faire appel de sa condamnation. La détention criminelle à perpétuité, assortie d’une peine de sûreté de vingt-deux ans, avait été requise contre lui.
Nezar Mickaël Pastor Alwatik, ancien codétenu et proche d’Amedy Coulibaly, voit prononcée à son encontre une peine de 18 ans de prison, avec une peine de sûreté des deux tiers.
Contre Saïd Makhlouf et Amar Ramdani, accusés d’avoir recherché des armes dans la région lilloise, des peines de 8 et 20 ans ont respectivement été prononcées. Dans le cas de Mohamed Fares, qui était supposé avoir servi d’intermédiaire entre eux et le trafiquant Claude Hermant, l’accusation avait été moins sévère : sept ans de prison avaient été requis. La cour a prononcé une peine de 8 ans de réclusion.
Les avocats généraux avaient été jugés particulièrement sévères à l’endroit des Belges Michel Catino et Metin Karasular, qui, eux aussi, auraient recherché des armes pour Amedy Coulibaly : ils ne pouvaient ignorer la radicalisation de leurs interlocuteurs, avait estimé l’accusation, qui requérait contre eux quinze ans de réclusion. La cour a prononcé des peines de respectivement 5 et 8 années de détention.
Abdelaziz Abbad et Miguel Martinez, membres supposés de la même « filière belgo-ardennaise », voient prononcées contre eux des peines de respectivement 10 et 7 ans de réclusion.
Dernier duo, Willy Prévost et Christophe Raumel. Le premier, ancien souffre-douleur d’Amedy Coulibaly, était accusé de lui avoir fourni une aide logistique en achetant pour son compte des Taser, des couteaux et des gilets tactiques. La cour le condamne à 13 ans de prison. Son acolyte Christophe Raumel, le seul des accusés à comparaître libre et contre qui une peine de cinq ans de prison avait été requise, écope, pour sa part, d’une peine de 4 ans de réclusion.
Il y a enfin les absents, et principaux complices : les frères Mohamed et Mehdi Belhoucine, présumés morts en Syrie, ainsi que Hayat Boumeddiene. Mohamed Belhoucine a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. Pour son frère, la cour a déclaré l’extinction des poursuites. L’ancienne compagne d’Amedy Coulibaly est condamnée à 30 ans de réclusion avec peine de sûreté des deux tiers.
Avec lepoint