Prise du pouvoir, véhicules des députés, courrier d’un groupe de parlementaire aux nouvelles autorités, le député uninominal de Beyla a répondu aux questions de Mosaiqueguinee.com. Dans cet entretien, Samouka Bérété évoque la nomination de Mohamed Béavogui, la durée de la transition et l’épineuse question de : » qui pour diriger le RPG arc-en ciel ? « . L’ancien secrétaire de la commission des lois ne manque pas non plus de prodiguer d’utiles et sages conseils au Colonel putschiste pour une transition réussie en Guinée.
Mosaiqueguinee.com: Vous êtes Juriste, politicien et même politologue. Quel est votre état d’espritdepuis la dissolution de l’Assemblée nationale le 5 septembre dernier?
Samouka Bérété :Je vais très bien puisque nous ne pouvons en aucune manière affaiblir Allah dans sa divinité. Dieu a dit dans la sourate Baqara, qu’«il (Allah) n’impose à aucune âme une charge supérieure à sa capacité». J’ai donc mis à profit les 2 mois pour finaliser la rédaction de mon mémoire de Master en Sciences politiques, et Dieu merci, je me propose de le présenter dans les semaines à venir. Bref, ces 2 mois étaient a priori des temps perdus que j’ai bien remplis. C’est la vie.
Mosaiqueguinee.com: Au lendemain de la prise du pouvoir, la question relative auxvéhicules des députésdéfraie l’actualité et a mêmedivisé l’opinion ?Quel est votre avis sur le sujet ?
Samouka Bérété :C’était un débat sans utilité, néanmoins parlons-en puisque chacun partait dans son sens à lui, sans maitrise réelle de la situation. En effet, représentant du peuple souverain de Guinée sur la base de l’article 2 de la Constitution, des facilités matérielles sont mises à la disposition du parlementaire par la législation nationale. Ainsi, l’alinéa 14 de l’article 72de la loi organique portant Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, relatif aux droits, privilèges et obligations des Députés dispose que « …pour faciliter leur mobilité vers leurs circonscriptions électorales, les députés ont droit chacun à un véhicule, dès après leur installation». Alors, en tant que droit pour les parlementaires et obligation pour l’exécutif, le régime sortant nous a donnés les véhicules en aoûtet septembre 2020, juste 4 mois après notre installation. Pour ceux de nos compatriotes qui ignorent la pratique, et pour leur gouverne, je précise que nous payions près de 4.000.000 FG par mois, défalqués dans notre indemnité mensuelle. Une défalcation que nous avons d’ailleurs dénoncée, puisque nulle part le Règlement intérieur n’en fait cas. La loi dit de nous donner le véhicule mais n’a pas dit de nous prendre de l’argent dans ce salaire. Pour revenir à la propriété que nous avons sur les véhicules, vous constaterez que ces véhicules ont une «plaque d’immatriculation ROUGE», marquée RC; contrairement aux véhicules que détenaient nos collègues membres du Bureau de l’Assemblée nationale dont la «plaque d’immatriculation est VERTE», marquée AN, comme pour dire que ces derniers sont la propriété de l’Etat et non des titulaires de la fonction de membres du Bureau de l’institution parlementaire. Et vous savez qu’ils ont été récupérés rapidement et facilement le lendemain de la rencontre entre le CNRD et les ministres et présidents des institutions constitutionnelles.
Mosaiqueguinee.com: Récemment, certains de vos collègues ont demandé une audience avec lesnouvelles autorités du pays afin d’échanger sur certaines situations vous concernant dont la prime de la session extraordinaire et la prime de séparation, qu’en dites-vous?
Samouka Bérété :Bon, c’est une démarche normale et elle n’a pas commencé par la 9èmelégislature. Seulement que je me suis dit que c’était tôt dans la mesure où il n’y avait pas de Premier Ministre, ni de Garde des sceaux, ni de MATD, ni de Ministre chargé des relations institutionnelles ; en un mot pas de Gouvernement ; et ce sont eux qui doivent être nos interlocuteurs techniques, pas le Président de la transition directement. En effet, au-delà de la prime de la session extraordinaire (août-début septembre 2021), il y a l’indemnité de séparation. L’alinéa 9du même article 72 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale est clair à propos, en disant que les anciens députés ont droit à une indemnité de séparation égale à six (6) mois de leurs émoluments. Ces dispositions du RI de l’Assemblée nationale restent opposables aux nouvelles autorités au nom du principe de la continuité de l’Etat, un principe renforcé par le Président Doumbouya à travers son ordonnance duvendredi, 17 septembre 2021 portant «prorogation des lois nationales, des conventions, traités et accords internationaux » en vigueur à la date du 5 septembre 2021. Ce qui veut dire en terme simple que ces lois et traités en vigueur jusqu’au jour du coup d’Etat continuent à produire leurs effets vis-à-vis de tout le monde. C’est cela l’État de Droit. Et c’est sur la base du même Règlement intérieur que les députés de la 8èmelégislature sont entrés en possession de leur indemnité de séparation en juin 2020 sous l’ancien régime. Je termine par réitérer que c’est une loi organique qui existe depuis le 23 décembre 1991, qui a été révisée le 4 juillet 2017 sous la 8èmelégislature, puis le 2 novembre 2020 sous la 9èmelégislature.
Mosaiqueguinee.com: L’actualité reste dominée par la nomination d’unPM, et de quatre membres du gouvernement. Mohamed Béavogui, Est-ce le bon choix pour cette période exceptionnelle ?
Samouka Bérété : En réalité je ne l’ai jamais vu physiquement, seulement que j’ai entendu parler de lui en 2007 lorsque son nom courait sur la langue des citoyens par rapport à la shortliste des premier-ministrables sous le feu Général Lansana Conté (Rip) qui leur a préféré l’autre Lansana, encore diplomate. Mais rapidement, je précise que la différence entre les deux (2) contextes est hippopotamesque. A l’époque, le mandat normal du PRG était en cours, il restait 2 ou 3 ans encore pour le Général Conté ; suite à la révision constitutionnelle de novembre 2001 où le mandat est passé de 5 à 7 ans, boycottée par le Chef de file de l’opposition, une opposition qui a aussi boycotté les législatives de 2002 et la présidentielle de 2003. Alors pour revenir au PM BEA, à le lire à l’international sur CV, on peut lui donner la mention «très bien», ce qui est cependant très loin des réalités à l’interne surtout en période de transition où les pressions sont multidimensionnelles et plurisectorielles. J’espère qu’il ne sera pas comme ce footballeur très brillant dans son club hors de son pays, mais pendant qu’il a des zéros en chapelet en équipe nationale. Car être PM d’une telle transition demande une maitrise parfaite de l’environnement politique du pays. Sans quoi, il pourrait se retrouver sur un terrain savonneux d’où les qualités à lui prêtées ne peuvent le sauver. C’est ce que l’on peut appeler de passage «le revers de la médaille». Une situation malheureuse qu’on ne doit pas lui souhaiter dans cette mission hyper délicate. Que Dieu fasse qu’il donne raison à tous ceux qui voulaient qu’ils soient PM depuis 2007.
Mosaiqueguinee.com : Du peu que vous savez en politique (théorie comme pratique), pour combien de temps devrait durer cette transition?
Samouka Bérété : Ah une question très intéressante par sa nature et vu la période ! Vous savez, de la transition, le Guinéen en sait beaucoup de 1984 à nos jours, ici en Guinée tout comme sur le continent. Après le coup d’État, on peut citer 3expériences non limitatives sur la transition :
- Comme le CNDD de 2008, c’est-à-dire faire tout ce que tu peux faire en 2 ans, organiser la présidentielle, retourner la politique aux politiciens et merci adieux ;
- Comme le CMRN de 1984, je veux dire faire tout ce qui était nécessaire pour une transition et prendre goût du pouvoir, se muer et ne jamais quitter le pouvoir ;
- Comme Jerry RAWLINGS du Ghana ou Amadou Toumany TOUREdu Mali, c’est-à-dire partir, regretter et revenir.
L’un dans l’autre, il faut préciser que la transition peut approfondir la crise au lieu de lui apporter des bases de solution. Les peuples de nos jours, deviennent de plus en plus vigilants, c’est pourquoi ils ne souhaitent pas voir les transitions si longues. En Guinée, le pouvoir politique au sommet est réservé aux politiciens, groupés dans des associations appelées partis politiques. Et quand on s’invite dans le pouvoir politique, on devient automatiquement politicien. Pour le cas présent, je pense que deux (2) ans et demice n’est pas peu pour faire l’essentiel et se remercier. La transition est une période de dépendance pour un pays, ce qui veut dire qu’autant elle dure, pire la souveraineté est durement affectée. Inutile de donner une feuille de route lourde et dure comme du « papier vert » au Gouvernement de transition car il ne faut pas se voiler la face, ce qui est fondamental à faire dans cette transition est connu de tous :
- Faire une nouvelle Constitution en prenant ce qu’il y a de bon dans la Constitution de 2010 et ce qu’il y a de bon dans celle de 2020, puis ajouter d’autres nouveautés faisables mais pas par simple mimétisme aux antipodes de nos réalités ;
- Refaire le Code électoral et la Loi sur la CENI ;
- Installer la CENI, faire l’enrôlement des électeurs, organiser l’élection présidentielle et passer le pouvoir au vainqueur.
Je ne vois personnellement pas la substantielle importance d’organiser les législatives avant la présidentielle. Cette façon est probable source d’instabilité dans le pays et donc une opportunité diamantine servie dans un plateau d’or pour un probable ou éventuel putsch. On parlera alors de «perpétuel recommencement» ou «malédiction ». Évitons à tout prix que la majorité au Parlement ne soit pas celle du Président. Le pays n’a pas et n’aura pas les moyens d’organiser des législatives après une dissolution normale. La transition n’est pas une période de développement infrastructurel, encore que ce n’est pas elle qui fait l’unité nationale, car la fameuse charte de la transition a exclu une partie élitiste de la majorité sortante, de la gestion de la transition en violation des valeurs prônées par les patrons de la transition (rassemblement ou inclusivité). Une vraie faute caractérisée par une abyssalité négative. Mais j’espère que les acteurs et les organes de la transition seront sincères envers eux-mêmes et envers le peuple souverain de Guinée pour un retour pacifique et non tardif à l’ordre constitutionnel car pour occuper la grande cour de SEKOUTOUREYAH ou assimilée, il n’y a qu’un seul chemin, c’est celui de l’élection.
Mosaiqueguinee.com : Alors Honorable, vous avez été Député uninominal et Secrétaire de la plus grande Commission de l’Assemblée nationale, je veux parler de l’indispensable Commission des lois, qui pour diriger le RPG AEC aujourd’hui?
Samouka Bérété : Rire. Je m’attendais vraiment à cette question. Comme du beurre à couper, c’est une question très facile à répondre. Jusqu’à preuve du contraire, c’est Alpha Condé. En effet, ce qui déroute mentalement les tartufes et leurs goètes, c’est de penser qu’être à la tête du parti fait de vous automatiquement le candidat du parti à l’occasion de la présidentielle prochaine. Le parti a sa propre législation.
Ce que je sais comme résumé de toutes mes missions dans les préfectures, sous-préfectures et autres villages dans les 4 régions naturelles de ce pays, ce que je sais de mon enfance à maintenant dans ce parti, est que :
- Ce que Alpha a supporté pour le parti de 1991 jusqu’au 4 septembre 2021, rares sont ceux qui peuvent le supporter, pour ne pas dire dans un tableau noir qu’il n’y en a pas ;
- Ce que les militants ont fait ou accepté pour Alpha pendant les 20 ans d’opposition et les 10 ans de règne, je ne vois pas pour qui ils peuvent le réitérer facilement.
Ce parti est le parti le plus structuré du pays depuis sa création jusqu’à maintenant. Alpha vit, et les militants sont préoccupés par sa sortie et son premier appel pour qu’ils choisissent celui qui doit l’être pour la reprise du fauteuil. Pour le moment, il est et demeure leur seul et unique chef politique. Je sais bien que certains parmi nos responsables comptent aller ailleurs lorsque le choix ne tombera pas sur eux, mais malheureusement, ces gens ne savent pas ce que supporte le président d’un parti politique de l’envergure du RPG en Afrique. Leur retrait leur fera perdre. Ils ont intérêt à s’assumer, car groupés on a toutes les chances. L’autre disait que l’unité du tout naît de la subordination des parties, et de cette subordination naît l’harmonie. J’informe ces sceptiques, candidats à la démissionpour prendre la tête de petites formations politiques, je parle bien de ces pharisiens, qu’il suffit de prendre part à fond à une seule bataille électorale nationale pour redevenir pauvre et même « bout d’homme » sur le champ politique. Et au village, les sages nous enseignent qu’«en buvant de l’eau il faut penser à sa source ». J’en appelle à leur foi, je les appelle à la solidarité, je les déconseille de suivre les signaux de leur « fierté mal placée » innée, car pour la plupart, ils ont plus de souvenir que d’avenir. Prudence, prudence, encore prudence.
Mosaiqueguinee.com : Votre mot de la fin, Honorable?
Samouka Bérété :Beuh ! Il n’y a vraiment pas grand-chose à dire hein, sinon qu’à souhaiter longue vie à Alpha et santé dans sa retraite. Je sais qu’il est un bon conseil pour nous. Souhaiter bon vent au Président de la transition, le Colonel Fakoly pour qu’il y ait belle harmonie dans le dire et le faire pour le bonheur du même peuple, cette même foule qui dit « vive le Président, à bas le Président ». Que le même Dieu qui donne le pouvoir et l’arrache, le protège de son propre danger et du danger d’une mauvaise compagnie ; car dans l’entourage d’un président il y a deux (2) catégories de groupes, chacun jouant un rôle pour ou contre lui :
- Le groupe des bons, c’est-à-dire des collaborateurs qui sont sincères ; et
- Le groupe des cons, là je fais allusion à ceux qui vivent de l’insincérité, de la faux-culterie, ces gens qui mordent et soufflent sur la plaie comme une souris enceinte.
Qu’Allah sauve ce pays. Je vous remercie.
Interview réalisée par Mohamed Bangoura