L’annonce d’une éventuelle révision de la loi sur la Presse, par le Ministre Amara Somparé à l’Assemblée Nationale, fait couler beaucoup d’encre, ces derniers jours.
Des voix se sont élevées pour dénoncer ce qui serait à leurs yeux «une grave atteinte à la liberté d’expression» et un moyen d’annuler la dépénalisation des délits de presse, et cela malgré que le ministre ait expressément dit ne pas vouloir toucher à cette disposition de la loi.
L’émotion est telle qu’on se pose la question aujourd’hui de savoir si c’est la révision en elle-même qui fait peur ou son contenu ; la question est d’autant plus intéressante que nul ne sait encore de quoi il sera question lors de ce toilettage.
A l’analyse, on peut bien s’interroger sur la pertinence ou non d’un tel projet au regard des nombreuses mutations sociétales et technologiques dans le secteur. En 2010 le CNT, qui a travaillé sur les lois L02 et L03 portant respectivement sur la liberté de la Presse et Attributions, Fonctionnement et Organisation de la HAC, n’avait pas anticipé sur les progrès innovants d’internet sur la société africaine au point que des médias émergents, comme c’est le cas des web-radios, web-TV et des blogueurs qui pourtant sont incontournables dans le système actuel d’information et de communication, n’ont pas été pris en compte par le dispositif juridique sus-cité.
Un tel vide juridique et institutionnel peut compromettre leur intégration dans le circuit communicationnel au grand dam de notre jeune démocratie. Comme pour dire que la nécessité d’adapter notre législation au contexte actuel, marqué par l’émergence de nouveaux médias, s’impose dans la gouvernance communicationnelle ; cette nécessité s’impose également au regard des dérapages sans cesse enregistrés par des journalistes et autres amateurs dans l’exercice du métier. Sans toucher le principe sacré de la dépénalisation des délits de presse, dont le Ministre Somparé même se veut un gardien, il faut noter que les amendes, telles que prévues par le CNT, ne semblent plus dissuader des candidats à la déchéance sociale comme c’est le cas de l’article 96 où l’incitation au vol, au crime et au pillage n’est punie que d’une amende d’un à 5 millions.
Sans compter que la saisine de la Haute Autorité de la Communication semble protéger certains citoyens plus que d’autres, selon leurs fonctions. Une telle disposition mériterait d’être démocratisée car la loi par essence protège au même titre les puissants et les moins puissants, comme pour dire que l’auto saisine de l’institution devrait être de mise chaque fois que des atteintes sont portées sur l’intégrité physique, la dignité ou l’honneur d’un citoyen, quel qu’il soit.
Autre fait qui mérite notre attention, c’est l’arrêt de la délivrance des agréments aux promoteurs des radios et télévisions. Ils sont très nombreux à avoir soumissionné mais en attente depuis des mois, voire des années. La loi ne prévoit aucune contrainte sur les autorités, encore moins un délai d’examen des dossiers des soumissionnaires.
Revoir cette disposition aurait l’avantage de raccourcir les délais de traitement de dossier et contraindre les autorités à se prononcer dans des limites de temps raisonnables.
Rien que ces faits, parmi tant d’autres, illustrent fort bien la nécessité d’ouvrir le débat sur une évolution de la législation en matière de Presse.
Peut-être que le Ministre Somparé aurait pu envisager une façon différente de communiquer sur le Projet avant de l’annoncer à l’Assemblée Nationale, qu’à cela ne tienne le débat reste ouvert et est même plus que nécessaire.
Alsény Souaré
Juriste