Bien que ses rapports ne soient pas pris en compte par le gouvernement, la Cour des Comptes, institution chargée du contrôle des comptes publics et de la vérification sur pièces de la régularité des recettes et des dépenses inscrites dans les comptabilités publiques, fait plutôt contre mauvaise fortune bon cœur. Et c’est loin des objectifs des cameras et en toute discrétion, que l’institution examine sous toutes les coutures, comment l’argent du contribuable est dépensé. Cette opiniâtreté des commissaires aux comptes, la direction de la Société Navale, établissement public administratif, véritable caverne d’Ali Baba, regorgeant d’énormes ressources financières, l’a apprise à ses dépens. C’était à la faveur d’une inspection de ses comptes en menée en 2018, et dont les résultats s’étaient avérés hallucinant aux yeux de la mission de contrôle, qui avait conclu sur le vif, à non seulement des irrégularités dans les comptes de l’entreprise, mais aussi à des incohérences entre les masses financières indiquées par le rapport d’activités de la SNG et celles des différents rapports du commissaire aux comptes de la société, ainsi qu’à des dépassements des dépenses par rapport aux prévisions de 2015 et 2016…Autant y voir de faux comptes et mécomptes de cet EPA relevant du département des Transports.
Au fur et à mesure que vous déroulez votre récit d’enquête sur la gestion scabreuse de nos institutions étatiques, on se rend compte que la Cour des Comptes joue bien son rôle, contrairement à une certaine idée qui avait germé dans les esprits de nombreux guinéens, soit par manque d’information, ou simplement par mauvaise foi. Puisqu’après les rapports sur les collectivités locales dont vous avez épluchés une infime partie, vous ouvrez ce lundi la chemise des régies financières, telles que la Société Navale Guinéenne, où il ne ferait pas du tout bond de plonger le nez, tant l’odeur est fétide. Entre incohérences entre les masses financières indiquées par le rapport d’activités de la SNG et celles des différents rapports du commissaire aux comptes de la société, et des dépassements dans les dépenses par rapport aux prévisions en 2015 et 2016, tout amène à douter de la véracité des comptes Akoumba ?
Et comme vous me tendez la perche, je dois profiter de l’opportunité pour dire que c’est suite à une audience de délibéré du 13 juin 2018 que la Société Navale Guinéenne a été soumise au contrôle de la gestion des exercices 2013 à 2016, par la chambre des entreprises publiques, des institutions bancaires de crédits et d’assurance et autres organismes de la Cour des Comptes. Qui a constaté non seulement des incohérences entre les masses financières indiquées par le rapport d’activités de la SNG et celles des différents rapports du commissaire aux comptes, mais en plus, des dépassements des dépenses ont été relevés par rapport aux prévisions 2015 et 2016, ce relativement au port sec de Kagbèlen.
Entre les prévisions et les charges d’investissement ce sont plusieurs milliards en chiffres qui s’étalent sous nos yeux. Comment démêler le vrai du faux ?
La Cour des Comptes étale comme quoi la société a fait des prévisions de GNF 2,5 milliards et GNF 14,26 milliards dans les budgets respectifs de 2015 et 2016 comme charges d’investissement à Kagbélen. Cependant la SNG a réalisé GNF 13,35 milliards en 2015 et GNF 1,02 milliards en 2016.
La SNG a réalisé en 2016, un chiffre d’affaires de GNF 73,07 milliards avec un résultat excédentaire de 6,79 milliards.
La Société Navale de Guinée, c’est aussi une entreprise qui détient de nombreux comptes ainsi que des actions dans des sociétés. Un véritable labyrinthe où même le plus futé des comptables y perdrait son latin ?
La SNG est titulaire de 3 comptes dans les livres de la Banque Centrale (un compte en GNF, un compte en Euro et un autre en USD). Ce qui lui permet de financer ses activités sur fonds propres, en ne faisant donc pas d’emprunt. A cela il faut ajouter que la SNG détient des actions dans des sociétés de consignation comme GETMA, GSC SA, et SNG-Nanko Shipping.
Comment ces comptes sont-ils alimentés. Quand on sait que la loi interdit les facturations en monnaie étrangère?
L’ensemble des paiements des droits maritimes ou royalties sont virés sur les comptes de devises ouverts à la BCRG. A ce niveau, il est important de rappeler que la facturation en devise étrangère est une exception à la règle selon laquelle toutes les facturations ainsi que leurs paiements en RG sont effectuées en GNF (article 2 du Décret n°032 du 28 janvier 1988 portant généralisation de facturation du paiement des biens et services en GNF sur l’étendue du territoire national). La comptabilité de la SNG étant ténue en GNF, les montants en devises étrangères sont immédiatement convertis en GNF au cours du jour de la BCRG. Sur les 13 agences de consignation, seule Transmar qui est locale paie en GNF, les autres s’acquittent en USD et Euro.
Venons-en à présent à la nomination des responsables de la direction générale. C’est comme si quelque chose clochait à ce niveau ?
Les nominations des membres des deux premiers responsables de la direction générale ainsi que la désignation et le mandat du conseil d’administration ne sont pas conformes à la loi n°075 portant gouvernance financière des sociétés et établissements publics.
La Cour des Comptes a, dans son rapport mis le doigt sur la sortie de véhicules et de barques à travers une procédure qui ma foi semble totalement biaisée. Et pourtant c’était bien avec la bénédiction du CA de la SNG ?
Comme entrée en matière, notez que lors de la session du 19 mai 2016, le conseil d’administration a donné un avis favorable pour la sortie des véhicules et barques du tableau d’amortissement des immobilisations de la SNG, sous réserve de lui adresser une demande d’autorisation. Pour la Cour des Comptes, la régularité de ces sorties de 13 véhicules et des barques n’a pas été justifiée. De fil en aiguille, il s’avérera qu’il s’agissait plutôt de 15 véhicules qui ont été sortis du garage du gouvernement à la suite de cette procédure.
On peut noter parmi les griefs de la Cour, un manquement à la discipline budgétaire pour les prévisions de 2015 et 2016 ?
Le rapport d’observations définitives de la Cour des Comptes est ferme sur le fait que ce dépassement des prévisions de 2015 est lié à la réception d’une facture en fin décembre 2015, mais payée en janvier 2016. Alors que pour les juges de la Cour des Comptes, la Direction Générale de la SNG devait s’engager conformément aux prévisions indépendamment du fait qu’il s’agisse d’une immobilisation en cours. Les juges saisis statuent qu’en agissant ainsi, la SNG n’a pas respecté ses propres prévisions, ce qui constitue un manquement à la discipline budgétaire.
Qui est ce commissaire aux comptes qui a toujours « certifié sans réserve » les états financiers de l’entreprise pour tous les exercices comptables sous revue, sachant pertinemment qu’ils étaient faux ?
La cour des Comptes a aussi noté la non-fiabilité des inventaires physiques des immobilisations, qui n’ont pas permis à l’équipe de contrôle de fonder une opinion sur la cohérence des montants des inventaires physiques et comptables. La Cour des Comptes confirme le manque d’assurance raisonnable que le patrimoine de la SNG fasse l’objet de protection et de sauvegarde.
Pire et cela malgré les faiblesses constatées sur cette fiabilité des comptes de la SNG, force est de constater que le commissaire aux comptes a toujours « certifié sans réserve » les états financiers de l’entreprise pour toutes les exercices comptables sous revue. Notons que la SNG a recruté un commissaire aux comptes par contrat n°004 du 17 octobre 2013 pour un mandat de 6 ans renouvelables et rémunération de 40 millions HT par an.
Comment comprenez-vous ce refus de la direction de la SNG de communiquer les relevés bancaires de ses comptes. Cela dénote carrément l’opacité qui entoure les opérations d’encaissement et de décaissement entre autres ?
Dans les livres comptables de la SNG, il n’existe aucune distinction entre les opérations d’encaissement, de décaissement et celles du fonds concernant la Direction Nationale de la Marine marchande.
D’ailleurs la SNG n’a pas accepté de communiquer à la Cour des Comptes, les relevés bancaires, raisons pour laquelle, le délibéré a émis des réserves sur les conditions dans lesquelles ont été effectuées les opérations bancaires. Ce qui en soit est un délit d’entrave au sens de l’article 14 de la loi n°046 du 18 janvier 2013 sur la Cour des Comptes.
La Cour des comptes a dans son rapport émis de sérieuses réserves sur la santé financière de la SNG. Qui a tout l’air d’une poule aux œufs d’or finalement ?
Tout à fait, le délibéré stipule que le bénéfice dégagé par la SNG ne donne pas une image fidèle de sa situation financière, compte tenu notamment des charges non comptabilisées ou incorrectement comptabilisées (dotation aux amortissements et aux provisions), des dettes impayées (fiscales, sociales, arriérés de dividendes) et des créances irrécouvrables.
On a aussi l’impression que ces shipping royalties sont gérés sans aucune transparence. Il s’agit des frais payés par les bateaux qui accostent le long de nos côtes maritimes, si je ne m’abuse ?
Les paiements du shipping royalty ne respectent pas les dispositions de la note de service l’instituant, puisque les redevables ont pu quitter le port (PAC ?) sans éponger les leurs dettes. En plus qu’il existe des factures non réglées par les consignataires en dépit des relances par la SNG.
Il y a ensuite, la complaisance de la part de la SNG dans la procédure de recouvrement de sa créance auprès de la Compagnie des Bauxites de Guinée (CBG), une réalité qui l’expose à des risques juridiques importants. Par le fait que cette créance déjà ancienne est soumise au droit de prescription quinquennale comme c’est le cas en matière commerciale.
D’importantes ponctions ont été également effectuées sur les comptes de la SNG pour des investissements pour construction de la gare maritime de Sandervalia et le port sec de Kagbèlen. Des travaux qui ne finissement jamais, alors que des décaissements sont effectués, Akoumba ?
Les investissements sur fonds propres à la Gare maritime de Sandervalia et au port sec de Kagbèlen, ayant conduit à d’importantes ponctions sur la trésorerie risquent de créer à terme une tension sur les liquidités de l’entreprise.
Du rapprochement entre les deux soldes de caisse, particulièrement en 201, il apparaît un écart non justifié de GNF 2,4 millions, 30,34 Euros et USD 300. Ce qui signifie, selon la Cour des Comptes que ces sorties de caisse ne sont pas enregistrées en comptabilité. En 2016, par exemple, aucun montant ne figure ni dans le procès-verbal de caisse ni dans les livres comptables.
Les écarts entre les effectifs enregistrés par le service des ressources humaines et ceux présentés dans les rapports d’activités de la SNG correspondent à une non-maîtrise de l’effectif du personnel, ce qui dénote une incertitude sur les charges sociales.
Nous apprenons dans la foulée de cette enquête que la SNG est une sorte d’armée mexicaine où les agents d’encadrement, c’est-à-dire la hiérarchie A seraient plus nombreux que les agents d’exécution ?
Au regard des attributions et du fonctionnement de la SNG, il existe une incohérence entre les effectifs des agents d’encadrement supérieur (Hiérarchie A) et ceux des agents d’encadrement intermédiaire et d’exécution (Hiérarchies B et C). Pour la Cour des Comptes, cette situation pléthorique de la Hiérarchie A est un facteur d’accroissement de la masse salariale et de la réduction de la performance et des résultats de l’entreprise.
On se rend compte que des agents de la fonction publique émargeraient aussi à la SNG. Dans quel État sommes-nous finalement ?
En violation de la loi portant statut général des fonctionnaires, des agents de l’administration publique (donc des fonctionnaires de l’État) sont nommés à la SNG. Ils ne sont placés ni en position de détachement ni en position de disponibilité. Ceux-là continuent à émarger à la fonction publique en sus d’une prime spéciale que leur accorde la SNG.
Les personnels employés permanents et temporaires (à part les premiers responsables des différentes directions techniques pour lesquels il a été procédé un avis d’appel à candidature) ont été recrutés sans procédure mise en concurrence. En outre, les tâches ne sont pas définies dans un manuel de profilage des postes, ce qui ne permet pas de s’assurer de la juste adéquation de la qualification au poste.
La situation des 13 employés temporaires ayant plus de 2 ans d’ancienneté dans l’entreprise, portée à la connaissance du conseil d’administration par la Direction Générale, n’a fait l’objet d’aucune correction.
Et c’est la direction générale qui prend sur elle la responsabilité d’octroyer des primes de gauche à droite à des gens qui ne seraient d’aucune utilité à l’entreprise ?
Une multitude de primes et indemnités est octroyée chaque année par la Directrice Générale sans l’aval du conseil d’administration. Cependant les accessoires du salaire (primes et indemnités) ne reposent sur aucune base juridique (une loi, un règlement, une convention collective ou une délibération du conseil d’administration).
Selon les constats de la Cour des Comptes, pour la période sous revue, trois salariés ont été mis à la retraite. En 2015, deux ont été admis de faire valoir leurs droits à la retraite par décision n°135 du 10 décembre 2015 de la directrice générale. Cependant cette décision ne respecte pas le délai d’information minimum exigé par le Code du Travail. Elle ne fixe pas non plus le montant de l’indemnité de départ, auquel les concernés ont droit. Elle n’obéit pas, enfin, aux règles fixées pour l’âge d’admission à la retraite.
Le non respect des dispositions des différents textes relatifs à la passation des marchés publics et des délégations des services publics, c’est l’autre plaie qui gangrène cette société étatique ?
Pour le contrôle de la Cour des Comptes, la SNG ne respecte pas les dispositions des différents textes relatifs à la passation des marchés publics et des délégations des services publics. Ceci correspond à une faute de gestion au regard des dispositions de l’article 67 alinéa 4 de la loi organique n°046 du 18 janvier 2013 sur la cour des Comptes, qui dispose, « la faute de gestion est constituée par le fait pour toute personne dans l’exercice de ses fonctions ou attribution, d’enfreindre de manière grave ou répétée les dispositions législatives ou règlementaires nationales destinées à garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidat dans les contrats de commande publique ».
Il y a encore plus grave avec ce montant de 5,37 milliards GNF consacrés aux voyages pour les exercices de 2015 et 2016. Même le CA s’en est ému semble-t-il, en plus de la Cour des Comptes ?
Au cours des exercices 2015 et 2016, la SNG a consacré au titre des voyages internationaux, le montant GNF 5,37 milliards. En revanche, sur la base du livre de caisse, la Cour des Comptes n’a pu reconstituer les montants qui se rapportent aux voyages et mission uniquement de la société et du fait de la confusion des comptabilités de la SNG et de la Marine Marchande.
C’est dire qu’en l’absence des pièces justificatives exhaustives et l’existence d’achats fréquents et rapprochés de billets d’avion, les paiements effectués peuvent être considérés comme indus et à cet effet, portent un préjudice financier à la société. La Cour des Comptes fait le constat qu’aucun rapport de mission n’a été fourni, sur un échantillon de 16 achats de billets d’avions seuls 06 sont accompagnés d’ordre de missions qui d’ailleurs ne sont pas visés par les autorités devant accueillir ses missions à l’étranger, les coupons ou talons attestent l’effectivité du voyage ne sont pas fournis.
Le conseil d’administration avait également dénoncé cette pratique lors de sa 2ème session ordinaire du 4 août 2015 ou il affirme : « manque de certaines pièces justificatives de voyages/missions notamment les rapports de mission ou de formation, les coupons de billets d’avion ». Ces paiements effectués peuvent être considérés comme indus et à cet effet, portent un préjudice financier à la SNG.
Dans cette caverne d’Ali Baba, l’achat du traversier de 250 places assises en 2013, ce navire turc pour assurer la desserte des Iles de Loos, à GNF 5,36 milliards n’aura creusé qu’un trou dans les finances de la SNG, puisque durant la période sous revue, à part les dépenses de fonctionnement du navire qui s’élevaient à GNF 4,63 milliards, la société n’a rien récolté comme retour sur investissement ?
Si l’achat du traversier de 250 places assises en 2013, pour assurer la desserte des Iles de Loos, ce navire d’occasion de fabrication turque avait coûté GNF 5,36 milliards. Pour toute la période sous revue, les charges de fonctionnement de ce navire s’élèvent à GNF 4,63 milliards contre des charges totales de fonctionnement de GNF 219,32 milliards pour la même période (soit 2,11%). Alors que la SNG n’a enregistré aucune recette en 2013 au titre des ventes de tickets, pour les exercices 2013 à 2016.
Ce traversier effectue 3 voyages par jour. Le service commercial met à la disposition des agents des carnets à souche. Chaque carnet à souche renferme 100 tickets. Vendus à 2 500 l’unité.
L’autre pratique qui n’honore pas la SNG, est l’usage des reçus différés. Ce qui concentre toutes les tâches au niveau du seul service commercial, avec des risques de recyclage des billets, estime la Cour ?
La pratique de reçus différés ne garantit pas la sécurisation des recettes. Toutes les tâches sont concentrées au niveau du seul service commercial : Commande des tickets, vente, contrôle et versement de recettes. Toute chose qui expose la SNG à un risque de recyclage de tickets et/ou de non versement de recettes, conduisant ainsi à une perte de recettes. Avec le maintien de cette situation, la tendance à la baisse des recettes va continuer inexorablement.
Et par lettre du 23 mai 2014, l’attribution du marché de construction de la gare maritime de Sandervalia a été notifié au représentant légal de l’attributaire du marché, en l’absence de plans de passation annuels pour les exercices 2013 à 2015, de l’avis de non objection de l’administration centrale des grands projets et marchés publics (ancienne appellation de l’ACGP) et l’approbation du ministère chargé des Finances.
On apprend enfin dans le déroulé de cette enquête la gare de Sandervalia a été inaugurée le 08 octobre 2015 sans qu’elle ne soit opérationnelle. A quoi a servi toute débauche d’argent en fin de compte ?
Pour la Cour des Comptes, en dépit du surcroît de financement du marché des travaux, engendrés par des conditions de passation et d’exécution des travaux non appropriées, et par un montant d’avenant qui dépasse les limites fixées par le Code des marchés publics, la gare maritime de Sandervalia inaugurée depuis le 8 octobre 2015, n’était pas rendue opérationnelle.
Pour le projet de construction de la gare maritime de Sandervalia, on est passé de 16,93 milliards à 39,28 milliards de francs guinéens. Sans que les travaux ne soient achevés au moment de cette revue ?
Les juges de la Cour des Comptes insistent que le projet de construction de la gare maritime de Sandervalia initialement évalué à GNF 16,93 milliards pour un délai d’exécution de 7 mois, est toujours en cours de réalisation à travers un contrat d’avenant de 6,18 milliards et un 3èmecontrat des travaux pour le prolongement de la gare maritime de Sandervalia d’un montant TTC GNF 16,16 milliards. Soit un coût cumulé de 39,28 milliards, pour le même projet inachevé au moment de la revue par la Cour des Comptes.
Plus de 13 milliards de contrats passés le même jour autour du port sec de Kagbèlen, la construction de la station-service avec le garage d’entretien et baie de lavage. Comment peut-on se permettre une telle légèreté en matière de gestion ?
En ce qui concerne le port de Kagbélen, en 2015, la SNG a conclu trois contrats concernant trois lots d’aménagement. Primo, la construction du bloc administratif, hangar de repos, toilettes et guérite pour un TTC GNF 4,37 milliards (contrat du 21 décembre 2015). Secundo la construction de la station-service avec le garage d’entretien et baie de lavage pour un montant TTC GNF 2,90 milliards (contrat du 21 décembre 2015). Tertio l’aménagement de voirie et réseaux divers pour un TTC de 6,06 milliards (contrat du 21 décembre 2015).
Aux yeux des juges de la Cour des Comptes, tous ces marchés de travaux ont été signés le même jour. Alors que le grand livre des comptes mentionne un total de 13,35 milliards concernant les travaux d’aménagement du port sec en 2015, le cumul des montants contractuels donne un total de GNF 13,34 milliards.
Ce rapport de la Cour des Comptes révèle que la CBG reste devoir une mirobolante somme de près de 90 milliards de francs à la SNG. Un montant toujours pas recouvré ?
Il faut noter que parmi les débiteurs de la SNG, la CBG reste devoir une importante somme dont le recouvrement est compromis depuis 2011. En 2016, la répartition des créances sur la clientèle indique que la CBG est débitrice de 88,81 milliards sur un solde total de la balance qui s’élève à 124,33 milliards, soit 71,43% de toutes les créances sur la clientèle de la SNG. Rappelons que la CBG est une société anonyme dans laquelle l’État guinéen est actionnaire à 49%.
Il serait bien aussi que vous nous éclairiez sur la répartition des redevances payées par les armateurs entre la SNG et la Marine Marchande. Sans oublier que l’ANAIM continue de percevoir de manière illégale le shipping royaltie du côté du port de Kamsar. On est dans un flou total là ?
Il existe une clé de répartition des redevances amatoriales payées par les armateurs ou leurs consignataires entre la SNG (90% à Conakry et 20% à Kamsar) et la Direction Nationale de la Marine Marchande (10% à Conakry et 80% à Kamsar) conformément à l’arrêté de 2011.
Le shipping royalty devant être perçu au port de Kamsar est facturé par la SNG mais son recouvrement est fait par l’ANAIM depuis février 2011. Du point de vue juridique, l’ANAIM n’existe plus si on s’en tient à l’arrêté A/2010/2233/MMG du 16 juin 2010, portant remplacement de l’Agence Nationale d’Aménagement des Infrastructures Minières par la société nationale des infrastructures minières (SNIM).
On estime à plus de 14,5 millions usd, le montant que la direction générale de l’ANAIM aurait confisqué à la SNG. Où se trouverait toute cette manne à votre avis?
En effet, les armateurs paient la redevance sur le compte du Fonds d’Amortissement du port de Kamsar à Pittsburg (USA) qui est un compte appartenant à l’ANAIM dont l’ordonnateur principal est le directeur général de l’ANAIM. La Cour des Comptes n’a pas contrôlé la régularité de ces mouvements de fonds sur ce compte à Pittsburg.
Cependant, la Cour des Comptes note que les montants dus à la SNG et au Fonds maritime régional géré par la DNMM sont indument bloqués par l’ANAIM. A ce jour, le litige entre la CBG, l’ANAIM et la SNG n’est toujours pas réglé. Or l’ANAIM perçoit les paiements du shipping royalty du port de Kamsar, mais elle refuse de restituer à la SNG les montants correspondants selon la SNG. Depuis mars 2011 les redevances maritimes (shipping royalties) facturées par la SNG et payées par les armateurs qui fréquentent le port de Kamsar sont retenues par la direction générale de l’ANAIM. A ce jour, le manque à gagner dans la comptabilité de la société est de plus USD 14,5 millions.
Pour éviter de tels impairs à l’avenir, la Cour des Comptes a émis une série de recommandations à l’attention des dirigeants de la société. Sur quoi portent ces recommandations ?
Dans son paquet de recommandations, la Cour des Comptes espère une mise en conformité des statuts de l’entreprise avec la loi n°075 portant gouvernance financière des sociétés et établissements publics en ce qui concerne la direction générale et le conseil d’administration, l’amélioration de la composition de la commission d’inventaire du patrimoine en fin d’exercice.
Qu’en-est-il de la sécurité juridique et financière ?
Pour la sécurité juridique et financière des décisions de la direction générale la SNG, la Cour des Comptes insiste sur la mise en place et le fonctionnement effectif des Comités et commissions de travail prévus par les manuels de procédures. Mais aussi la recomposition du conseil d’administration en ce qui concerne la compétence de l’autorité de nomination, le mandat du conseil d’administration et le choix du président du conseil d’administration.
Il y a aussi la mise en œuvre de l’audit interne et le paiement des dividendes qui souffriraient dans leur application ?
Malgré l’audit en 2016 par l’Inspection Générale des Finances portant sur des actions et dividendes de l’État au niveau de la SNG pour les exercices 2011 à 2015 et qui a mis en évidence qu’en 2011 et 2013 des paiements partiels ont été enregistrés au profit du Trésor public, il est cependant à déplorer par contre que de 2012 à 2015, les dividendes n’ont pas été payés.
La Cour des Comptes a aussi jugé utile la séparation des comptes de la SNG de ceux de la Marine Marchande. Qu’en est-il aujourd’hui ? D’ailleurs la marine marchande, ça mérite qu’on s’y intéresse aussi Akoumba ?
Il est indispensable au sens de la Cour des Comptes de mettre en œuvre les résultats de l’audit interne, le paiement de dividendes dus à l’État guinéen conformément aux prescriptions des statuts et en vue d’une meilleure lisibilité de la comptabilité de la SNG. La Cour des Comptes recommande aussi fortement la séparation des comptes de la SNG de ceux de la Marine Marchande concernant le fonds maritime régional. Ainsi que la mise en œuvre d’un mécanisme de contrôle interne de facturation du shipping royalty, de faire uniformiser les contenus des manifestes et de faire certifier ces manifestes par les armateurs. Qu’il soit appliqué aux consignataires défaillants les sanctions prévues en cas de retard ou de défaut de paiement du shipping royalty (95,13% du chiffre d’affaires en 2016).
Le contentieux sur les créances sur la CBG, la Cour a insisté là-dessus?
L’ouverture de toutes les voies contentieuses en vue du recouvrement de la créance sur la CBG figure aussi parmi les recommandations de la Cour. Sans oublier l’application du manuel de procédures sur la gestion de la trésorerie élaborée depuis novembre 2014, que des paiements au-delà d’un certain montant soient autorisés par le conseil d’administration en vue de sécuriser les opérations financières, surtout que l’actuel manuel de procédures ne fixe pas de seuil.
Pour finir Akoumba, la Cour des Comptes dans son chapelet de recommandations à l’attention de la direction de la SNG, insiste sur le respect scrupuleux des règles et procédures de passation et l’exécution des marchés publics ?
En plus de l’appel pour le respect des dispositions du code de travail en faveur des 166 travailleurs temporaires et permanents, d’un régime indemnitaire, la justification des dépenses d’exploitation par la production exhaustive des pièces, l’amortissement de la valeur du navire et de la mise en place d’une régie des recettes, afin de contrôler leur encaissement, la Cour des Comptes propose celui scrupuleux des règles et procédure de passation et exécution des marchés publics pour tout achat de fonctionnement ou opération d’investissement.
Enquête réalisée par FIM FM