La situation reste incertaine ce dimanche 10 juillet au Sri Lanka où le président Gotabaya Rajapaksa a accepté de démissionner la semaine prochaine, après avoir été contraint de fuir sa résidence envahie par la foule samedi, dans le sillage des manifestations monstres à Colombo provoquées par la crise catastrophique frappant le pays.
Les États-Unis ont exhorté ce dimanche les futurs nouveaux dirigeants du pays à «travailler rapidement» à des solutions pour restaurer la stabilité économique et répondre au mécontentement populaire face à la dégradation des conditions économiques, «notamment les pénuries d’électricité, de nourriture et de carburant», a déclaré un porte-parole du département d’État.
«Pour assurer une transition pacifique, le président a dit qu’il allait démissionner le 13 juillet», a déclaré samedi à la télévision le président du Parlement, Mahinda Abeywardana.
Deux proches du président ont, sans attendre, démissionné : le chef du service de presse Sudewa Hettiarachchi et le ministre des Médias, Bandula Gunawardana, qui a également laissé son poste à la tête du parti présidentiel. De son côté, le Premier ministre Ranil Wickremesinghe a tenté d’ouvrir la voie à un gouvernement d’union nationale, en convoquant en urgence une réunion de crise du gouvernement avec les partis d’opposition auquel il a proposé sa démission.
Si le Premier ministre et le président démissionnent effectivement, c’est le président de l’Assemblée nationale qui deviendra président du pays pour une période de trente jours pendant lesquels les députés devront alors élire un nouveau chef de l’État, noteSébastien Farcis, notre correspondant régional.
Mais cela n’a pas suffi à calmer la colère des manifestants qui dans la soirée ont assiégé sa résidence, en son absence, et y ont mis le feu, sans faire de blessés.
Un peu plus tôt, le président Rajapaksa, sur la sellette depuis des mois, avait eu juste le temps de fuir quelques minutes avant que plusieurs centaines de manifestants ne pénètrent dans le palais présidentiel, un bâtiment symbole normalement réservé aux réceptions mais où il avait déménagé en avril après l’assaut de son domicile privé.
«Le président a été escorté en lieu sûr», a indiqué samedi une source de la Défense à l’AFP. Les soldats gardant la résidence officielle ont tiré en l’air pour dissuader les manifestants d’approcher du palais jusqu’à ce qu’il soit évacué. Selon cette source, le président a embarqué à bord d’un navire militaire faisant route vers les eaux territoriales au sud de l’île.
Un État en faillite
Cette crise est sans précédent depuis l’indépendance en 1948 de cette île de 22 millions d’habitants. Voilà des mois que le Sri Lanka ne peut plus protéger sa population des effets de l’inflation. L’un des moteurs de la contestation, c’est aussi la corruption qui gangrène le système politique et économique depuis des décennies. Le Fonds monétaire international, appelé à la rescousse par les autorités en avril dernier, a exigé d’abord de Colombo des réformes pour mettre fin à la corruption.
Les foules dont le quotidien est devenu invivable dénoncent les choix économiques désastreux de leur président et les dérives des équipes dirigeantes. En fait, des décennies de mauvaise gestion des ressources publiques, de mauvaise gouvernance et d’absence de transparence qu’il faut à tout prix réformer. Juste derrière l’inflation, le Fonds monétaire international dont les équipes étaient au Sri Lanka le mois dernier a pointé du doigt des « failles » dans le système qui permettent à la corruption de perdurer.
Ces failles, voilà des années que les ONG les dénoncent. Des choix politiques ont été fait pour ne pas lancer de réformes et au contraire brider les rares institutions à même de contrôler l’action des gouvernants. Ainsi, par exemple, le 20e amendement, décidé par un président au pouvoir renforcé. Ce texte a mis fin à la cour des comptes et à la commission d’enquête sur les faits de corruption.
Ces dernières semaines, les discussions étaient encore en cours entre le FMI et l’équipe dirigeante désormais en fuite. Quels que soient les prochains interlocuteurs, les appels se multiplient pour mettre la lutte contre la corruption au coeur du prochain accord entre le pays et les experts du FMI.
Autrefois pays à revenu intermédiaire avec un niveau de vie envié par l’Inde, le Sri Lanka a été laminé par la perte des recettes touristiques consécutives à unattentat jihadiste en 2019 et à la pandémie de Covid-19.
Quelle est la réaction de l’Inde, principal partenaire économique du Sri Lanka ?
Depuis le début de la crise, l’Inde soutient le Sri Lanka, qui est un pays ami, en envoyant des denrées alimentaires notamment du riz, rapporte notre correspondant régionalCôme Bastin. Elle a également octroyé des prêts à hauteur de 3 milliards d’euros.
Mais le parti BJP, au pouvoir en Inde, se trouve aujourd’hui dans une position délicate car il a longtemps soutenu le camp des Rajapaksa, aujourd’hui honnis par les Sri Lankais. Pour donner une idée, il y a quelques semaines, certains cadres du parti nationaliste hindou proposaient même d’envoyer l’armée sur place pour rétablir l’ordre.L’Inde avait signé d’importants contrats avec les Rajapaksa, insistant pour placer des groupes industriels proches du BJP comme Ambani dans des projets d’énergie renouvelable. Le 14 juin, le président du Conseil de l’électricité du Sri Lanka a d’ailleurs démissionné suite à des révélations sur ces affaires.
Il n’y a donc pas encore de réactions officielles du gouvernement indien, qui selon le médiaEconomic Times serait néanmoins préoccupé par la situation. Le député d’opposition Shashi Tharoor a, lui, parlé d’une escalade de l’anarchie chez un peuple réduit au désespoir par l’effondrement économique. Il a appelé les Sri Lankais à surmonter leur différence pour l’avenir du pays.
RFI