A travers un arrêt en date du 13 Août 2020, la cour constitutionnelle guinéenne a décidé de la suspension du parrainage des électeurs, pour la présidentielle du 18 octobre prochain.
Les gardiens de la constitution, justifiant cette suspension, ont mis en avant l’absence d’un nouveau texte législatif électoral et la présence d’un code électoral en vigueur inadapté par le législateur.
Réagissant à cet effet dans une tribune, l’attaché temporaire d’Enseignement et de Recherche à l’Ecole de droit de la Sorbonne Jean Paul Kotembedouno, a remis en cause, l’arrêt de la cour constitutionnelle, numéro 012 du 13 août 2020. Lisez
« L’abrogation de dispositions jugées inconstitutionnelles ; la modulation de l’abrogation de dispositions jugées inconstitutionnelles (dans le cadre d’un contrôle a posteriori quelque soit son qualificatif), dans l’exercice du contrôle de constitutionnalité, s’applique aux instruments juridiques infra-constitutionnels relevant de la compétence du « juge » constitutionnel (ex. la loi). Ces différentes possibilités motivées par de raisonnements légitimes ne s’appliquent pas aux dispositions constitutionnelles elles-mêmes quelque soit le type de contentieux prévu à l’article 103 de la Constitution. Car, si la difficulté d’application d’une disposition constitutionnelle peut justifier sa suspension ratione temporis, peut-être que sa difficulté d’application justifierait du même coup, son annulation. Or, l’extension des pouvoirs du juge constitutionnel ne va pas jusqu’à intégrer le pouvoir de suspension ou d’annulation de dispositions constitutionnelles pour deux raisons substantielles : 1. Il n’est pas le pouvoir constituant originaire 2. Il n’est pas le pouvoir constituant dérivé.A ce double titre, le juge constitutionnel ne peut s’estimer disposer un pouvoir de suspension, ou d’annulation de dispositions constitutionnelles au nom d’un vide législatif. Convient-il de relever en ce sens qu’en vertu de l’article 37 de la loi organique 06 sur la Cour constitutionnelle, « La Cour constitutionnelle veille à la séparation et l’équilibre des pouvoirs afin que ni l’Exécutif, ni le Législatif, ni aucune Institution constitutionnelle ne s’arrogent des prérogatives non conférées par la Constitution ». A la lecture de cette disposition, peut-être que la Cour s’estime investie du droit d’usurper les pouvoirs que la Constitution ne lui accorde pas ; celle-ci ayant limité cette interdiction aux autres institutions constitutionnelles. Cette hypothèse est absolument improbable. Car, ce sont justement les institutions investies du plus grand rôle normatif (au sens large) qui sont défendues de s’octroyer des pouvoirs que la Constitution ne leur confère guère. Nul besoin ainsi d’imaginer qu’une Cour constitutionnelle davantage connue pour son rôle d’interprétation s’octroie un tel pouvoir (Si elle peut avoir un rôle normatif, c’est en raison de l’effet de ses décisions sur les instruments infra-constitutionnels ; pas la constitution elle-même).
En définitive, en s’octroyant le pouvoir de suspendre ou d’annuler des dispositions constitutionnelles qu’il ne peut qu’interpréter, le juge constitutionnel guinéen s’érige en pouvoir constituant et, ce qui en constitue la conséquence, remet en cause la répartition constitutionnelle des rôles. Il est ainsi à la fois, juge, peuple, et élus du peuple. NB : C’est un propos matinal avant d’avoir pris un café (on reviendra plus sérieusement).
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