La lutte contre le sida progresse partout dans le monde et en Afrique en particulier. En cette journée mondiale de la lutte contre ce fléau, l’Onusida se veut optimiste et assure que, pour la première fois, le monde « peut envisager la fin de l’épidémie ». Le nombre de nouvelles infections par le VIH et le nombre de décès sont en baisse par rapport aux années précédentes. Un constat plus optimiste que d’habitude pour une réalité très contrastée selon les pays, et les continents.
L’ONU s’est réjouie des progrès obtenus dans l’éradication du VIH-sida, soulignant qu’il était pour la première fois possible d’envisager la fin d’une épidémie qui a profondément dévasté le monde. Le nombre de nouvelles infections au VIH et le nombre de décès sont en baisse par rapport aux années précédentes.
Les décès liés au sida ont chuté de presque un tiers depuis 2005 en Afrique et les nouvelles infections à VIH ont baissé d’un tiers depuis 2001. Il faut dire que les budgets nationaux consacrés à cette maladie sur le continent ont triplé entre 2007 et 2012. Mamadou Diallo, directeur régional de l’Onusida pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique Centrale, s’en explique.
Mais si l’Afrique enregistre des progrès évidents dans la lutte contre le sida, la réalité est toutefois très contrastée selon les pays.
Recul de la maladie
-Au Gabon, la lutte contre le sida commence à porter les fruits, selon les chiffres officiels. Aujourd’hui, 4,1% de la population souffre du sida contre 8%, dix ans auparavant. Mais il y a encore plus de 40 000 personnes contaminées. Ils ne faut pas baisser la garde, préviennent les associations de lutte contre le sida.
C’est Amissa Briana Bongo Ondimba, directrice générale de la prévention du sida qui a eu le plaisir d’annoncer la nouvelle aux Gabonais : « Nous avons désormais un taux de séro-prévalence de 4,1%, relevé lors de notre dernière enquête de santé, réalisée en 2012 ».
La prévalence du sida a donc connu une chute libre en une décennie. Elle est passée de 8,1% en 2003 à 4,1% en 2012. Séropositif depuis 17 ans, Jean Baptiste Bakoko, conseille cependant de ne pas baisser les bras : « Nous n’allons pas dormir sur nos lauriers parce que nous sommes obligés de continuer le combat, sensibiliser, informer suffisamment pour qu’on atteigne l’objectif zéro, zéro infection, zéro transmission et zéro décès ».
Sur le plan du traitement, le Gabon a réalisé de grands progrès. Les médicaments sont gratuits pour tous les malades. Le plus grand mal à guérir reste la discrimination.
Problème de financement
-Au Burkina Faso, le taux de prévalence est passé de 7% à 1% en quelques années de sensibilisation et de prise en charge des personnes infectées. Mais pour gouvernement, il s’agit d’atteindre « 0% de contagion de sida au Burkina Faso ». Et pour le secrétaire permanent du Conseil national de lutte contre le sida, l’une des voies pour atteindre ce résultat est d’assurer le traitement pour les malades et mettre un accent sur la sensibilisation. Mais le retrait de certains partenaires financiers inquiète les associations.
Larba Ouedraogo, coordonnateur d’une association qui intervient depuis 1991 dans la lutte contre le sida : « Malgré les conseils que nous donnons aux personnes vivant avec le VIH , nous voyons qu’ils continuent certaines pratiques très dangereuses ».
Selon le réseau d’accès aux médicaments essentiels, de nombreuses ruptures de stocks de médicaments contre les infections opportunistes sont constatées également dans plusieurs services de santé.
Dr Simon Kaboré, directeur exécutif du Rame : « Que ce soit au niveau des réactifs pour le suivi des personnes vivant avec le VIH, que ce soit au niveau des médicaments génériques pour le traitement des infections opportunistes, aujourd’hui le dispositif qui a été mis pour le dépistage, au niveau des associations, a connu une grande baisse parce qu’il n’y a simplement plus de financement pour continuer».
Pour le réseau d’accès aux médicaments essentiels, il faut craindre une détérioration de la qualité de la prise en charge des personnes vivant avec le VIH au Burkina Faso notamment le développement des résistances et l’accroissement du taux de morbidité et de mortalité liées au VIH-sida.
Manque d’antirétroviraux
-En Afrique du Sud, où six millions de personnes sont atteintes, un rapport inquiétant montre que de nombreux hôpitaux ont déjà manqué d’antirétroviraux pour traiter les malades atteints du sida. L’enquête a été menée en septembre-octobre par un groupe d’ONG, dont MSF, Médecins sans frontières, auprès de 2 139 hôpitaux dans le pays (sur 3 800).
C’est la première fois qu’un rapport paraît sur le sujet. Ses conclusions sont alarmantes. Une clinique sur cinq en Afrique du Sud a déjà manqué d’antirétroviraux, pour traiter les patients atteints du sida. Lorsque les stocks viennent à manquer, 20% des patients sont tout simplement renvoyés chez eux, sans aucun traitement. Une situation dramatique selon Bella Wingh, de Médecins sans frontières :
« Quant on arrête le traitement puis qu’on le reprend, c’est ce qu’on appelle une ‘’interruption de traitement’’. Le problème, c’est que les malades développent parfois une résistance à ce traitement, donc ils doivent ensuite prendre des médicaments plus forts. Cette situation augmente aussi le risque de transmission du sida. Donc, une interruption de traitement affecte non seulement le malade, mais aussi toute la communauté autour de lui ».
Une «hotline» contre les ruptures de stocks
Le manque de traitements disponibles affecterait 420 000 personnes sur les 2,5 millions de malades du sida pris en charge en Afrique du Sud. Les ONG veulent désormais les aider à signaler une défaillance.
« Nous avons lancé un projet contre les ruptures de stocks qui s’appellent stop stock out project. Les patients et les médecins peuvent appeler anonymement une hotline pour signaler une rupture de stocks. Nous essayons alors de débloquer la situation auprès des autorités et si nous n’obtenons pas de résultat, nous faisons un rapport direct au ministère de la Santé », ajoute Bella Wingh de MSF.
La prochaine étape sera d’identifier les raisons de ce manque de stocks.
Toujours selon MSF, une grande disparité existe selon les régions. C’est l’Etat Libre qui fait face à la situation la plus critique avec 54% de ses hôpitaux étant ou ayant été en manque d’antirétroviraux. Les ONG ont tout de même félicité les efforts entrepris par le gouvernement sud- africain pour faire de la prévention et soigner les malades du sida.
Le coût économique de l’épidémie
Voilà trente ans que le continent africain est aux prises avec le virus du sida. Les dix premières années ont provoqué une véritable hécatombe sur le continent. Et la situation économique de toute la région en a été affectée. Aujourd’hui, la situation est bien différente. Fanny Chabrol, chercheuse au Cestim, Centre universitaire de recherches sur l’économie de la santé à Marseille, s’en explique.
De l’espoir
Le 1er décembre de chaque année, la journée mondiale de lutte contre le sida apporte son lot de bonnes et de mauvaises nouvelles mais aussi d’espoir… Quelque 16 millions de malades ont besoin de traitement alors que deux millions de nouvelles contaminations ont été recensées cette année et plus d’un million et demi de personnes sont mortes du sida. Des malades, qui ont besoin de traitement mais aussi d’information et de soutien. Aliou Sylla, président de la première association de lutte contre le sida au Mali, Arcad sida Mali, reconnaît les progrès faits dans ce domaine mais avec des réserves.
source: rfi.fr