La Présidence de Paul Kagamé à la tête de l’Union Africaine sera, pour moi, fort intéressante à observer sur plusieurs plans. Le continent, qui s’extasie à longueurs de reportages et billets sur la transformation formidable de son économie en moins de 25 ans, scrutera forcément son mode de gouvernance et sa méthode. Au delà, il sera également intéressant d’observer sa capacité à faire accepter son chapelet de réformes à notre classe dirigeante pas très encline (ni pressée) aux changements en profondeur.
Sacré défi. Aussi, la venue de PK à la présidence de l’UA pourrait s’avérer être une rampe de lancement pour les relations USA-UA ainsi que pour le Président Donald Trump lui même. Si, historiquement, les deux derniers présidents en exercice de l’UA (Alpha Condé et Idriss Deby Itno) sont relativement francophiles, il est fort à parier qu’avec le rwandais, le style et le ton seront tout autre.
D’abord, parce que son pays entretient des relations exécrables avec la France depuis 1994, suite au crash d’avion ayant conduit au décès du Président rwandais d’alors, Juvénal Habyarimana. Un attentat qui avait alors engendré un génocide qui fera des centaines de milliers de victimes, principalement tutsis.
Ensuite, parce que le Président Kagamé, considérant que la France a joué un rôle trouble dans cette affaire, a depuis tourné casaque à l’ancien colon (les relations sont officiellement rompues entre les deux pays depuis 2006) et construit une relation plus étroite avec la Chine, l’Inde, les Emirats Arabes Unis, Singapour et… les Etats Unis.
Et s’il est trop tôt pour préjuger de l’efficacité de sa méthode comme Président de l’UA, il est tout de même évident que PK a davantage d’accointances avec Président Trump, que ce dernier avec la plupart de ses pairs africains qui semblent adorer le détester.
Et cela peut s’avérer être un problème. Encore plus depuis sa fameuse sortie sur les « pays de merde » en faisant allusion à Haiti et aux pays africains. D’ailleurs, les deux hommes se sont rencontrés ce jour à Davos pour un long tête à tête dont le contenu n’a pour l’instant pas filtré. C’est peut être bien là une chance pour le Président américain qui trouvera sans doute en PK une porte d’entrée sur le continent et un allié de choix pour la suite de son mandat à la tête de la première puissance mondiale.
Outre cette proximité, que l’on peut qualifier de raison avec « The Duck », deux trois exemples rapides peuvent illustrer le jeu d’équilibriste que devra jouer PK durant son mandat à la tête de l’UA: – tout d’abord, PK ne reconnaît pas les droits de la Cour Africaine des Droits de l’Homme. Son pays s’en est officiellement retiré en février 2016. Comment l’UA et son Président comptent t ils s’y prendre s’ils doivent faire appliquer une décision rendue par celle-ci? – aussi, il vous souviendra qu’en décembre dernier, lors d’une assemblée des Nations-Unies à New York, pendant que la majorité des pays africains condamnaient la décision des USA de reconnaître Jérusalem comme capitale d’israël, 35 pays s’étaient abstenus. 35 pays parmi lesquels…le Rwanda!
Imaginons que le vote aurait eu lieu là en 2018, quelle aurait été la posture du Président de l’Union Africaine ? serait il allé à l’encontre de la majorité des Chefs d’Etat de l’Institution qu’il dirige? Sur toutes ces questions, on ne tardera pas à en savoir davantage, le passage de témoin est prévu pour le 28 prochain à Addis! Mais ceci dit, avec 18 élections prévues sur le continent cette année, les catastrophes (naturelles ou pas) devenues banales, et son ambitieux plan de réformes, il aura probablement un agenda aussi chargé que son prédécesseur. Avec la même réussite ?
Soul