Cela aurait dû être un rendez-vous avec la sérénité, le sérieux et la pédagogie. Cette période devait servir à expliquer aux électeurs comment sortir de la mauvaise gouvernance locale, qui creuse de jour en jour le fossé de la pauvreté et du mal vivre. Mais les discours à l’emporte-pièce et les provocations d’acteurs en manque de repères mettent toujours aussi dangereusement en péril le devenir de notre Nation.
Faut-il définitivement désespérer des guinéens ? On pensait que la douloureuse expérience des campagnes électorales passées, avec leurs cortèges de victimes et de destructions de biens publics et privés, avait pu nous enseigner quelques leçons et nous inciter à moins d’exubérance et à plus de retenue. Il faut reconnaître que c’est raté. Décidément nos acteurs et activistes politiques ont choisi de nous donner la sueur froide dans le dos, jusqu’au dernier jour de cette campagne pour les communales du 04 février.
La Commission Electorale Nationale Indépendante a nettement amélioré sa gouvernance, c’est un fait. Malgré ses louables efforts pour développer une nouvelle dynamique participative, ses nombreuses lacunes techniques continuent de donner de la graine à moudre aux partis politiques engagés dans la compétition. La guerre des logos en est une illustration éloquente.
Cependant, les seules impérities de notre organe de gestion des élections n’ont qu’une part minime dans la situation méphitique que nous vivons. La mauvaise foi de certains de nos acteurs politiques contribue largement à délétériser un climat qui n’était déjà pas sain. Pour masquer leurs innombrables lacunes et incapacité à proposer de nouvelles solutions aux défis qui s’imposent à nos collectivités, certains n’hésitent pas à tomber dans les invectives, les dénigrements, la félonie et les discours haineux.
Ces candidats mal préparés et pour certains, des figurants et des plaisantins, n’ont aucun scrupule à réveiller nos peurs enfouies et notre soif inextinguible de vengeance. Certains poussent l’indécence jusqu’à appeler à ‘’casser la gueule’’, excuser du peu, à des figures d’autorités locales. D’autres encore appellent à châtier des enfants pour des fautes commises par leurs défunts parents, comme s’ils avaient eu à choisir les leurs. Ces derniers oublient que le climat de haine viscérale qu’ils alimentent avait exactement abouti à leur ôter leurs propres géniteurs, et que le retour de tels démons ne ferait que plus de victimes et de douleurs.
Notre justice, éternelle abonnée aux absents, tarde à jouer sa partition en faisant jouer les règles d’équité et d’égalité qui cimentent la conscience citoyenne. Elle reste très sélective dans la répression, foulant ainsi à terre une autorité de l’Etat déjà mal en point.
Et notre société civile dans tout cela ? Elle reste livrée à ses propres démons de la division, des suspicions et d’une duplicité qui permet à certains, véritables activistes politiques, de se camoufler et de tenter d’infléchir le cours des événements en faveur d’un camp ou d’un autre. Ceux-ci sont les plus nocifs pour notre société. Ils annihilent à eux seuls toutes les tentatives de reconstruction et de consolidation de cette entité primordiale à la fin de ce cirque démocratique que nous entretenons si fiévreusement.
Cette campagne sauvage et insensée se nourrit de notre indolence collective face à l’inacceptable. Exigeons de nos politiques le respect que mérite notre Nation. Puisqu’après tout, les acteurs passent et la Nation subsiste.
Mohamed Mara sur Radio Espace