Mardi 06 février 2018, 48 heures seulement après les élections communales du 04 février, des dégâts matériels importants ont été enregistrés à Kalinko, préfecture de Dinguiraye.
Cinq personnes dont quatre enfants, tuées. Depuis, des dizaines de personnes ont été interpellées et conduites à Faranah.
Les principaux présumés instigateurs sont encore dans la nature.
En attendant l’arrivée d’une délégation gouvernementale annoncée depuis des jours, les sinistrés manquent de nourriture, d’abris et ont soif de justice. Au marché, nous avons constaté des magasins et boutiques complètement calcinés. Seuls quelques uns ont été épargnés. Dans les quartiers, des concessions entières ont été transformées en cendre.
Des victimes des deux côtés
Ces violences entre militants de l’UFDG et ceux du RPG ont vite pris une connotation ethnique. Dès lundi, après les élections du dimanche, les militants de l’UFDG ont commencé à s’impatienter pour les résultats. Des appels à la mobilisation pour « sécuriser » leurs votes, ont vite pris la tournure d’appels à la violence.
Selon les témoignages que nous avons recueillis sur place, des appels ont été lancés en public aux militants de l’UFDG des villages environnants, de se retrouver à Kalinko. Information que nous n’avons pas pu vérifier. Le lendemain, mardi 06 février, boutiques, magasins, maisons et cases des militants supposés du RPG seront incendiés à Kalinko. L’une des principales victimes, la tête de liste du RPG-Arc-en-ciel, Mamadou Noumou N’Diaye. Sa concession est partie en fumée.
Du côté des militants de l’UFDG, on déplore un mort, un homme âgé venu d’un village voisin appelé Djisouman. Un autre militant du nom de Ousmane Diallo, dit Alain, a vu sa concession et son magasin au marché incendiés. Ibrahima Sow alias Fa, avait été vu dans une vidéo qui circule sur Facebook, en train de s’en prendre verbalement aux membres de la Commission de Centralisation des Votes (CACV) de Kalinko. La concession de son papa fait partie de la longue liste des maisons parties dans les flammes au cours des violences.
S’il est difficile d’établir avec exactitude l’origine de ces violences, puisque nous n’avons pas pu rencontrer les principaux accusés qui ne sont pas dans la localité, il reste clair que les dégâts sont beaucoup plus importants du côté de militants supposés du RPG-Arc-en-ciel.
Des victimes, assoiffées de justice
La quasi-totalité des victimes, celles du RPG-AEC, demandent presque la même chose : que la sous-préfecture de Kalinko soit gérée par des fils autochtones. Pas question de voir l’UFDG dont on dit que les militants sont venus d’ailleurs, être à la tête de la commune. Une patate chaude dans la main des autorités. Puisque les résultats des urnes donnent plus de sièges à l’UFDG. Dans une déclaration rendue public ce dimanche, l’UFDG est resté vague concernant les violences à Kalinko. « L’inacceptable se produit lorsque cinq enfants meurent calcinés dans une maison à Kalinko », lit-on dans la déclaration, sans situer les responsabilités.
L’urgence d’une intervention humanitaire
Selon nos informations recueillies sur place, sur instruction du ministre de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation, le Préfet de Dinguiraye a fait faire une liste de victimes qui espèrent toutes être dédommagées. Mais avant, pas d’activités économiques, même pas une seule boutique où acheter du sucre ou du riz. Les quelques magasins épargnés restent fermés. Les sinistrés manquent de nourriture et d’abris. Certains passent la nuit à la belle étoile. D’autres sont reçus par des familles dont les concessions ont été épargnées par les flammes.
Les craintes d’une résurgence des violences
Entre Célouma et Kalinko, nous avons franchi 5 barrages tenus par des gendarmes armés. Au premier barrage, lorsque notre chauffeur a semblé exprimer un certain agacement, le commandant lui a expliqué que beaucoup sont passés avec des cartouches. Tout le monde est fouillé, les sacs ouverts et contrôlés. Chacun montre sa pièce d’identité.
Après les dégâts, beaucoup de ressortissants de Kalinko sont revenus au bercail. Leur retour a été mal interprété par certains, craignant des représailles.
Située à 105 kilomètres de la préfecture de Dabola et à 75 kilomètres de la préfecture de Dinguiraye, Kalinko est une localité difficile d’accès. Le tronçon Célouma-Kalinko qu’il faut emprunter pour y être, est long d’une trentaine de kilomètres. Il est dans un état de dégradation très avancé. Depuis quelques mois, la société Galaxy travaille à son reprofilage et à la réalisation d’ouvrages de franchissement.
Thierno Amadou M’Bonet Camara, envoyé spécial