Après le Débat d’orientation budgétaire pour le cadrage budgétaire 2019-2021 il y a quelques semaines, la présentation du projet de loi de finances rectificative pour l’exercice 2018 m’offre une fois encore l’opportunité de m’adresser à votre auguste Assemblée.
Je voudrais tout d’abord saisir cette occasion pour marquer toute notre appréciation pour le soutien de votre institution dans la mise en œuvre des objectifs de politique économique et financière du Gouvernement à travers l’examen et l’approbation des projets de textes de lois à incidence financière.
En effet, l’article 50 de la loi organique relative aux lois de finances précise qu’en cours d’exercice, un projet de loi de finances rectificative doit être déposé par le Gouvernement dans les conditions suivantes :
– les grandes lignes de l’équilibre budgétaire ou financier défini par la loi de finances de l’année se trouvent bouleversées notamment par l’intervention d’avances ou de décrets et d’arrêtés d’annulation de crédits ;
– les recettes constatées s’écartent sensiblement des prévisions de la loi de finances de l’année ;
– il y a intervention de mesures législatives ou règlementaires affectant de manière substantielle l’exécution du budget.
Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale, Honorables Députés,
Il vous souviendra que l’adoption de la loi de finances initiale pour 2018 le 12 décembre 2017 est intervenue dans un contexte marqué par :
- la validation par l’Assemblée Nationale du Plan National de Développement Economique et Social (PNDES 2016-2020) ;
- la poursuite des travaux d’aménagement du projet hydroélectrique de Souapiti;
- la mise en application progressive des dispositions du nouveau cadre législatif et règlementaire des finances publiques (nomenclature budgétaire de l’Etat, Comité de Politique Budgétaire, Comité d’engagement, Rapports trimestriels sur l’exécution budgétaire, Plans d’engagement, programmation budgétaire pluriannuelle, …);
- l’organisation des élections communales et communautaires en février 2018 ;
- l’application du protocole d’accord conclu entre le Gouvernement, le Syndicat et le Patronat en novembre 2017 ;
- la signature le 5 septembre 2017 d’un accord-cadre de financement de nos projets prioritaires avec la République Populaire de Chine pour une enveloppe de 20 milliards de dollars US couvrant une période de 20 ans (2017-2036).
Au vu des évolutions intervenues depuis cette adoption et des résultats de l’exécution à fin juin 2018 de la loi de finances initiale, des ajustements en recettes, dépenses et solde sont rendus nécessaires par :
– la baisse des droits de douane sur les produits pétroliers consécutive au maintien du prix de détail à la pompe à 8 000 /litre malgré la hausse du prix du baril à l’échelle internationale, ce qui a entraîné une perte de revenus à hauteur de 220 milliards de (0,2% du PIB) au premier trimestre ;
– le remboursement non prévu des arriérés domestiques équivalent à environ 1% du PIB dans les deux premiers mois de 2018;
– le financement budgétaire net auprès de la Banque Centrale à hauteur de 0,2% du PIB;
– la prise en compte de 20% des salaires des agents de la fonction publique suite à l’augmentation de 40% consécutive à la mise en application du protocole d’accord signé en mars 2018 entre le syndicat libre des enseignants et chercheurs de Guinée (SLECG) et le gouvernement;
– le passage du budget du Ministère de la Santé à 7% du budget total hors financement extérieur contre 4,5% en loi de finances initiale suite à la convention entre la Guinée et l’Union Européenne dans le cadre du programme d’appui au secteur de la santé (PASA1) ;
– la volonté du gouvernement de prendre en charge par l’effort national le financement des projets et programmes du PNDES ;
– la prise en compte des effets de la réévaluation des comptes nationaux sur les indicateurs macroéconomiques (le produit intérieur brut, la pression fiscale…);
– l’impact budgétaire de la nouvelle structure du Gouvernement et de la lettre de politique générale présentée à votre auguste Assemblée par Monsieur le Premier Ministre ;
– l’approbation par le Conseil d’Administration du Fonds Monétaire International de la première revue de notre programme économique et financier soutenu par la Facilité Elargie de Crédit (FEC) pour la période 2017 – 2020.
En conséquence, des écarts ont été constatés entre les hypothèses macroéconomiques qui ont servi de base à l’évaluation des recettes et aux prévisions des dépenses de la loi de Finances initiale et les estimations de la situation économique et financière à la fin du premier semestre. Ce qui conduit le Gouvernement à s’ajuster tout en maintenant son objectif d’assurer la stabilité macroéconomique.
Ainsi, les projections budgétaires révisées pour 2018, tant au niveau des recettes, des dépenses que du financement sont bâties sur une hypothèse de croissance de 5,8% telle qu’initialement prévue, le maintien du taux d’inflation en fin de période à 8%, le maintien des réserves de la BCRG à un niveau adéquat de trois mois d’importations et un taux de pression fiscale de 13,36% contre 15,77% en loi de finances initiale. Le solde global est projeté à -2,33% du PIB contre -2,15% initialement prévu.
La politique macroéconomique et budgétaire pour le reste de l’année attache également une grande importance à la réalisation des objectifs du programme économique et financier conclu avec le Fonds Monétaire International au titre de la facilité élargie de crédit pour la période 2017-2020.
La baisse de la pression fiscale par rapport à la prévision initiale s’explique principalement par :
– la non-application des dispositions relatives à la fiscalité immobilière et à la modification du barème de la Retenue sur traitements et salaires (RTS), pensions et rente viagère ;
– la mise en œuvre du Tarif Extérieur Commun (TEC) au niveau de la fiscalité de porte ;
– l’octroi de mesures fiscales incitatives aux industries minières naissantes ;
Nonobstant ce constat, une équipe est mise en place pour travailler sur ces dispositions en vue de proposer les mesures idoines dans le projet de loi de finances 2019 qui vous sera soumise très prochainement.
Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale, Honorables Députés,
Les grandes masses du projet de Loi de Finances Rectificative pour 2018 et de solde global correspondant en pourcentage de PIB se présentent ainsi qu’il suit :
LFI 2018 PLFR 2018
Recettes en % du PIB 18,62% 15,42%
Dépenses en % du PIB 20,95% 17,75%
Dépenses courantes en % du PIB 12,87% 11,35%
Dépenses d’investissement en % du PIB 8,08% 6,54%
Solde global en % du PIB – 2,15% -2,33%
Le développement de ces grandes se présentent ainsi qu’il suit :
Les recettes y compris les dons, suivant la nouvelle Nomenclature Budgétaire de l’Etat, sont estimées à 16 434,26 Mds contre une prévision initiale de 18 537,01 Mds, soit une diminution de 11,34% (-2% du PIB).
Cette baisse des recettes projetées à fin 2018 concerne les recettes fiscales pour 9,29%, soit 1,37% du PIB et les dons, legs et fonds de concours pour 42,8% représentant 0,9% du PIB. Pour les recettes fiscales, la moins-value porte sur les impôts sur les salaires et la main d’œuvre (-52,8%), les impôts sur le patrimoine (-54,6%), les impôts sur les biens et services (-10,9%) et les impôts sur le commerce extérieur et les transactions internationales (-15%).
Au titre des dons, legs et fonds de concours, la baisse projetée est de 42,8% essentiellement due au retard dans la mobilisation des appuis budgétaires et dons projets.
Toutefois, cette tendance générale à la baisse des recettes a été contenue par la mobilisation de certaines recettes administratives à hauteur de 400 Mds.
Les prévisions de recettes des régies financières se présentent ainsi qu’il suit par rapport à la loi de finances initiale :
- Direction Nationale des Impôts : 7 369,26 contre 7 690,07 Mds (-4,17%);
- Direction Nationale du Trésor : 2 764,90 contre 2 654,44 Mds (4,16%) ; • Direction Générale des Douanes : 4 953,10 contre 5 837,10 Mds (-15,14%).
Au titre des dépenses, les projections révisées se chiffrent à 18 899,05 Mds contre une prévision initiale de 20 861,89 Mds, soit une diminution de 9,41% (-1,84% du PIB). Rapportées au PIB, les dépenses représentent 17,73% contre 20,95% dans le budget initial.
La baisse des prévisions de dépenses de 1 962,82 Mds est imputable aux dépenses courantes pour 828,35 Mds (-6,46%) et aux dépenses d’investissement pour 1 134,47 Mds (-14,10%).
Les projections révisées des charges financières de la dette sont chiffrées à
1 185,99 Mds contre une prévision initiale de 1 262 Mds, soit une diminution de 76,01 Mds (-6,02%). La part des intérêts de la dette dans les dépenses courantes est de 9,89% et se décomposent en intérêts aux non-résidents pour 262,99 Mds (22,17%) et aux résidents autres que les administrations publiques pour 923 Mds (77,83 Mds).
Les dépenses de personnel quant à elles sont contenues à leur niveau initial, à 4,4% du PIB malgré l’augmentation des salaires des agents de l’administration publique, plus élevée que prévu. Cela a nécessité le gel des recrutements planifiés tout en assurant l’accès aux services dans les zones rurales pour les secteurs de l’éducation et de la santé, le report de l’application de certains statuts particuliers, la poursuite du recensement biométrique des agents contractuels et personnels retraités et l’installation de 150 machines supplémentaires d’ici à la fin de 2018 pour la maitrise des effectifs des fonctionnaires.
Au titre des dépenses de biens et services, la baisse envisagée est de 15,59% pour les ramener à 2,5% du PIB contre 3,2% en loi de finances initiale. Cette diminution est rendue possible par la rationalisation des commandes de matériel électronique, de véhicules, de meubles et matériel de bureau des administrations.
Pour les dépenses de transferts, les prévisions initiales diminuent de 4,93% pour se situer à 3,26% du PIB contre 3,7% initialement prévu. Cet effort de réduction porte sur la subvention d’électricité à l’aide des mesures volontaristes de rationalisation du secteur de l’énergie par l’augmentation des tarifs de l’électricité pour les rapprocher au niveau de recouvrement des coûts, d’amélioration du taux de recouvrement et la réduction des pertes commerciales et techniques et la substitution de la production d’électricité thermique plus couteuse par une production hydroélectrique moins coûteuse.
La révision à la baisse des projections des dépenses d’investissement de 14,10%, soit -1,06% du PIB par rapport à la loi de finances initiale porte uniquement sur les immobilisations non financières pour 14,92%. En pourcentage du PIB, les dépenses d’investissement sont passées de à 8,08% en loi de finances initiale à 6,49% dans le budget révisé.
La classification du budget révisé suivant le critère de la fonction ou objectif socioéconomique de la dépense fait apparaitre que les services généraux des administrations publiques absorbent 29,84% des dépenses globales dans le budget révisé contre 31,30% dans la loi de finances initiale. Cette fonction regroupe les crédits de l’ensemble des institutions républicaines et des collectivités locales.
Les dotations de la fonction affaires économiques passent de 18,66% en loi de finances initiale à 16,53% dans le projet de budget révisé.
Pour la fonction enseignement, les allocations budgétaires se situaient à 17,34% initialement et sont projetées à 18,89%.
Les secteurs de l’environnement et de protection sociale absorbent respectivement 1,7% et 7,33% du total des crédits de la loi de finances révisée.
Le solde global s’élève à -2 464,81 Mds, soit -2,33% du PIB contre -2,15% dans la loi de finances initiale 2018.
Quant au solde net de gestion et au solde global primaire, ils s’établissent respectivement à 4,17% et -1,13% du PIB contre 5,75% et -1,07% du PIB dans les prévisions initiales de 2018.
Pour la couverture du déficit budgétaire s’élevant à 2 464,81 Mds, le Ministre chargé des finances sera autorisé à :
– contracter des emprunts pour un montant de quatre mille trois cent quatrevingt-quinze milliards (4 395 Mds);
– recouvrer des créances sur les entreprises et autres redevables pour quatrevingt-seize milliards deux cent cinquante un millions six cent quatre-vingtonze mille (96,25 Mds) ;
– procéder à des cessions d’actifs pour un montant de seize milliards quatre cent trente-sept millions deux cent soixante un mille (16,44 Mds)
– procéder au remboursement du capital des emprunts extérieurs pour un montant de deux mille vingt-neuf milliards (2 029 Mds) et des emprunts intérieurs pour un montant de treize milliards cent vingt-deux millions six cent vingt-trois mille (13,12 Mds) ;
– accorder des prêts et avances à d’autres institutions financières pour un montant de sept cent soixante-onze millions neuf cent quatre-vingt-quatorze mille (0,77 Mds).
Monsieur le Président, Honorables Députés,
Le budget étant l’expression chiffrée d’une politique, celle que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour assurer ou poursuivre le développement économique et social du pays, le projet de loi de finances rectificative pour 2018 qui vous est soumis répond aux objectifs Gouvernement de maintenir la stabilité macroéconomique et de respecter ses engagements dans le cadre du programme économique et financier soutenu par les partenaires techniques et financiers.
Pour terminer, je voudrais vous exprimer toute la reconnaissance de son Excellence Monsieur le Président de la République, le Professeur Alpha CONDE, du Premier Ministre Dr. Ibrahima Kassory FOFANA et de son
Gouvernement pour les efforts constants et constructifs que vous ne cessez de déployer dans la formulation et la mise en œuvre de la politique économique et financière au service du développement de notre pays.
L’examen et l’approbation de ce projet de loi de finances rectificative pour 2018 sont une nouvelle illustration de votre action dans le sens de la sauvegarde des intérêts de nos braves populations dont vous êtes les augustes représentants.
Merci pour votre haute et bienveillante Attention !
Ismaël DIOUBATE
Ministre du Budget
Transmis par la Cellule de Communication du Gouvernement