Lors d’un entretien avec un reporter de notre rédaction, le juriste Makanéra Kaké a expliqué les contours juridiques de la motion de destitution déposée à l’Assemblée Nationale contre Kéléfa Sall. Il a aussi parlé des conditions de renvoi du président de la Cour constitutionnelle. Interview.
Mosaiqueguinee.com : des membres de la Cour constitutionnelle peuvent-ils destituer le président de cette institution ?
Dr Makanéra Kaké : les commissaires de la Cour constitutionnelle ont le pouvoir de destituer le président de la cour constitutionnelle. Mais il faut que les conditions prévues par le règlement intérieur soient respectées. Premièrement, c’est la majorité des commissaires qui doivent le faire. Et deuxièmement, il faudrait que le président de la Cour ait violé son serment. C’est ça le principe général.
Quand on lit ce que les commissaires invoquent pour le destituer, il y a d’abord une gestion financière qui semble être opaque. Il y a aussi un problème de violation de la loi organique relative à la cour constitutionnelle. Essentiellement, ce sont les deux grands problèmes identifiés dans leur lettre. Et si nous prenons l’article 26 de notre constitution, il dit que tout agent public est comptable de son activité. C’est-à-dire, il a l’obligation de rendre compte.
Si la cour demande à ce que le président de la cour rende compte, il ne peut pas y avoir barrage à cette demande. Elle doit être automatique. Et si le contrôle de l’inspection prouve qu’il y a détournement, le départ du président doit être du droit commun. Ça c’est le premier aspect.
Le second aspect, lorsqu’on dit qu’il y a un problème de fonctionnement au niveau de la Cour constitutionnelle, mais je dirais qu’il y a dysfonctionnement total. Car, les nouveaux commissaires ont prêté serment sans que le président n’y participe. C’est un véritable problème de fonctionnement.
La réponse immédiate, selon l’article 45 alinéa 3 de la constitution, qui dit que le président de la République assure le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et la continuité de l’Etat. Donc la cour constitutionnelle étant un pouvoir public, et qui ne fonctionne pas, l’article 45 donne compétence au président de la République d’assurer le fonctionnement régulier et dans les limites du droit. Le président de la République devra s’attaquer à ce qui ne va pas.
C’est-à-dire, est-ce qu’il faut renvoyer le président de la Cour constitutionnelle pour le fonctionnement régulier ? Ou il faut balayer tous les membres de cette cour ? Le président de la République peut le faire par ordonnance ou par décret.
Les députés de l’Assemblée Nationale peuvent-ils destituer le président de la cour constitutionnelle après la saisine faite par les membres de la Cour ?
Pour la motion déposée à l’Assemblée Nationale les députés ne peuvent que transmettre le dossier au président de la République pour trancher. Ni la constitution ni le règlement intérieur de l’Assemblée Nationale ne permettent aux députés de destituer le président de la cour constitutionnelle. Mais les députés ont le droit de créer une commission d’enquête pour aller vérifier les comptes. Les députés aussi peuvent faire une résolution pour donner leur position sur la motion, mais ça ne comporte pas une force exécutoire.
Interview réalisée par Saidou Barry