L’instance de régulation constitutionnelle a, en son audience du 12 Septembre 2018 rendu son arrêt N° R1 001, par lequel elle a constaté et déclaré l’état d’empêchement de Monsieur Kelefa SALL d’exercer la fonction de président de la Cour Constitutionnelle ;
- Ordonner l’organisation de l’élection du président de la Cour constitutionnelle ;
Cette décision avait été précédée d’une motion de retrait de confiance ;
Aussi lorsque l’on parcourt l’arrêt précité, l’on peut se poser la question de savoir les véritables motivations des 8 « sages de la Cour constitutionnelle ;
En effet, cet arrêt N° R1 001 du 12 Septembre 2018 est l’un des épisodes marquants la fin de l’année 2018, tant les carences argumentaires, les multiples incohérences entretenues et les ambigüités sur le prétendu litige constitutionnel invoquées, interrogent sur le processuel judiciaire et la manière de juger de la Cour constitutionnelle ;
Sur l’imprécision argumentaire de l’arrêt N° R1 001 du 12/09/2018
Le mécanisme juridique entrepris par les 8 « sages » de la Cour, n’a pas permis à l’écrasante majorité des Guinéens de relever manifestement ce qui est reproché à Kelefa SALL ;
Dans l’argumentation et le raisonnement utilisés les 8 « sages » se sont adossés sur les dispositions des articles 93 Al 4, 99 de la constitution et 37 Al2, 10 de la loi organique L/2011/006/CNT/ du 10 Mars 2011 ;
Pour ce qui est des articles 93 et 99 de la constitution, ces dispositions prescrivent en substance, comme ils l’ont si bien rappelé que ;
1°) La Cour constitutionnelle est l’organe régulateur du fonctionnement et des activités des pouvoirs législatif et exécutif et des autres organes de l’état ;
2°) Les arrêts de la Cour constitutionnelle sont sans recours, s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ainsi qu’à toute personne physique ou morale » ;
-Contrairement à ce que peuvent croire les huit (8) « sages », Monsieur Kelefa SALL n’a jamais remis en cause le caractère régulateur de la Cour et de l’absence de recours des décisions rendues par elle ;
En tout cas, aucune de ces règles de droit ne sauraient être considérées, par les 8 sages comme étant transgressées par Monsieur Kelefa SALL ;
Toutefois en décidant de l’application des dispositions des articles 93 et 99 précités dans leur argumentaire lacunaire, les huit (8) « sages » ont voulu conférer à leur décision un caractère beaucoup plus d’autorité de la chose jugée que par la qualité de la motivation et du raisonnement ;
Ce faisant, il ressort qu’il a été fait, des articles 93 et 99 de la constitution, une application non conforme à leur lettre et à leur esprit ;
Concernant les dispositions des articles 37 Al2 et 10 de la loi organique L/2011/006/CNT du 10 Mars 2011 ;
Les dispositions précitées prévoient le principe de ce que la Cour statue en composition collégiale normale de sept membres ;
Les décisions sont rendues par cinq conseillers au moins, sauf en cas de force majeure dument constatée au procès verbal, et l’élection du nouveau président de la Cour constitutionnelle à lieu quinze (15) jours après la constatation de l’empêchement définitif de ce dernier ;
Pour parvenir à l’empêchement de Kelefa SALL, la Cour a prétexté qu’une motion de défiance prise par les huit (8) conseillers à son encontre rend impossible l’exercice du mandat qui lui est confié ;
Or les seules règles particulières applicables sont celles définies à l’article 11 Al 3 de la loi organique portant sur la Cour constitutionnelle lorsqu’elles disposent que « Les membres de la Cour constitutionnelle sous réserve de l’alinéa 2 de l’article 12 ci-dessous, ne peuvent être révoqués ou destitués que pour les seuls motifs de parjure ou de condamnation pour crime ou délit » ;
C’est cette seule référence juridique qu’importait d’être retenue ;
Au contraire, les Juges constitutionnels ont inventé une pirouette juridique en affirmant au 2ème considérant que « Conformément au principe du parallélisme des formes et procédures, la Cour pour des motifs objectivement constatés peut retirer tout mandat électif en son sein ; que la motion de défiance prise par huit (8) conseillers à l’encontre de Monsieur Kelefa SALL rend impossible l’exercice du mandat qui lui a été confié ; qu’il soit dès lors constaté son état d’empêchement définitif irrévocable » ;
Il est donc clair, pour les conseillers que c’est la motion de défiance qui constitue l’empêchement définitif et irrévocable du président Kelefa SALL ;
Pourtant motion de défiance et empêchement sont deux notions de nature différente, l’une ne peut servir de fondement juridique à l’autre, en ce qu’elles obéissent à des régimes juridiques distinctes ;
Contrairement à ce que prétendent les huit (8) « sages) le président de la Cour constitutionnelle a été destitué pour :
- Avoir rappelé les dispositions de l’article 154 de la constitution relatives au nombre et à la durée des mandats du président de la République qui ne peuvent faire l’objet d’une révision, que l’on qualifiera de contexte ;
- Le second moyen de destitution a trait au contrôle des crédits affectés à la Cour pour son fonctionnement ;
C’est à ce niveau que résident tous les errements des huit (8) conseillers puisque la Cour constitutionnelle a pour compétence le contrôle de constitutionnalité et de conformité, article 19 de la loi organique portant sur la Cour constitutionnelle et non un contrôle des finances publiques ;
Ce faisant, les huit (8) conseillers, en qualifiant de manière générique les notions de défiance et d’empêchement que l’on prend pour prétexte, se sont fondés sur le contexte politique et non sur le texte de loi de l’article 11 de la loi organique précité ;
Ils admettent que la principale justification de leur position réside dans leur volonté d’écarter, pour des objectifs inavoués, Monsieur Kelefa SALL qui incarne la neutralité;
LA COUR CONSTITUTIONNELLE N’EST PAS UN MOULIN
Répondant non pas à un désir de mimétisme plutôt qu’à une volonté de réalisme et d’efficacité, le peuple Guinéen s’est doté d’une institution forte : La Cour constitutionnelle ;
Sa composition reposant sur des hommes riches d’expériences mais surtout parfaitement informés du jeu politique est loin d’être atteint ;
En effet, les enjeux juridiques résultant du comportement des huit (8) conseillers font croire que ce sont des intérêts personnels et pécuniaires qu’ils sont entrain de lutter ;
Ihering s’adressant aux sages disait « Ce n’est pas pour le droit que vous luttez c’est pour votre visage d’homme triomphe » ;
Ceci est d’autant vrai qu’ils ont utilisé la tyrannie de la majorité des huit (8) contre un (1) pour éjecter le président Kelefa SALL ;
Or le contexte des faits à l’origine n’est pas le règne du nombre des 8 conseillers mais du droit, expression de la volonté de tout un peuple;
En construisant une architecture juridique rude en la forme, léger et lapidaire au fond, la Cour constitutionnelle a raté son entrée en scène ;
Pilier important de la démocratie et de la construction de l’état de droit, la Cour constitutionnelle, de l’avis de la plupart des juristes s’est manifestement affaiblie avec cette décision ;
Il est de toute évidence que la Cour est devenue le nid des contradictions entre conseillers qui n’arrange nullement le peuple ;
Et comme la confiance s’est érodée, l’autorité de la Cour sera irrévocablement malmenée ;
C’est pourquoi ces « sages » qui ne sauraient être sages, il conviendra de solliciter sa recomposition pour la solidité de nos institutions.
Maître Saliou DANFAKHA
Avocat à la Cour
Membre fondateur du PE.D.N
Président des opérations électorales
Président de la commission stratégique