Le débat d’idées crée généralement des opportunités d’échanges fructueux pour se consoler en face d’une situation ardue.
Il n’y a que dans cette forme de débat que l’on peut trouver des solutions pacifiques pour transcender un cap. Faillir à ce principe, c’est un peu méconnaître les règles de l’ascension et la logique par laquelle fonctionne une société.
L’écriture en est une des formes par laquelle on participe au débat du pays à travers n’importe quel thème. Par elle, on agit en l’absence de toute contrainte extérieure en utilisant librement son génie pour la défense des libertés des peuples ou œuvrer en faveur d’une quelconque opinion.
Devant une situation sociale inquiétante, les positions sont toujours antithétiques. D’aucuns agissent avec beaucoup de passion tandis que d’autres par vocation. Mais cela ne peut exclure néanmoins la raison ou le bon sens. C’est comme le cas actuellement en Guinée où le projet de modification constitutionnelle fait rage dans les milieux intellectuels. Chacun va de son côté avec son raisonnement propre parfois, mêlé d’ostentation.
Dans cette polémique douteuse entretenue au prix de la passion, une seule chose m’intrigue, c’est l’attitude de certaines personnes qui, prétentieusement donnent poids à l’argumentation juridique en excluant toute morale et le bon sens dans cette affaire qui relève entièrement de l’ordre politique et social.
Ce débat est loin d’être à la discrétion des seuls juristes où parfois les doctrinaires les plus piètres parmi eux sont capables de tout et de rien et les plus hardis sont sous silence. C’est une affaire de tous. Et tout intellectuel capable de réflexion critique doit défier le temps en brandissant sur ce sujet avec la volonté de pérenniser une pratique que l’on a point connu dans notre pays : l’alternance démocratique. Mais il n’y a que l’élite bien guidée par la raison et le bon sens qui peut sauver ce pays en voie d’égarement.
Je ne peux donc pas me taire, mon métier m’oblige. Je dois dire mes mots à ce beau peuple devant lequel on trompette des discours pompeux et laudatifs en lui faisant rêver de cocagne. Personne en réalité parmi ses intellectuels véreux ne se rend compte réellement de la félonie qu’il réalise vis-à-vis de la nation. Mieux, qui d’ailleurs se soucie de ce grand nuage de malheur qui enveloppe notre pays ?
Et comme tout le monde parle de contribution, voici la mienne face au projet de nouvelle constitution en Guinée. Certainement, elle arrive tardivement, mais il était utile que je l’écrive. La plume que je propose dans cette tribune reflète plutôt mes idées et ne peut en être autrement.
Avant d’entrée en matière, j’aimerais citer Wolé Soyinka, écrivain de réputation mondiale qui disait ceci « le silence d’un écrivain est plus meurtrier que l’épée d’un tyran. Chaque fois que l’un d’entre eux se tait, un homme meurt ». C’est par ces mots truffés de constance que je me donne le plaisir d’écrire cette tribune afin d’éviter tout silence face à la problématique actuelle qui divise notre pays.
J’anticipe en disant ceci « le surplis de rire peut entrainer des larmes ». C’est bien sage de comprendre ce dicton dans son essence. Le débat qui mine actuellement la Guinée est déraisonné, loufoque et perd le sens de l’éthique. C’est la preuve tangible de la lutte d’intérêt que visent certains régentant opportunistes au détriment de la nation.
A observer le paysage politique actuel de notre pays, on constate clairement que chaque jour, on creuse au fond du labyrinthe des alternatives fastidieuses qui ne correspondent pas aux attentes des masses populaires asservies, assoiffées, misérables et qui rêvent du mieux vivre sur sa terre d’or et de diamant, de bauxite et d’uranium qui ne constituent pour elles que des richesses illusoires.
A l’heure où la grande majorité des guinéens sombre dans une dèche apocalyptique qui fait migrer certains vers l’Occident, voilà qu’une classe d’élite ne voulant pas renoncer au bakchich du pouvoir se bat à tout prix pour éterniser « l’individu » à son trône en scandant de façon impudique le slogan effaré « Alanmanè ».
Je parle ici des pyromanes à l’allure effrénée que constituent certains ministres crapauds, politiciens caméléons, intellectuels griots et propagandistes de tous genres qui réalisent les beaux scénarios de fantaisie sur les réseaux sociaux en résonnant sans morale. Le combat entrepris en faveur de la modification constitutionnelle doit être un non-lieu car ce n’est ni un besoin, ni une urgence du peuple pour palier à un gigantesque problème national. Tout fonctionne correctement bien pour le moment.
Organisons le débat et disons vrai. Je crois qu’aujourd’hui, on est maintenant devant les faits accomplis. Chaque intellectuel pour l’heure doit jouer sa carte dans ce débat. Ce n’est point une prétention que de soutenir l’idée selon laquelle la constitution de 2010 ne doit pas être touchée à priori. Monter un garde-fou pour empêcher toute modification de la constitution est la plus grande sagesse pour laquelle on se serait battu.
Il y a des hommes qui croient avoir le monopole de l’intelligence. Il faut soumettre ce projet à l’approbation du peuple pour décider de son avenir clament-ils toujours. Je dis ouvertement qu’une telle forme de pensée est une aberration. La légitimé que ceux-ci recherchent sera bien plus grave car il s’agira de se noyer dans une situation exceptionnelle.
Admettons que par la même logique, qu’un coup d’Etat militaire porte tout d’un coup les hommes en tenues sous l’acclamation du peuple. Que défendrons-nous, nous autres ? La volonté du peuple ou l’inexactitude du putsch ? Je pense que consciencieusement on défendra plus les valeurs républicaines que le regard populaire. La force seule pourra s’imposer à notre bon gré pour faire triompher le mal.
Je pense que la modification de la constitution ne doit pas s’analyser seulement en regardant l’angle de la légalité comme avouent certains juristes confusionnistes qui parlent au nom de la loi. Il faut bien voir aussi l’aspect moral qui préconise le bon sens.
Pourquoi d’ailleurs toucher à la constitution si ce n’est pas dans l’optique de préparer un troisième mandat ? Il faut que maintenant nous apprenions à agir pour la nation et non contre elle. Deux mandats suffisent largement pour accomplir pleinement les fonctions présidentielles.
Le pays étant en proie à des clivages politico-ethniques, tout projet de constitution ne pourrait se faire sans violence. La situation sociologique du pays le prouve suffisamment.
Il faut donc éviter qu’il n’ait point cette chaine de violence pour éviter le carnage. Le constat reste le même, partout où le débat de la modification constitutionnelle (et je précise qu’il n’y a que dans les potentats que l’on peut tenter une pareille pratique à la veille de l’élection) il y a eu effusion de sang.
Cette perte en vitesse des valeurs humaines a une entière résonnance en nous puisqu’elle détermine systématiquement la nature des régimes politiques qui sont les nôtres. On ne peut pas se battre pour une chose et son contraire. Si nous voulons une démocratie dépourvue de tout cliché, il nous faut respecter ses principes. Et c’est pourquoi je soutiens qu’il faut une sérieuse antipathie vis-à-vis de ce projet sans aucune conjecture.
Ici, je ne m’évertuerai pas dans le débat relatif au bilan du Président depuis son élection. Bon ou mauvais, une telle appréciation n’a rien à voir dans ce débat de rigueur. Même si, le pays était ouvert au chantier et aux réformes les plus dignes ou voir même aux plus grandes merveilles du monde, il faudrait avoir l’aptitude nécessaire et le courage manifeste de rompre avec toute volonté dictatoriale qui vise à pérenniser un régime politique en lui collant des fausses étiquettes comme «bâtisseur » ou « sauveur ».
Il faut que nous prenions l’habitude de préconiser l’alternance comme une alternative pour pousser nos présidents à l’opération des plus grands travaux pour que notre pays devienne un royaume paradisiaque. De ce fait, il faut adopter une rigueur autour de la durée du mandat présidentiel pour que tout se tienne dans un temps précis imparti selon la loi.
Cela évoque un principe qui, dans le fait probant est gage de la stabilité. L’intérêt d’une telle attitude est bien d’adopter la culture de l’alternance démocratique en donnant vigueur à la démocratie dans notre pays. Et si aujourd’hui, nous cautionnons cette faille, la tradition sera conservée. Chaque président guinéen pourrait au moins se maintenir pendant vingt ans ou plus comme dans les monarchies ou dans le régime féodal. L’exemple du Général Lansana Conté et du Pr. Alpha Condé pourraient leurs servir de référence. C’est pourquoi, nous devons renoncer à ce mauvais exemple que nous donnent certains pays d’Afrique dans lesquels la dictature civile règne.
La constitution ne doit pas être touchée parce que le contexte sociopolitique n’est pas favorable à ce projet même si certains juristes se servent de certaines dispositions constitutionnelles pour légitimer le fait.
Un tel regard inapproprié ne doit pas suffire pour ceux-ci de clore le discours. Ils doivent toujours continuer à parler en faisant un plaidoyer pour pousser le président au bon exemple. Et comme je l’ai dit dans mon précédent article, ce qui manque à ses hommes de droit, c’est toujours l’intelligence sociale et la morale intellectuelle.
Le facteur juridique, vrai qu’il a une part dans ce débat doit être suivi par un enseignement moratoire défendu à la lettre afin d’éviter de tomber dans les errements stratégiques élaborés par certains politicards malhonnêtes qui soutiennent et soutiendront toujours la présidence à vie tant qu’ils gagneront leur pain.
La récente attitude de certains ministres en est une aberration de haut niveau. Où sont même parties les notions de l’homme intègre et de l’honnête homme que l’on rêvait en France pendant le 17e siècle ? Pas d’intégrité, c’est la terre qui tourne à l’envers en Guinée. Notre pays est typiquement le prototype d’une société opposée aux bonnes mœurs et où le bon sens a disparu.
Je constate même une forte dissension entre les juristes dans l’interprétation de l’article 52 de notre loi fondamentale. Cette ambivalence nous plonge dans une confusion à travers laquelle nous visionnons le Droit guinéen comme celui émotif, mais jamais rationnel.
Maintenant que cette modification de la constitution a pris une grande ampleur dans notre pays, et que les dites institutions républicaines préfèrent le statut quo, il faut faire son rôle intellectuel et pousser la société au débat les plus cruciaux comme celui de l’avenir du pays par exemple.
Raymond Bamane,
Politologue-Ecrivain