Le président américain a formellement été accusé, mercredi soir, d’abus de pouvoir et d’obstruction au Congrès par la Chambre des représentants à majorité démocrate. Il devient le troisième président américain de l’Histoire à subir l’affront de l’impeachment. C’est au tour du Sénat à majorité républicaine d’organiser son procès en destitution.
Donald Trump a désormais une place dans les livres d’histoire aux côtés d’Andrew Johnson et de Bill Clinton. Le point commun de ces trois présidents américains : tous ont fait l’objet d’un impeachment à la Chambre des représentants. Cette procédure bien spécifique est l’équivalent d’une mise en accusation ou d’une inculpation dans le monde judiciaire. À la différence près que même en cas d’acquittement au procès qui s’ensuit, elle reste associée à jamais au nom du locataire de la Maison Blanche.
Donald Trump, 45e président des États-Unis, a donc subi cet affront lors de son premier mandat. Les deux chefs d’accusation contre lui ont été adoptés, mercredi 18 décembre, après presque trois mois d’enquête sur l’affaire ukrainienne. Donald Trump a-t-il abusé de son pouvoir en faisant pression sur Kiev pour obtenir des enquêtes sur ses rivaux politiques ? La majorité démocrate a répondu oui. A-t-il entravé la bonne marche du Congrès en ne coopérant pas à l’enquête des commissions parlementaires ? Oui aussi.
L’issue du vote n’était pas une surprise. Nancy Pelosi, la patronne démocrate de la Chambre des représentants, n’aurait pas lancé la procédure fin septembre si elle n’était pas sure que son camp la suivrait. C’est plutôt le décompte du scrutin qui intéressait les observateurs mercredi soir. Le premier chef d’accusation, abus de pouvoir, a été validé par 230 voix contre 197. Celui d’entrave au Congrès a été adopté par 229 voix contre 198. Aucun républicain n’a voté pour l’impeachment du président. Côté démocrate, en revanche, quatre élus sont sortis des rangs : trois ont voté « non » à au moins un des deux chefs d’accusation. Une autre, la candidate aux primaires Tulsi Gabbard, a seulement répondu « présente ».
« Pas d’autre choix »
Donald Trump, personnellement affecté, en témoigne la montagne de tweets qu’il a produits ces derniers jours, s’est consolé dans les bras de ses partisans lors d’un meeting dans l’État-clé du Michigan mercredi soir. « Pendant que nous créons des emplois et que nous nous battons pour le Michigan, la gauche radicale au Congrès est rongée par l’envie, la haine et la rage », a-t-il lancé. « Les démocrates essayent d’annuler le vote de dizaines de millions d’Américains », a-t-il ajouté. Plus tôt dans la journée, il avait dénoncé « une attaque » « contre l’Amérique » et « contre le Parti républicain ».
Avant le vote, les élus ont passé la journée à débattre – ou faire semblant de débattre – dans l’hémicycle. L’occasion pour chaque camp d’asséner une fois de plus ses arguments. Les démocrates ne font que leur devoir constitutionnel face aux « actions dangereuses » du président qui se comporte comme un monarque, a estimé la speaker démocrate Nancy Pelosi. « Il ne nous a pas laissé d’autre choix » que l’impeachment, a-t-elle assuré, vêtue entièrement de noir comme pour accentuer la tristesse et la solennité du moment. À l’issue du vote, elle a même empêché son camp d’applaudir.
Donald Trump est victime d’une chasse aux sorcières qui a démarré dès le jour de son investiture, ont répondu les républicains prêts à en faire un martyr politique. Le représentant Barry Loudermilk a même tenté une comparaison biblique en critiquant le déroulement de la procédure : « Ponce Pilate a accordé davantage de droits à Jesus que les démocrates n’en ont accordé au président ! »
« Martyr politique »
Les interventions, pour la plupart préparées à l’avance, ont parfois donné lieu à des échanges direct. Lorsque le républicain de l’Utah Chris Stewart a accusé les démocrates de voter l’impeachment car « ils pensent qu’Hillary Clinton devrait être présidente », le démocrate Jerry Nadler a pris le micro pour lui répondre : « Si le président Trump est mis en accusation et destitué, le nouveau président serait Mike Pence (l’actuel vice-président, NDLR), pas Hillary Clinton. »
Un scénario qui a peu de chances d’arriver. À partir de début janvier, les républicains vont organiser un procès qui promet d’être expéditif qui devrait aboutir sans surprise à l’acquittement du président. Un acquittement qui n’effacera pas pour autant l’humiliation vécue ce mercredi. « Que le Sénat le destitue ou pas, c’est une autre histoire, ont balayé Andy et Rosie Singer, un couple de retraités venus manifester devant le Congrès. L’important, c’est que l’impeachment soit voté. »
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