La santé du secteur pétrolier guinéen, des pénuries du carburant, l’offshore guinéen, la problématique du prix du carburant à la pompe, sont entre autres questions que nous avons posées à M. Famoro Camara, Directeur Général Adjoint de l’Office national des pétroles. Interview.
Comment se porte le secteur pétrolier guinéen ?
Famoro Camara, DGA ONAP : Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de m’exprimer sur ce secteur aussi important pour nous et pour toute la population. Et surtout d’être venu à la source pour éclairer les lanternes des citoyens sur l’évolution du secteur pétrolier. Globalement, le secteur pétrolier guinéen se porte bien. Comparativement aux années antérieures et depuis l’avènement du professeur Alpha Condé au pouvoir, la Guinée n’a pas connu de pénuries de carburants. Vous conviendrez avec moi qu’en 2011, on ne faisait pas deux à trois mois sans ruptures. Tout le monde ressentait les ruptures ici à Conakry et à l’intérieur du pays, surtout pendant les périodes de fêtes. En ces temps, il n’y avait que deux ou trois pétroliers mais aujourd’hui, il y a une dizaine de pétroliers sur le marché. Je dirai que le secteur se porte bien parce que nous sommes à l’abri de tous ces petits problèmes.
Les pénuries de carburant s’annoncent dans plusieurs localités suite à la crise post-électorale. Que faites-vous pour y faire face ?
Famoro Camara : C’est vrai que nous avons connu un léger cas de rupture dans certaines préfectures mais aujourd’hui, tout est rentré en ordre. Nous sommes entrain d’envoyer suffisamment de stocks. Il y avait eu des anticipations effectivement parce que nous avions envoyé assez de stocks mais vu qu’il y a une semaine de perturbation c’est normal alors qu’on ait cette perturbation. Le dépôt qui dessert l’intérieur du pays est à Conakry et avec l’insécurité, c’était très risqué de laisser les camions passer à cette période. Et sans se tromper, je peux vous dire qu’aujourd’hui que la situation est sous contrôle. Nous avons du stock aujourd’hui dans toutes les préfectures du pays. Nous avons des représentants dans toutes les préfectures du pays qui veillent à l’approvisionnement de toutes les stations de service. Nous avons une statistique de remontée des informations qui nous disent dans telle ou telle ville et dans toutes les stations service, le niveau de stock, la consommation journalière, le nombre de jours de stocks restants, et les besoins d’approvisionnement.
Ainsi, toutes les dispositions sont prises avec les marqueteurs pour approvisionner les stations.
Les pénuries de carburant se font très souvent à l’intérieur du pays suite aux événements sociopolitiques, avez-vous pensé à une solution définitive à ce problème ?
Famoro Camara : La solution définitive à ce problème est l’élargissement des espaces de stockage à l’intérieur du pays. Les dépôts qui existent aujourd’hui à l’intérieur du pays ont une capacité de stockage très limitée. Si je prends la zone de Kankan par exemple, ces dernières années, nous avons connu une explosion de la consommation qui dépasse complètement la capacité de stockage du dépôt. Les dispositions sont entrain d’être prises pour élargir ces dépôts afin d’avoir un espace de stockage très suffisant. L’une des missions phares du ministère des hydrocarbures et de l’ONAP est de constituer un stock de sécurité partout.
Avez-vous une idée de la capacité de stockage que vous allez mettre en place ?
Famoro Camara : Si vous prenez la zone de Kankan par exemple, la consommation était aux alentours de 4 à 5 millions de litres en 2010. Présentement dans la même zone, nous avons le double. Donc la capacité minimale qui va être installée à Kankan ( Pour la haute guinée) sera de 10 à 15 millions de litres. Et en tenant compte des besoins dans le futur, il faut des dépôts dont la capacité pourra atteindre les 20 mètres cubes qui font 20 millions de litres. Idem que la région de N’Zérékoré (Guinée forestière) où il y a un dépôt. Mais avec les projets miniers, routiers et les entreprises d’exploitation forestière, c’est une forte consommation qui s’annonce. Là aussi, il y a un besoin d’élargissement du dépôt voire même la construction d’un nouveau dépôt. Les projets d’élargissement sont en bonnes voies.
Qu’en est-il de l’offshore guinéen. On en parle peu depuis les dernières recherches ?
Famoro Camara : On en parle peu dans la presse mais cela ne veut pas dire qu’on en parle pas. On ne peut pas venir en parler tout le temps dans la presse mais nous en parlons toujours malgré le coup pris par l’industrie pétrolière à cause de la baisse du prix du carburant entre autres. Toute la chaine a été impactée. Que ce soit l’exploration, la production, le raffinage, le transport et la commercialisation. Cela a réduit la capacité financière des grandes entreprises pour faire face à un certain nombre de dépenses. Mais qu’a cela ne tienne, nous n’avons pas été considérablement affecté à tel point de dire que les recherches sur l’offshore se sont arrêtées. C’est aussi compliqué que les citoyens ne l’imaginent. Pour voir un projet d’offshore réalisé, il faut beaucoup d’années d’études, de recherches et d’échanges d’informations. Ça prend énormément de temps. C’est plus complexe que la construction d’une station de service. Nous y travaillons tous les jours en relation avec les partenaires. Et très prochainement (2021) nous aurons des bateaux sismiques pour continuer les études d’exploration et de recherches aussi.
Quelles sont les réformes entreprises par votre équipe pour rendre l’ONAP plus performant ?
Famoro Camara : La performance d’une structure passe forcement par le personnel d’abord. A l’ONAP, nous avons mis l’accent sur le personnel pour voir dans quelles conditions le personnel doit être traité et formé. Nous avons beaucoup misé sur la formation du personnel. Dans l’immédiat, le citoyen lambda ne voit le résultats mais à l’interne, nous voyons les résultats concrets. Notre structure est une structure de régulation. Nous ne sommes pas les détenteurs directs des dépôts, des stations de service. L’État n’importe pas les produits pétroliers mais plutôt les marketeurs de la place qui importent et qui sont propriétaires des stations, des camions-citernes. Nous (ONAP), nous travaillons pour que la machine marche correctement et pour garantir le bon fonctionnement du secteur, le respect de la concurrence, pour que l’État soit bien traité dans ses droits et que les investissements des pétroliers soient protégés. Notre rôle se concentre beaucoup autour de ça. Nous avons mis assez de comités pour résoudre les petits différends qui peuvent surgir entre eux, l’administration et le secteur. Malheureusement, on ne peut pas mettre ce travail à la lumière du public. C’est un travail interne. Nous avons mis des règlements intérieurs pour que la structure soit plus solide. Nous avons des représentants dans les différentes préfectures du pays et ils sont bien équipés. Ils font bien leur travail et nous sommes alertés à temps. Aujourd’hui, nous avons des bureaux de coordination par région pour rendre le service plus près du consommateur. Tout cela contribue à la performance de la structure. Beaucoup d’autres projets sont en perspectives. Et il n’y a pas que l’ONAP qui fait ce travail. Il y a le ministère qui chapeaute tout ça et nous accompagne dans tout ce schéma pour arriver à la stabilité que nous vivons dans le secteur. Nous ne pouvons pas faire tout en un clin d’œil mais avec l’avènement du professeur Alpha Condé, nous avons plus de 700 stations de service dans tout le pays. C’est plus que le double avant 2010.
Avec la pandémie du coronavirus, le prix du baril a chuté au niveau mais en Guinée, le prix du litre n’a pas baissé. Comment expliquer cela ?
Famoro Camara : La problématique du prix du pétrole est très complexe. C’est difficile à comprendre pour le citoyen lambda. Il faut que les citoyens comprennent que la Guinée ne produit pas et n’achète pas de barils. C’est vrai le prix du pétrole est en fonction du baril mais ce n’est pas dans la même proportion de baisse ou d’augmentation du baril. La Guinée n’importe pas le carburant. Ce sont les compagnies pétrolières qui sont installées dans le pays et qui ont l’agrément qui importent le carburant. C’est comme le riz. La seule différence est que le prix du carburant est structuré. L’importation est assurée par les pétroliers. Et ils n’importent pas du baril, c’est du produit raffiné qu’ils importent. Le baril passe par un processus et c’est le produit raffiné qui est vendu ici. Le prix du produit raffiné qui est acheté et vendu ici en Guinée est fixé par les PLATT’S. Le produit pétrolier est acheté à la base de ça et non à la base du baril. Mais il n’est pas dit que lorsque le prix du baril chute, le prix du litre va automatiquement chuter. Le prix du litre peut chuter mais pas dans la même proportion. C’est un facteur important que les citoyens doivent comprendre. Pour la petite histoire, lors de la dernière augmentation du prix du carburant auquel les syndicats étaient opposés, j’étais le technicien envoyé par le ministère à la fonction publique pour les négociations autour de la problématique du prix du carburant. J’avoue que les citoyens font des affirmations qu’ils ne maitrisent pas ou ne connaissent pas. Apres mes explications, les syndicalistes ont compris séance tenante que le problème de prix est plus complexe qu’ils ne le pensaient. La pression sociale ne peut pas aller avec les prix parce qu’il y a plusieurs éléments qui entrent en compte. On achète pas le baril mais le PLATT’S et ils oublient que les achats se font en dollars et non en francs guinéens. Le prix du baril peut chuter mais avec l’inflation du franc guinéen, on ne peut pas sentir la baisse. Il faut que les citoyens comprennent que le produit dont on parle est vendu un peu partout. Donc il faut prêter attention aux prix autour de nous. Dans le temps, avec la pression sociale, l’État cédait en baissant le prix du carburant pour soulager sa population mais l’État oubliait qu’il était entrain de subventionner la population des pays limitrophes de la Guinée parce qu’ils se ravitaillaient tous en Guinée. L’État subventionnaient chaque litre d’essence qui arrivait dans le pays et entre-temps ce sont les contre bandes qui venaient s’en procurer ici et aller vendre dans leurs pays. Donc, il fallait faire attention parce qu’on ne pouvait pas prendre nos impôts pour donner à ceux qui vivent au Mali, en Côte d’Ivoire, en Guinée-Bissau. Le débat sur les prix des produits pétroliers doit être un débat technique qui doit tenir en compte de plusieurs facteurs. Si l’État dit qu’il va soutenir sa population en baissant les prix, les conséquences viendront après. Entre-temps, la population veut des routes, des hôpitaux et pour baisser les prix, l’État prend de l’argent dans ses caisses. Et en prenant de l’argent dans ses caisses, l’État va renoncer à certains projets. Aujourd’hui Nous avons les prix les plus bas par rapport à nos voisins. Sur la problématique du prix, il faut laisser les techniciens y travailler. Dieu merci que les syndicalistes ont compris que la problématique du prix des produits est très complexe. C’est dans ça que les uns et les autres doivent comprendre que la fixation du prix ne se fait pas en un clin d’œil. Il y a plusieurs facteurs qui entrent en compte avant de dire que je vais baisser ou augmenter le prix. Et puis l’ONAP est une structure technique comme tant d’autres. Pour le prix des produits vendus dans les stations-service, les 9000 (prix du litre à la pompe) sont subdivisés de telle sorte que chaque ligne appartient à un partenaire. Il y a les banquiers qui ont leurs parts, les pétroliers qui importent, il y a les fournisseurs, il y a les sociétés de stockage, les transporteurs. C’est complexe. Et si tu touches à la part d’un partenaire, il te dira qu’il va arrêter son activité. La baisse ou l’augmentation du prix ne se fait pas du jour au lendemain. Il y a beaucoup de facteurs avant qu’une décision de fixation des prix ne soit prise. Une baisse conjecturelle et structurelle font deux. Donc, il faut faire une étude technico économique pour convaincre le gouvernement sur la baisse ou l’augmentation des prix.
Nous sommes à la fin de cette interview, avez-vous quelque chose à ajouter ?
Famoro Camara : je pense que nous avons fait le tour de plusieurs questions. Je peux dire que grâce aux réformes entreprises par le professeur Alpha Condé dans le secteur, il y a un ministère des hydrocarbures. Les préoccupations de la population sont prises en compte. Et bientôt, il y aura un nouveau dépôt pour remplacer celui du centre ville qui est petit et se trouve dans le centre des affaires. Il y a des risques d’incendies. Dans le domaine des hydrocarbures, l’ambition du président de la république est d’aller vers une consommation élevée de la population du gaz. L’objectif est d’inviter la population à consommer du gaz pour éviter de détruire l’environnement avec la production du charbon de bois. Dans les réformes du ministère des hydrocarbures, il y a une structure qui est créée dans se sens pour faire la promotion du gaz et qui est entrain de travailler et sera très prochainement à la portée de la population. Et ladite structure est entrain de travailler pour voir comment l’État va subventionner pour rendre l’accès du gaz facile à la population et en fonction des revenus. La Guinée est sur le bon chemin de la stabilisation du secteur des hydrocarbures. Aujourd’hui, toutes les dispositions sont prises pour éviter les pénuries et les ruptures à l’intérieur du pays.
Interview réalisée par Guinee7 et Actuguinee.org