Le Royaume-Uni, déjà berceau du célèbre variant du Sars-CoV-2 plus contagieux, a découvert mardi une nouvelle mutation affectant certaines souches du virus du Covid-19. Il s’agit de la même que celle qui sévit en Afrique du Sud et au Brésil, ce qui complique encore davantage le paysage épidémiologique européen.
Comme si cela ne suffisait pas. Le variant anglais du Covid-19, plus contagieux, vient de se doter d’une nouvelle arme. Les autorités sanitaires britanniques ont annoncé, mardi 2 février, avoir décelé dans ce variant, aux abords de Liverpool, « un nombre limité de souches présentant la mutation E484K ». Il y aurait eu une quarantaine de cas détectés.
« C’est la même mutation que celle qui a été constatée sur les variants sud-africain, brésilien et japonais du virus », précise Julian Tang, virologue à l’université de Leicester, contacté par France 24. En l’occurrence, il ne s’agit pas de cas importés de l’un des ces trois pays. « Il semble que ce soit la souche britannique qui a commencé à développer d’elle-même cette mutation dans ce petit nombre de cas », précise Jonathan Stoye, virologue et responsable de recherche au Francis Crick Institute de Londres, contacté par France 24.
Cette découverte est « préoccupante » et l’évolution de ce variant britannique doit être suivie de très près, juge Julian Tang. La mutation E484K a, en effet, retenu l’attention de la communauté scientifique car elle pourrait rendre les traitements actuels contre le Covid-19, y compris les vaccins, moins efficaces.
Épineuse question de la résistance aux anticorps
En clair, il y a une souche du Sars-CoV-2 commençant à circuler au Royaume-Uni qui « possède, pour schématiser, la première mutation lui permettant de se propager plus rapidement et une deuxième – la nouvelle – rendant les anticorps moins efficaces », résume Jonathan Stoye.
Pour cet expert, cela n’augure pas pour autant une rapide montée en puissance de cette nouvelle forme du virus sur le sol britannique. « Je ne pense pas qu’il se propage plus vite que le variant principal car la mutation qui le rend plus contagieux est celle qui était déjà présente au Royaume-Uni », soutient le responsable des recherches au Francis Crick Institute.
Reste l’épineuse question de sa résistance aux anticorps et, donc, potentiellement aux vaccins dont le rôle est justement de stimuler le système immunitaire afin qu’il produise ces défenses naturelles contre la maladie. Lors de sa découverte, début janvier, la mutation E484K du Sars-CoV-2 avait inquiété les immunologues car elle introduit des modifications à l’apparence de la protéine « spike » (qui permet au virus de s’accrocher aux cellules pour les contaminer) qui risquent de compliquer la tâche des anticorps. « Ils pourraient avoir plus de mal à reconnaître et à s’attacher au virus pour le combattre », résumait alors à France 24 Lawrence Young, virologue et professeur d’oncologie moléculaire à la Warwick Medical School.
Depuis lors, les chercheurs et les laboratoires pharmaceutiques qui développent les vaccins se sont attelés à mieux cerner les implications de l’apparition de la mutation E484K pour lutter contre la pandémie. Les premières constatations sont moins alarmistes que ce qu’on aurait pu craindre : les vaccins pourraient être un peu moins efficaces, mais « les individus en bonne santé et dont la réponse immunitaire est suffisamment forte devraient être protégés malgré tout », précise Jonathan Stoyes.
Deux injections rapprochées de vaccins, sinon rien ?
C’est pourquoi, il est essentiel, d’après lui, de faire deux injections rapprochées de vaccins. La seconde dose agit comme un amplificateur pour la production d’anticorps, ce qui peut s’avérer décisif pour combattre ces nouveaux variants. « Il ne faut pas que les gens qui ont reçu leur première piqûre se croient protégés, surtout face à ces nouveaux variants plus résistants », affirme Jonathan Stoyes.
En ce sens, la découverte sur le sol britannique de souches dopées à la mutation E484K pourrait peser sur le débat actuellement vif en Europe quant au délai les deux injections. Plusieurs pays, dont le Royaume-Uni et l’Allemagne, ont suggéré de les espacer davantage. Londres a opté pour 12 semaines alors que Moderna et Pfizer préconisent trois semaines à un mois entre l’administration des deux doses.
L’allongement des délais permet de vacciner un maximum de personnes au moins une fois sans avoir à mettre de côté trop de doses pour le rappel. Un choix politique qui permet d’apaiser l’opinion publique lorsque celle-ci reproche aux autorités de mener une campagne de vaccination trop lente. Mais c’est scientifiquement risqué : BioNTech a précisé que l’efficacité de son vaccin s’élève à 52 % après la première dose. C’est tout juste suffisant au regard des recommandations européennes (qui fixent une efficacité minimale de 50 %), mais cela ne vaut que pour le Sars-CoV-2 sans mutation significative. Le variant britannique pourrait très bien profiter de ce désir des dirigeants de calmer la fronde populaire pour se répandre.
Source : france24.com