Lettre ouverte au Président du CNRD, Chef de l’État, Colonel Mamady Doumbouya,
Monsieur le Président,
Depuis votre avènement au pouvoir le 05 septembre 2021, une bonne partie des Guinéens se sont engagés avec vous pour faire progresser le respect des droits de l’homme et de la dignité humaine, pour lutter contre l’injustice sociale et pour faire de la justice la boussole du peuple. C’est une grande cause nationale que nous portons avec force, détermination, constance et abnégation, et nous en sommes fiers.
Si du chemin a été parcouru nous sommes conscientes et conscients qu’il nous faut continuer à œuvrer en vous rappelant chaque instant que rien n’est jamais définitivement acquis.
Toutefois, vous devez le faire sans renoncer à ce que vous êtes : le prometteur d’un État de droit. C’est un chantier inachevé, même dans les plus grandes démocraties. Mais, la présomption d’innocence est protégée même par les Constitutions les plus conservatrices au monde. Toutes les Constitutions consacrent un exposé brillant au respect des droits humains et de la liberté. Ce ne sont pas des valeurs concurrentes mais complètementaires. La liberté est indissociable des droits humains dans notre pacte républicain du 2 octobre 1958. C’est pourquoi, à cette époque, nos aînés ont opté la voie de la liberté. C’est le titre de notre chant national, l’hymne national.
En Guinée comme partout ailleurs, seule l’institution judiciaire peut dire qui est coupable et non, et c’est le seul garde-fou contre l’arbitraire. Très malheureusement, certains cadres dont le Ministre Diakaria Koulibaly, qui ont incarné la dignité de notre République à un moment donné de notre histoire récente, sont entrain de croupir en prison sans passer devant un juge d’instruction. Cela fut la pratique d’une autre époque de l’histoire de notre pays qui a fait beaucoup d’innocents et de coupables. Ne soyez plus témoins et acteurs de la résurgence de cette pandémie d’injustice.
Monsieur le Président, l’histoire nous l’a appris, la justice doit être rendue dans les prétoires dans le respect des droits humains. La vindicte populaire n’est pas la justice. Mais une vengeance acharnée !
Mon Colonel, vous avez vécu longtemps en Hexagone, c’est pourquoi, je n’ai pas besoin de vous rappeler que là où l’arbitraire règne, il n’y a pas de démocratie et les plus faibles sont livrés au sort des plus forts. Dans les pays où la présomption d’innocence est bafouée, les victimes de l’injustice ne sont plus mieux protégées.
Aussi, lorsqu’un individu, quel qu’il soit et quel que soit son statut, qui n’a jamais été condamné, il a le droit comme tout citoyen à la présomption d’innocence. Le Ministre Diakaria Koulibaly, de surcroît qui n’est ni mis en examen, ni placé sous contrôle judiciaire, ne fait pas exception. Quel que soit le sujet, la justice ne sera plus rendue si accusation vaut condamnation.
Et si la justice a aussi le devoir d’être impartiale, elle doit également être attentive au sort des accusés. C’est pour cela que vous devez continuer à travailler sans relâche pour améliorer la justice dans notre pays, pour que le processus judiciaire ne soit plus un parcours de combattant.
Le combat que vous devez mener dans la construction d’un État de droit, doit être un combat qui fait progresser les droits humains, pour lutter contre la culture des violences et de l’arbitraire, contre l’injustice, contre l’omerta qui condamne les victimes à une double peine. Mais, on ne combat pas une injustice par une autre injustice.
Monsieur le Président, nous sommes engagés pour les droits humains et nous avons pleinement confiance en la capacité de la CRIEF de traiter le sort de nos accusés avec discernement, avec prudence et surtout dans un esprit d’unité nationale. Nous ne voulons plus qu’un Guinéen, surtout de leur rang, soit condamné par l’erreur des juges.
Cordialement à vous, Monsieur le Président de la Transition…
Aboubacar Daffé