Sur la base des termes de références présentés, le contrat de concession pour la mise en exploitation de l’hôpital national Donka a été signé le 1 er Mars 2022 entre la société Netsen Group et le Ministère de la Santé puis approuvé par le Ministère des Finances. La Coalition Nationale des professionnels de santé (CONAPROS) tire la sonnette d’alarme sur les termes d’un contrat qui pourrait faire plus de mal à la Guinée qu’il n’en résolve.
Dans un entretien qu’il a accordé à notre rédaction, le coordinateur national adjoint de la CONAPROS pense que ce contrat n’honore pas les travailleurs de l’hôpital Donka et les médecins guinéens.
Dr Mohamed Condé répond aux questions de Mohamed Bangoura
Mosaiqueguinee.com : L’hopital Donka a été concédé le 1 er Mars 2022 à la société Netsen Group par le Ministère de la Santé, contrat approuvé par le Ministère des Finances, faut-il s’en inquiété ?
Dr Mohamed Condé : C’est avec la plus grande amertume que nous avons appris que l’hôpital Donka a été concédé à travers un marché de gré à gré à un opérateur étranger qui n’a même pas fait ses preuves en la matière dans la gestion hospitalière tant dans la sous-région que dans le monde. Comment pouvons-nous accepter qu’un patrimoine national soit remis dans les mains de soi-disant étranger car derrière ce sont des Guinéens tapis dans l’ombre qui sont à la manœuvre. Nous au sein de la CONAPROS estimons que ce contrat n’honore pas les travailleurs de l’hôpital Donka et nous le dénonçons.
Alors, concrètement que dénonce la CONAPROS ?
Nous dénonçons les faits suivants :
1- le recrutement du concessionnaire n’a fait l’objet d’aucun appel d’offres international ou d’une consultation restreinte. C’est un marché de gré à gré comme le mentionne le Ministre de la santé dans des différentes sorties. Je trouve cela inadmissible qu’un tel patrimoine soit remis sans tenir compte de la procédure du code des marchés publics.
- Dans le contrat il est stipulé que le concessionnaire devrait mobiliser les compétences suivantes :
– Un expert en gestion Hospitalière
– un expert en gestion financière
– un expert en formation et relation avec les universités
– un expert en soins infirmiers
– un expert en pharmacie
– un expert en maintenance biomédicale
– un expert en laboratoire
Tous ces experts cités sont pour moi une insulte à l’élite Guinéenne car je me demande que faisons-nous de nos professeurs en Médecine qui sont sollicités à travers le monde pour leur compétence.
3- Le concessionnaire n’apportera aucun investissement aucune dotation même en produits de santé et c’est à la Guinée de fournir tout et même le traitement salarial.
4- le contrat de concession ne parle nulle part de la place de la Direction Générale de l’hôpital actuellement en place.
5- Je n’ai vu nulle part dans la sous-région qu’un hôpital est géré par des étrangers comme si nos cadres n’ont aucune compétence en la matière.
6- S’il faut que ça soit le concessionnaire qui nomme les responsables dans les différents services, attendons-nous aux favoritismes et non à la compétence
6- Ce contrat de concession n’apporte rien de nouveau selon moi et il est temps que le président prenne ses responsabilités pour revoir les modalités et aussi lancer un appel d’offres pour que la Guinée ne sorte pas inutilement de l’argent pour enrichir d’autres Guinéens de façon malhonnête.
Dans ce cas, que faut-il faire ? Que propose la CONAPROS ?
Ce qu’il faut faire, c’est d’abord :
1- Suspendre voire même annuler ce contrat de concession qui n’a pas suivi la procédure normale
2- Faire une concession partielle en faisant ressortir les parties qui nécessitent réellement une expertise internationale surtout le domaine de la formation
3- Garder le caractère EPA de l’hôpital
4- Impliquer l’administration et tout le personnel médical et paramédical dans l’analyse dudit contrat.
5- Nous avons des experts Guinéen en matière de Gestion Hospitalière que nous mettrons à contribution en mettant les moyens à disposition.
Oui, mais ne faut-il pas douter du Guinéen qui s’est parfois illustré en mauvaise gestion ?
Tout est question de leadership, il suffit d’un bon manager pour que les choses changent ce n’est pas de la magie, juste une touche de volonté et de patriotisme.
On apprend que la rémunération va couter à l’Etat 5 716 000 USD/an soit 28 580 000 USD durant 5 ans ?
Nos experts Guinéens vont couter 10 fois moins chers que les experts étrangers qui seront payés à coût de plus de 20.000€ Us par personne par mois durant 5 ans. Il faut donc se battre pour la formation continue des médecins, infirmiers, laborantins etc. Aujourd’hui l’objectif dans le secteur de la santé est l’atteinte de la couverture sanitaire universelle, tous les Guinéens doivent avoir accès aux mêmes soins de santé primaire et de façon gratuite. Ensuite nous battre pour avoir des infrastructures de nom et nous impliquer dans la formation continue de nos médecins pour le bonheur des patients à tous les niveaux de la pyramide sanitaire. Alors faut-il investir plus de 28 millions de dollars rien que pour des experts qui ne nous apporterons rien dans la formation de nos cadres ? Aujourd’hui, nous avons comme exemple de gestion saine sans expertise internationale, l’hôpital de l’amitié Sino Guinéen où il y a un système d’informatisation qui pourrait être dupliqué dans nos différents hôpitaux du pays.
En gros, faut-il rejeter ce contrat de concession du CHU Donka ?
Je pense que ce marché de gré à gré suscite beaucoup d’interrogations : qui est vraiment derrière cette société ? Est-ce que ce n’est pas une sous-traitance ou des Guinéens sont impliqués et non la société elle-même. J’ose croire que le président reverra cette situation pour éviter à notre pays une honte.
Interview réalisée par Mohamed Bangoura