C’est dans un grand palace berlinois, l’hôtel Adlon, que Mikhaïl Khodorkovski a passé sa première nuit de liberté, après dix ans d’emprisonnement dans le nord de la Russie pour détournement de fonds et fraude fiscale.
L’ancien oligarque russe a atterri à Berlin hier après-midi à bord d’un avion privé affrété par Berlin, moins de 24 heures après la grâce surprise accordée par le président Poutine. Sa famille devrait le rejoindre dans la journée.
Mikhaïl Khodorkovski « épuisé mais heureux » : ce sont les mots de l’ancien ministre allemand des Affaires étrangères, Hans-Dietrich Genscher, venu l’accueillir à l’aéroport de Berlin-Schönefeld. Dès son arrivée sur le sol allemand, l’ancien oligarque russe a expliqué qu’il avait demandé la grâce au président Vladimir Poutine pour des raisons familiales. Tout en précisant qu’il ne reconnaissait pas pour autant sa culpabilité dans les faits que lui reproche la justice russe.
« Vieux renard » de la guerre froide
Il a également remercié M. Genscher pour son rôle dans ce retour à la liberté. Un rôle important, joué par l’Allemagne en coulisses, comme l’a confirmé le porte-parole de la chancelière allemande.
Le « vieux renard » de la détente Est-Ouest, celui qui fut pendant près de vingt ans ministre des Affaires étrangères allemand, a réussi un coup spectaculaire, avec la discrétion qui le caractérise. Hans-Dietrich Genscher s’est investi pour obtenir la liberation de Mikhaïl Khodorkovski et a rencontré pour ce faire deux fois Vladimir Poutine.
Avec l’aide des autorités allemandes, Genscher a organisé l’arrivée de l’opposant russe à Berlin. « Il se porte aussi bien que possible, a indiqué l’ancien diplomate. Il se réjouit surtout de pouvoir serrer sa famille dans ses bras. Je suis très reconnaissant pour cette grâce du président russe. C’est un signal important et sans doute encourageant pour ceux qui attendent encore une telle mesure. »
Un geste qui tombe à pic
Mikhaïl Khodorkovski avait choisi Berlin car il croyait sa mère atteinte d’un cancer encore en traitement dans la capitale allemande. Mais elle l’a quittée il y a dix jours pour Moscou, elle est attendue de nouveau à Berlin dans la journée.
Mikhaïl Khodorkovski dispose de papiers lui permettant de séjourner un an au sein de l’espace Schengen. On ignore pour l’instant s’il va s’exprimer rapidement et où il compte s’installer durablement.
Angela Merkel s’est réjouie de cette libération, tout comme la chef de la diplomatie européenne. Dans son communiqué, Catherine Ashton encourage la Russie à mettre en place un système judiciaire transparent.
Transparentes, les circonstances exactes de la libération de l’ex-patron du groupe pétrolier Ioukos ne le sont pas encore, mais le geste de Vladimir Poutine intervient à point nommé, sur fond de conflit avec l’UE au sujet de l’Ukraine et à deux mois des Jeux olympiques de Sotchi.
REACTIONS : le scepticisme des Ukrainiens
En Ukraine, la libération de Mikhaïl Khodorkovski a été saluée sur la place de l’Indépendance à Kiev, que des milliers de militants pro-européens continuent d’occuper nuit et jour. Trois jours après l’annonce de l’octroi d’un important prêt de la Russie à l’Ukraine, les manifestants qui dénoncent l’accord ont du mal à croire à un geste gratuit de la part de Poutine.
Comme tous les soirs après le travail, Natalia vient retrouver des amis sur la place. Autour d’un braséro, à quelques mètres de la scène géante où se déroule un concert, on boit le thé, et on évoque la nouvelle du jour : la libération du prisonnier le plus célèbre de Russie.
« On comprend bien qu’il y a des raisons politiques, surtout à la veille des Jeux olympiques, Poutine cherche sans doute à garder la face. Mais quoi qu’il en soit, on ne peut que saluer cette décision. »
Pour Vera, quinquagénaire qui a longtemps travaillé en Russie, Vladimir Poutine cherche simplement à redorer son image : « C’est une opération de communication. Beaucoup de pays le détestent, surtout avec les événements en Ukraine : il a puisé dans son fond de réserves budgétaires pour nous octroyer cet argent, nous jeter cet os à ronger. Il a jeté cet os pour maintenir ce pouvoir, parce que ce pouvoir est bien disposé à son égard. Khodorkovski n’avait plus que sept mois à purger, et là, Poutine le libère, ‘il est tellement gentil’. Non, je ne lui fais pas confiance du tout. »
L’opposition ukrainienne qui accuse Viktor Ianoukovitch de vendre l’Ukraine à Vladimir Poutine, dénonce l’accord conclu mardi à Kiev par les présidents russe et ukrainien prévoyant l’octroi d’un crédit de 15 milliards de dollars à Kiev et un rabais d’un tiers du prix du gaz.
Par RFI.