Par : Me Hamidou DRAMÉ, est avocat aux Barreaux de Guinée et de France (Lyon) et associé chez Guilex Avocats en Guinée-Conakry. Il est titulaire d’un LLM – Natural Resources Law and Policy (University of Dundee – Centre for Energy, Petroleum and Mining Law and Policy) et d’un master spécialisé en Global Energy, International Arbitration and Environmental Law (University of Texas at Austin). Email : hdrame@guilex-avocats.com
Depuis la prise du pouvoir par le Comité national de rassemblement et de développement (CNRD), le 5 septembre dernier, le secteur minier est au centre des attentions et préoccupations des nouvelles autorités. Ces dernières tentent de rassurer les sociétés minières opérant en Guinée tout en soulignant la nécessite d’appliquer strictement les dispositions du Code minier et des conventions en vigueur.
Dès le 6 septembre, le CNRD indiquait la réouverture des frontières maritimes pour continuer l’exportation des produits miniers et la levée du couvre-feu dans les zones minières. Les responsables des sociétés minières ont également échangé le 16 septembre dernier avec le Président du CNRD, Mamady Doumbouya, qui a esquissé les grandes lignes de ses ambitions pour le secteur minier.
Pour la régulation dudit secteur, le coup d’état et la période de transition politique qui s’ouvre posent des enjeux juridiques déterminants pour la sécurisation des investissements miniers en cours et à venir en Guinée. Le souci légitime des acteurs miniers est la sécurisation et la validité juridique des transactions et titres miniers durant cette période « d’exception » avant le retour à l’ordre constitutionnel.
- Précédents de 2009 et 2010 avec la transition conduite par le CNDD
Il convient de rappeler qu’entre 2009 et 2010, la Guinée a connu un « coup d’état » qui a entraîné une transition politique conduite par le Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD) composé de militaires et de personnalités civiles. Au cours de cette période, on dénote la signature de plusieurs conventions minières par le ministre des mines et celui du budget de l’époque, ainsi que l’octroi de titres miniers par le Président de la transition (ex : Alliance Mining Commodities, Bellzone Mining, Lissa Mining, BSGR) et le Ministre des mines. Ces titres miniers et conventions visaient le Code minier de 1995 comme loi minière applicable aux différents projets. Il convient de signaler que les droits accordés aux opérateurs sous la transition n’ont pas été remis en cause par les différents gouvernements qui ont pris fonction après la transition menée par le CNDD. Le sacro-saint principe de « continuité de l’État » fut préservé et assuré.
- Sécurité juridique des investissements miniers sous la transition du CNRD
Pour garantir les investissements en cours et à venir dans le secteur minier guinéen, il conviendrait que les sociétés minières s’assurent que les titres miniers et les conventions soient signés par les autorités ministérielles qui seront désignées et habilitées par le CNRD conformément à la Charte de Transition publiée le 27 septembre 2021. Tout porte à croire que les dispositions du Code minier en vigueur continueront aussi à s’appliquer. L’attribution et la signature des titres miniers et conventions devraient donc se faire comme suit :
- Pour les permis de recherche par le Ministre des mines ;
- Pour les permis d’exploitation et les concessions minières par le Président de la transition ;
- Pour les conventions minières par les ministres des mines et du budget conformément au Code minier en vigueur et ensuite pour approbation par l’organe législatif de la transition à savoir le Conseil National de la Transition, comme celui qui existait sous l’ère du CNDD ; et
- Pour les approbations des acquisitions et cessions d’actions des sociétés minières par le Ministre des mines.
- Perspectives liées au cadre juridique et fiscal du secteur minier sous le CNRD
Les attentes du CNRD à l’égard du secteur minier ont été rappelées par son Président lors de la rencontre avec les dirigeants du secteur minier le 16 septembre dernier. Sans remettre en cause les conventions signées, le CNRD a indiqué qu’il va contrôler et s’assurer du respect des engagements des sociétés minières à l’égard de l’Etat et des communautés locales prévus dans le Code minier en vigueur et les conventions minières. Dans cette dynamique, les exigences environnementales, la transparence dans la déclaration des revenus et la promotion du contenu local sont parmi les axes de travail qui seront priorisés par le CNRD. En ce sens, il serait judicieux que les nouvelles autorités adoptent et renforcent les textes d’application du Code minier en vigueur, et mettent les moyens à la disposition de l’administration minière pour les faire appliquer. Par ailleurs, il faut indiquer que les clauses de stabilisations prévues dans les différentes conventions minières régies par le Code minier en vigueur ne concernent principalement que les aspects fiscaux et douaniers. Les sujets liés à l’environnement, au droit social, au contenu local et aux communautés locales ne sont pas « stabilisés » et peuvent donc faire l’objet de réforme par les nouvelles autorités.
Quant aux sociétés minières, pour prévenir tout risque de sanction pour non-conformité, elles peuvent réaliser dès à présent des audits juridiques et fiscaux pour vérifier le respect strict des dispositions du Code minier et de ses textes d’applications en vigueur.
Me Hamidou DRAMÉ,
Avocat – Guilex Avocats, Guinée Conakry
Email : hdrame@guilex-avocats.com