Dans une interview accordée à un reporter de Mosaiqueguinee.com, Amadou Fall Sako, jeune activiste pour l’Unité Nationale, revient sur les récentes violences post-électorales survenues dans certaines localités de la Guinée. Il donne également son avis sur ce que préconise le ministre Gassama Diaby contre les discours haineux.
Mosaiqueguinee.com : que vous inspirent les violences enregistrées après les communales du 04 février ?
Je tiens à préciser, avant tout, que je milite d’abord pour le renforcement de l’esprit patriotique. L’ethnocentrisme n’est qu’un élément parmi tant d’autres dans cette lutte qui inclut d’autres éléments dont l’incivisme. Aussi, lorsqu’on évoque la question de l’ethnocentrisme en Guinée, il est très important d’être précis. Je parlerais plutôt « d’ethnocentrisme politique ». Dans leurs rapports de tous les jours, les Guinéens se côtoient sans distinction d’ethnie. Qu’il soit Sousou, Peul, Malinké, Toma, Guerzé ou d’une autre ethnie, si un citoyen guinéen peut aider un autre ou doit collaborer avec un autre citoyen, il le fera sans distinction d’ethnie.
Le rejet de l’autre n’est pas inscrit dans nos rapports sociaux. Toutefois, lorsqu’il s’agit de politique, on constate, malgré le déni et le tabou qui règnent parfois autour du sujet, qu’il y a un regroupement ethnique autour des leaders et partis politiques.
L’ethnie n’est pas une mauvaise chose, bien au contraire. Notre culture, donc notre identité, est principalement rattachée à notre ethnie. Mais lorsqu’on parle de choix politique, la politique étant la gestion de la chose publique, l’ethnie fait surface. C’est clairement la conséquence d’une défaillance : celle de la non construction d’une identité nationale forte et ancrée dans les âmes des Guinéens.
Il est humain de croire que « celui qui nous ressemble » ou que « celui qui vient de chez nous » soit le mieux placé pour nous comprendre ou défendre nos intérêts. Mais c’est une idée reçue, en politique cela est faux et contribue au clientélisme et au népotisme, maux qui ont historiquement gangrené notre pays. En politique, le « chez nous » c’est la Guinée avant tout, les enjeux et défis étant les mêmes pour tous les Guinéens.
Quelle approche de solution ?
Pourquoi dans certains pays, les choix politiques se font sur des axes gauche/droite; démocrate/républicain sans jamais que l’on ne s’intéresse vraiment à l’origine des candidats ? Ces pays ont pourtant des communautés culturelles très fortes. C’est très simple, ils ont pris le temps et ont fait les efforts nécessaires pour construire une identité nationale à travers des efforts impliquant toutes les composantes de la société.
L’identité nationale se construit à travers les histoires qui sont racontées, les discours qui sont tenus et les actes qui sont posés. Sans pointer du doigt qui que ce soit, l’heure n’est plus aux règlements de comptes, il y a malheureusement eu dans l’histoire de la Guinée, un ralentissement dans l’effort de consolidation de la nation, ainsi que certains dérapages qui l’ont minée. Aujourdhui, nous en récoltons les conséquences de plein fouet.
La bonne nouvelle est que nous sommes une nation jeune. Une nouvelle génération de citoyens et de leaders émerge. Une génération plus ouverte sur le monde. Cette ouverture se traduit notamment par les choix politiques qui se basent de plus en plus sur des valeurs et de moins en moins sur une base ethnique.
Je crois qu’au-delà de la division « politio-ethnique », il y a aussi un véritable cri du cœur des différentes communautés culturelles et régionales guinéennes, qu’il y a un profond désir de leur part d’être d’avantage valorisées. Un débat de fond devra avoir lieu tôt ou tard, débat qui impliquera la possibilité de réformes structurelles, institutionnelles et mêmes politiques.
Quelles politiques culturelles avons-nous en place afin de valoriser sur le long terme les différentes ethnies et régions du pays ? Le modèle de pouvoir ultra centralisé est-il toujours viable en Guinée ? Le modèle fédéral serait-il une solution qui répondrait à certaines aspirations?
Ce ne sont là que quelques questions que, je pense sans prise de position, nous devons commencer à nous poser.
Que vous inspire la décision du ministre Gassama Diaby, de traduire devant la justice ceux qui tiennent des propos ou discours ethniques ?
Le Ministre Gassama qui, à mon sens, a l’un des ministères les plus importants du pays au regard du contexte guinéen, est un homme que je respecte et admire. Cela notamment à cause de son franc-parlé, son intégrité, sa clairvoyance et son ouverture d’esprit. Je crois que s’il arrive à inscrire davantage son action dans une démarche plus proactive que réactive, il fera partie des hommes politiques qui marqueront positivement notre pays. Pour ce faire, il a à sa disposition des patriotes motivés, ainsi que des amis de la Guinée et des Guinéens à travers le monde, qui sont prêts à soutenir son action sur tous les plans. A son niveau, la communication est l’arme ultime pour relever les défis de l’unité nationale et de la citoyenneté, c’est un combat de 365 jours par an, et il n’a pas les prérogatives du ministère de la Justice ou de l’Intérieur.
Sa déclaration d’avoir recours à la Cour Pénale Internationale est une excellente initiative qui lance un message fort aux guinéens.
Que préconisez-vous contre ce phénomène ?
Comme mentionné ci-dessus, l’union des guinéens sur tous les plans, y compris politique, nécessite l’implication de toutes les composantes de la société. Il faut faire attention à ne pas croiser les bras en se disant que c’est un combat exclusivement de l’Etat.
Interview réalisée par Alhassane Djigué