La Guinée, à l’instar de plusieurs autres pays, est affectée par la pandémie liée au Coronavirus qui continue inexorablement son expansion macabre à travers le monde. Plus de 688 personnes ont, à ce jour, contracté la maladie dont 6 cas de décès selon les statistiques fournies par les ordres professionnels de la santé.
Impuissants et complètement désarmés devant la propagation de la maladie, tous les pays à travers la planète rivalisent d’imaginations pour trouver les mesures appropriées afin de contrer la progression du virus et ainsi préserver la santé de leurs populations.
Quant à la Guinée, elle n’a donné l’impression d’avoir réellement pris conscience de la gravité de la situation, seulement qu’après avoir organisé le double scrutin législatif et référendaire contesté du 22 mars dernier.
En effet, alors que les pays africains étaient préoccupés à trouver un plan d’urgence dans le cadre de la lutte contre la pandémie, les autorités guinéennes s’attelaient à faire passer de force ces élections dont seul but était de garantir un pouvoir à vie au président de la République actuel.
La tenue de ce scrutin, jugé non inclusif par une frange importante de la communauté internationale et boycotté par l’essentiel des partis politiques de l’opposition, a plongé le pays dans une vague de violences généralisées qui ont entraîné de graves violations des droits de l’homme. On a dénombré des dizaines de morts, du matériel électoral saccagé, des Eglise et Mosquée incendiées notamment à N’Zérékoré où les violences ont viré en affrontement inter communautaire.
Dans leurs récents rapports, les ONG comme Amnesty International, Human Rights Watch et la Fédération Internationale de Ligue des Droits de l’Homme ont accusé les forces de défense et de sécurité guinéennes d’avoir fait usage excessif de la force létale et d’avoir tiré à bout portant sur les manifestants opposés à l’adoption de la nouvelle constitution.
Ce n’est qu’après l’organisation de ce simulacre d’élections que le gouvernement a, dans le cadre de la lutte contre la pandémie pris des mesures concrètes sur le terrain. Le président de la République a notamment instauré l’état d’urgence sanitaire qui impose un couvre-feu dans tout le pays de de 21 heures à 5 heures du matin.
Dans un décret daté du 10 Avril, il a aussi mis en place le conseil scientifique de riposte contre la pandémie de la maladie du Covid 19. Ce conseil a pour mission de formuler des recommandations « pertinentes » afin de renforcer l’efficacité de la riposte nationale contre la pandémie du Covid-19. Au même moment, le port du masque est rendu obligatoire à partir du 18 Avril sur tout le territoire national.
Aussi, pour garantir le respect de cette batterie mesures sur le terrain, une sanction qualifiée de taxe de désobéissance civile fixée à 30.000 francs guinéens, environ 30 dollars a-t-elle été décidée contre tout citoyen qui contreviendrait à ces dispositions réglementaires.
Malheureusement, tous ces efforts ont été remis en cause par un décret du président de la République convoquant la session inaugurale de la 9ème législature de l’histoire politique guinéenne, ce mardi 21 avril 2020, dans la salle des Congrès du palais du peuple à Conakry. Prenant notoirement le contre pieds de sa propre mesure interdisant les regroupements pour le respect de laquelle mesure, les forces de défense et de sécurité sont entrain de violenter les citoyens et de se livrer à une véritable extorsion de fonds sur les paisibles populations.
Les critiques qui fusent de partout notamment des professionnels de la santé, des hommes politiques et de la société civile pour dénoncer ce manque de sérieux des autorités dans la gestion de cette pandémie ne semblent produire aucun effet sur cette volonté suicidaire et sans scrupule.
Ainsi, le maintien de ces élections en dépit de toute décence et l’organisation de la session inaugurale du parlement qui en découle, malgré les risques de propagation de la pandémie, ce au mépris délibéré des consignes sanitaires nationale internationale, sont autant irresponsable que cynique.
Ces agissements constituent un manquement grave au devoir de protection de la population qui incombe à l’Etat conformément à l’article 5 de la constitution de Mai 2010. Il est évident que l’organisation de ces rendez-vous politiques dans les circonstances qui sont les nôtres, a accru la propagation de la pandémie mettant ainsi en danger la santé de la population guinéenne.
Quid de la première mesure relative à l’état d’urgence sanitaire qui impose un couvre feux à la population de 21 heures à 5 heures du matin. Si à priori, elle semble justifiée, la mesure pose tout de même beaucoup de difficultés dans son application.
Tout d’abord, l’état d’urgence sanitaire déroge à certains droits fondamentaux notamment le droit de mouvement, le droit de manifestation, de réunion et d’association qui sont suspendus pendant la durée de la mesure. Ce qui amène les citoyens à rester confinés chez eux quand on sait que le Guinéen vit au jour le jour.
Ensuite, les forces de défense et de sécurité déployées sur le terrain pour faire observer la mesure se livrent à des exactions et autres actes de cambriolage sur les populations. Ainsi, après Dubréka, Kourémalé et N’Zérékoré, c’est à Hamdallaye, dans la commune de Ratoma à Conakry où des éléments des forces de défense et de sécurité ont encore sévi.
Ainsi, selon les informations reçues, Madame Fatoumata Binta Diallo, une habitante de Hamdallaye accuse les agents de la Brigade Anti-Criminalité (BAC) numéro 4 de l’avoir injustement arrêtée dans la nuit du jeudi 09 avril 2020 et de lui avoir retiré la somme de 200 mille francs guinéens environ 20 dollars avant de la libérer.
La dernière mesure adoptée par les autorités pour rendre le port du masque obligatoire est l’institutionnalisation de la taxe curieusement qualifiée de désobéissance civile. Cette trouvaille est encore une fois de plus, l’une des singularités juridiques propres à la Guinée. En effet, la taxe est la contrepartie d’une prestation fournie par des services administratifs. Par conséquent, on ne saurait imposer une taxe à une personne qui viole un acte règlementaire. Autrement, ce serait une violation de la loi qui contraint les citoyens au paiement illégal de l’argent dont la destination n’est d’ailleurs pas identifiée.
Comme exposé ci-dessus, le président de la République, dans son élan de conservation vaille que vaille du pouvoir, est entrain de saper au jour le jour tous les efforts consentis pour contrer la propagation de la pandémie.
Les morts déjà enregistrés et la vétusté du système sanitaire suscitent de vives inquiétudes de la population face à la progression de la pandémie. Quand on sait que la Guinée a été sévèrement éprouvée par la fièvre Ebola qui y avait tué plus de 2.500 personnes entre 2013 et 2016.
Maître Foromo Frédéric Loua
Président de l’ONG Les Mêmes Droits pour Tous
Etudiant en master, Droits de l’homme et Démocratie en Afrique à l’Université de Pretoria en Afrique du Sud
Mosaiqueguinee.com