On prête au Président Alpha CONDE l’intention de changer la constitution pour briguer un troisième mandat en 2020 à l’âge de 82 ans révolu. Le 3 avril dernier, l’opposition, les syndicats, la société civile ont créé un Front anti 3ème MANDAT, le Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC) en leur sein, Sidya TOURE, député, Président de l’UFR, la deuxième force de l’opposition à l’Assemblée Nationale. Il (Sidya TOURE) a travaillé avec Alpha CONDE plusieurs années avant de retourner à une opposition active. De passage à Paris, il répond aux questions de François Boibouvier.
Christophe BOIBOUVIER : Sidya TOURE bonjour ! Pourquoi ce front contre un éventuel 3ème mandat d’Alpha CONDE ?
Sidya TOURE : Parce que nous sentons qu’il y a des velléités tendant à introduire, parait-il, une nouvelle constitution mais dont l’objectif final est tout simplement d’octroyer un 3ème mandat à Alpha CONDE. Donc nous nous préparons à cela. Et avant d’arriver au référendum, il va falloir introduire un projet de loi à l’Assemblée. Pour avoir l’Assemblée, nous serons là pour nous opposer de manière totalement ferme.
Christophe BOIBOUVIER : Quand le Président Alpha CONDE dit personne en Guinée ne m’empêchera d’aller devant le peuple pour lui demander ce qu’il veut faire, après tout si c’est le peuple qui décide, pourquoi pas ?
Sidya TOURE : le peuple a déjà décidé. La modification constitutionnelle tendant à augmenter le nombre de mandat ou à changer la forme républicaine de l’Etat, se sont sanctuarisés dans la constitution actuelle. Donc le peuple a déjà décidé. En ce qui concerne cette question, nous pensons que nous ne reviendrons pas là-dessus.
Christophe BOIBOUVIER : Mais le peuple ne peut-il pas changer d’avis ?
Sidya TOURE : Pour le moment, ce n’est pas le cas. Nous avons des besoins immédiats en Guinée : avoir de l’électricité, depuis 9 ans avoir de l’eau, avoir l’assainissement. Depuis 9 ans, il n’y a pas une seule ville de Guinée où vous avez une fourniture d’électricité pendant, ne serait-ce que, 12 heures par jour. Voilà les questions qui préoccupent les populations guinéennes.
Christophe BOIBOUVIER : Mais si Alpha CONDE estime qu’il n’a pas terminé son travail aux termes de deux mandats : pourquoi ne pas lui donner l’occasion de solliciter un troisième ?
Sidya TOURE : Je voudrais savoir de quel travail, il s’agit ? A 9 ans de mandats, nous n’avons pas eu une seule université pendant ces 9 ans de construite. On n’a pas un seul hôpital qui a été construit. On ne peut pas vous montrer 200, 300 kilomètres de routes qui ont été réalisées pendant ces 9 années. Nous estimons que le mandat était de 10 ans et qu’il doit être achevé en 2020.
Christophe BOIBOUVIER : Sidya TOURE, aujourd’hui, vous êtes de retour dans l’opposition. Mais jusqu’à l’an dernier vous étiez le Haut Représentant du Chef de l’Etat, est ce que vous êtes crédible ?
Sidya TOURE : Mais, oui, je crois que ça le terrain le prouve tous les jours. Ce que nous avons fait en 2016, c’était pas de retourner dans la mouvance présidentielle. J’étais catastrophé par les cinq premières années du mandat d’Alpha et j’ai souhaité vraiment à apporter ma contribution à faire améliorer un peu les conditions de vie de nos concitoyens. Et j’ai tout fait. Et je me suis rendu compte que le grand paradigme pour lequel je me suis le plus battu : reprendre les recettes minières pour les consacrer au développement de l’économie agricole. On n’a pas pu le faire et puis j’ai préféré me retirer.
Christophe BOIBOUVIER : Plusieurs de vos militants qui ont mené des actions anti 3ème mandat ont déjà été arrêtés. Est-ce que vous ne craignez pas un durcissement du pouvoir ?
Sidya TOURE : Mais j’estime que vous ne pouvez pas organiser dans les quartiers des mouvements pro 3ème mandat et arrêter ceux qui manifestent contre le 3ème mandat. Ça n’a pas beaucoup de sens. De toute façon le moment venu, le front qui a été mis en place et qui représente les forces vives comme Alpha CONDE l’a connues avec nous, ce front sera prêt pour les manifestations que ce soit à Conakry ou à l’intérieur du pays. Je dis, nous serons prêts le moment venu.
Christophe BOIBOUVIER : Alors vous envisagez des manifestations, mais, depuis 9 ans, ces manifestations contre le régime se sont soldées par la mort par balles de plus de 100 personnes. Est-ce qu’en appelant à ces manifestations, vous ne risquez pas de provoquer de nouveaux drames ?
Sidya TOURE : Ecoutez, les gilets jaunes manifestent ici depuis combien de semaines, je n’ai jamais entendu que quelqu’un avait été tué par balle. Si vous manifestez c’est ceux qui vous tirent dessus qui ont un problème dans la mesure où ce sont des manifestations pacifiques. Je pense que nous serons prêts pour aller devant les tribunaux, devant la communauté internationale pour faire comprendre que nous ne sommes plus en démocratie en Guinée. Je crois que l’idée essentielle c’est de faire en sorte qu’une seule personne ne confisque pas l’avenir de 12 millions de guinéens. Nous pensons que dix ans… ça suffit.
Christophe BOIBOUVIER : Sidya TOURE, merci !
Décryptée par Fodé BALDE, Responsable Communication digitale UFR