Les pays de la CEDEAO ont décidé de combiner au processus d’intégration économique régionale encours et l’intégration monétaire dans le but d’intensifier les échanges commerciaux qui les lient, pour le bien-être de leur population.
Il faut noter que cette problématique d’intégration des monnaies locales existe depuis le XIXe siècle en Europe. On rencontrait à l’époque l’union allemande qui regroupait 500 États, l’union monétaire latine qui a disparu en 1927 et l’union monétaire scandinave (1873-1914). Depuis l’innovation dans le système monétaire international par la mise en place des institutions de Bretons Woods, d’autres zones regroupant plusieurs pays ont émergé avec des résultats plus ou moins mitigés.
En termes de zones monétaires, on peut en citer trois types à savoir :
La zone monétaire avec fédéralisme budgétaire incarnée par les Etats Unis d’Amérique
La zone monétaire avec confédéralisme budgétaire telle que la Zone Euro et
La zone monétaire avec arrimage telle que la zone Franc CFA.
Suivant les intérêts des uns et des autres, ces deux dernières zones font l’objet de critiques ou d’approbation quant aux impacts qu’elles produisent sur les économies concernées.
Étant donné que les monnaies locales constituent une limite à l’efficacité de la mobilité des biens et des capitaux à l’international, et pour des raisons d’ouverture et d’efficacité économique ; des États ont choisi l’annihilation de l’effet de flexibilité qui dégrade la balance des paiements mais aussi l’autonomie de la politique monétaire afin d’accroitre la taille des marchés, la production et instaurer la concurrence par la définition des politiques communes (douanière, de marché commun, économique et de libre-échange).
C’est dans cette logique que des autorités de la CEDEAO se sont engagées, dans un premier temps dans une Zone Monétaire de l’Afrique de l’Ouest (ZMAO), avant d’être appuyées par celles des pays de l’Union Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), dans une zone monétaire plus élargie dont l’institution centrale sera dénommée Banque Centrale de l’Afrique de l’Ouest (BCAO) et la monnaie appelée ECO avec pour sigle EC. Ce rassemblement avait pour conséquence, entre autre, la fusion de deux institutions monétaires à savoir Agence Monétaire de l’Afrique de l’Ouest (AMAO) et Institut Monétaire de l’Afrique de l’Ouest (IMAO) pour constituer l’Institut Monétaire de la CEDEAO.
Ce projet a ciblé un certain nombre de critères de premier et de second rangs permettant aux pays membres d’atteindre une situation économique et financière favorable à l’instauration de la monnaie unique sans distorsion sur l’un ou l’autre pays.
Critères de premier rang :
Déficit budgétaire (hors dons) /PIB ≤3% ;
Financement du déficit budgétaire par la banque centrale ≤10% des recettes fiscales de l’année précédente
Inflation annuelle moyenne ≤10 % avec un objectif à long terme ≤5% à partir de 2019 ;
Réserves brutes ≥ 3 mois d’importations.
Critères secondaires :
Le ratio dette publique/PIB ≤70% ;
La variation du taux de change nominal ±10%
Ratio Masse salariale/recettes ≤35%
Ratio Recettes fiscales/PIB nominal ≥ 20%
Taux d’intérêt réel ≥ 0%
Non accumulation des arriérés au titre de la gestion
En termes de suivi, les critères de convergence ont été retenus dont quatre de premier rang et deux de second rang. Cette approche consiste pour les pays prêts, à aller vers la monnaie unique tandis que les autres suivront au fur et à mesure du respect des critères.
Si les critères sont connus et suivis, l’atteinte des objectifs cause un problème majeur dans la concrétisation de l’union. Les écarts constatés ont amené les chefs de l’État à mettre en place un Task Force Présidentielle en Janvier 2014 pour éclairer les chefs d’État.
La quatrième réunion d’Octobre 2017 a permis d’évaluer les recommandations des trois premières réunions précédentes en notant que :
les nouveaux critères sont adoptés par l’Acte additionnel A/SA.01/12/15 du 16 décembre 2015.
la Feuille de route pour le programme de la monnaie unique de la CEDEAO est actualisée. Cependant, sa mise en œuvre n’a pas connu de progrès significatifs, notamment les parties intégrantes des 8 sous-programmes de la feuille de route.
la rationalisation des institutions ainsi que la mise en place de ressources pour financer les activités de la Feuille de route n’ont pas enregistré de progrès.
A la 55ème session ordinaire de la conférence des Chefs d’États et de Gouvernements de la CEDEAO, qui s’est tenue le 29 juin 2019 à Abuja au Nigéria, des instructions ont été données aux Gouverneurs des Banques centrales des pays membres de la zone d’œuvrer pour le lancement de cette monnaie unique, appelée « Eco », en 2020.
Les finalités d’une zone monétaire sont entre autres la mobilité des biens et services, des capitaux, l’élargissement du marché, l’intégration, la concurrence optimale entre les entreprises et la croissance économique. Si ces éléments sont d’ordre positifs, il faut noter que d’autres avantages et inconvenants peuvent être notés par rapport aux conséquences sur un pays membre.
En termes d’avantages liés à une zone monétaire optimale, on peut citer entre autres :
La réduction des coûts liés à la flexibilité du taux de change
La réduction des coûts liés à la spéculation sur la monnaie locale
Le gain en réputation qu’engendrerait la zone monétaire sans oublier les avantages liés à l’atteinte des finalités cités ci-haut
L’appartenance dans une zone monétaire a également des coûts, il s’agit de :
La perte d’outil de régulation en cas de choc asymétrique (n’affectant qu’un pays)
La perte de l’autonomie dans la politique monétaire
Cout lié à l’institutionnalisation de la nouvelle banque centrale y compris le recrutement de son personnel.
Dans une telle situation, les instruments monétaires de régulation deviennent inutilisables par un Etat et son efficacité demeure dans l’innovation qu’il apporte dans sa politique budgétaire.
Compte tenu du type de canal de publication du présent article, nous présenterons dans cette première sorite, les critères de premier ordre, avant de revenir sur les aspects factuels de la problématique dans d’autres articles.
- Le déficit budgétaire
Le déficit budgétaire représente la différence entre l’ensemble des recettes de l’Etat et l’ensemble de ses dépenses. De part et d’autre, il y a des éléments qui influencent le déficit soit en hausse soit en baisse. Il s’agit des dons bénéficiés par le pays qui viennent conforter ses recettes et les engagements de l’Etat sous forme de garantie pour un secteur privé qui approfondissent le niveau du déficit.
Pour la CEDEAO, le déficit budgétaire rapporté au Produit Intérieur Brut ne doit pas excéder 3%. Il doit donc être inférieur ou égal à 3%.
- Financement du déficit budgétaire par la banque centrale
Pour faire face au gap entre les recettes et les dépenses, l’Etat peut faire recours à la banque centrale mais dans une proportion limitée afin d’éviter l’alimentation de l’inflation dégradant ainsi le niveau de vie des citoyens.
Dans le cadre de la ZMAO, il est retenu que ce financement ne doit pas excéder 10% des recettes fiscales de l’année précédente. Ainsi, la Banque Centrale peut contribuer au financement du déficit budgétaire de l’année en cours mais dans la limite d’un montant inférieur ou égal à 10% des recettes fiscales de l’année précédente.
- Inflation annuelle moyenne
L’inflation, définie comme l’augmentation du niveau général des prix de manière durable (six mois), est un indicateur essentiellement pour l’amélioration du niveau de vie des populations. L’augmentation de son niveau implique la baisse du pouvoir d’achat qui dégrade le bien-être économique des ménages. Il est calculé par l’Indice des Prix à la Consommation qui est aujourd’hui harmonisé ou par le déflateur du PIB. L’écart entre les deux méthodes de calcul affiche l’influence des produits importés sur le phénomène inflationniste dans le pays.
Pour la CEDEAO, le taux d’inflation moyenne annuelle ne doit pas excéder 10% (à court terme jusqu’à 2019) et 5% (à long terme à partir de 2019). Autrement, le taux d’inflation doit être inférieur ou égal à 10% jusqu’à 2019 et inférieur ou égal à 5% à partir de l’an 2019.
- Réserves brutes de change
Les réserves de change représentent la quantité de devise que dispose la Banque Centrale afin de faire face aux besoins d’importation. Ces réserves permettent de faire face à l’importation au cas où une crise quel conque limiterait la rentrée supplémentaire de devise.
Comme critère, il est retenu que les réserves brutes doivent être supérieures ou égales à trois mois d’importations des biens et services. Un pays qui se retrouverait dans avec une réserve brute de change inférieure à 03 mois d’importations sera hors cadre.
Mohamed CISSE
Enseignant chercheur
momci2004@gmail.com