‘’Gouverner autrement’’, voici ce à quoi s’engage le président Alpha Condé, dans le cadre du nouveau mandat de six ans, qu’il étrenne à la tête de la Guinée.
Faut-il y ajouter foi ou pas ? Quelles retombées à attendre d’une lutte acharnée contre la corruption et la prévarication des deniers publics ? est-il intéressé par une quelconque nomination ? L’expert et consultant international Barry Diawadou, qui a eu l’insigne honneur d’être invité à la récente cérémonie d’investiture du Chef de l’Etat, s’est confié à Mosaiqueguinee.com, dans une interview à la teneur plutôt intéressante.
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Mosaiqueguinee.com : Bonjour Monsieur Barry ? Vous avez participé à l’Investiture du Président Alpha Condé pour son nouveau mandat. Que retenez-vous de cette cérémonie?
Diawadou Barry : Merci de me donner la parole une nouvelle fois. En effet, j’ai eu l’insigne honneur de faire partie des invités pour la cérémonie de prestation de serment de son Excellence le Président Alpha Condé. Ce que je retiens de cet évènement, c’est la forte présence de nombreuses délégations étrangères qui sont venues en Guinée malgré le contexte sanitaire international et malgré pour la plupart d’entre elles qu’ils étaient passés par la Côte d’Ivoire la veille. Cela dénote vraiment de l’intérêt que l’on accorde à la Guinée sur la scène politique internationale mais aussi sur la scène économique dans la sous-région et au-delà.
Mais aussi je note la détermination du Président de la République de faire passer à la République de Guinée un nouveau cap. Il l’a dit avec une formule très parlante « gouverner autrement ».
Mosaiqueguinee.com : Justement, Monsieur Barry, à votre entendement que veut dire « gouverner autrement » ?
Diawadou Barry : Pour celui qui suit les différentes sorties du Président de la République, il faut remarquer qu’il a été constant tant en conseil des ministres, que devant la presse nationale et internationale.
Un point sur lequel il s’est appesanti tout particulièrement, c’est la corruption et la gestion des deniers publics.
En sociologie, lorsqu’un fait s’inscrit à répétition et qu’il touche une bonne partie de la population observée, l’on parle de phénomène social.
La corruption est un phénomène social. Elle existe partout dans tous les pays, que ce soit en occident, en orient ou en Afrique etc…
Elle peut être plus marquée et présente dans certains coins de la planète parce que les conditions de vie et les revenus ne suffisent pas pour vivre décemment.
D’ailleurs, pour vous prouver que c’est un phénomène international qui ne touche pas uniquement la Guinée, dans le programme du Millenium Challenge Corporation et du Doing Business, vous avez des axes de gouvernance dont les indicateurs sont des variables liées à la corruption.
Je tiens à préciser que le Millénium Challenge Corporation (MCC) est un programme américain pour accéder au fonds MCA selon différents paliers THRESHOLD ou COMPACT ; qui ne peuvent être toutefois atteints que dans la mesure où les indicateurs de gouvernance, de capital humain et de libertés économiques sont améliorés.
De nombreux pays, qu’ils soient pays africains, sud-américains, européens ou asiatiques ont adhéré à ce programme dont la finalité est de bénéficier d’un financement qui peut aller jusqu’à hauteur de 500 000 000 de dollars.
En République de Guinée, c’est le Ministère des Investissements et des PPP qui pilote ce programme. Lorsque vous passez en revue les différents conseils des ministres de 2019 à maintenant, vous pouvez voir que ce Ministère en a fait du programme MCC son principal cheval de bataille.
Aussi, il est aisé de comprendre que le Président de la République veille pour son nouveau mandat à faire de la lutte contre la corruption et la gestion des deniers publics un point essentiel de la nouvelle gouvernance qu’il veut insuffler à la République de Guinée. La lutte contre ces phénomènes pourrait in fine permettre à la République de Guinée de bénéficier d’un fonds non négligeable pour le financement des nombreux projets qu’il entend mettre en branle.
Monsieur Barry, à présent on va évoquer les tares de l’administration guinéenne. Le Président l’a annoncé, il les a dans son collimateur. Vous qui êtes souvent en interaction avec les cadres de cette administration, avez-vous été confronté à des situations difficiles ou l’on vous a fait comprendre qu’il fallait « graisser des pattes » pour que les dossiers avancent ?
En toute honnêteté, non. Les cadres des différentes structures, avec lesquels j’ai eu à échanger dans le cadre de projets sur lesquels je travaille, n’ont jamais eu à conditionner l’exécution des tâches qui leur sont dévolues, par une rémunération informelle ou un « dessous de table ».
Mais, c’est vrai qu’il existe des lenteurs, des lourdeurs qui démotiveraient n’importe quel partenaire désireux de s’impliquer dans le développement économique et social de la Guinée.
Ces freins, autant que le défaut de compétences des acteurs, sont ce que l’on appelle des facteurs négatifs à la capacité d’absorption des projets. Lorsqu’un partenaire donne son accord pour une action visant à débloquer une situation, si le feedback venant de l’administration prend du temps, des mois ou des années, alors les dispositions, la motivation qu’est prête à prendre le partenaire s’amenuisent comme une véritable « peau de chagrin ».
Néanmoins, dans l’administration guinéenne, il existe des cadres intègres qui ont le souci de faire avancer le pays ; qu’ils soient postés à la Présidence, à la Primature, dans les départements sectoriels, à chaque fois que nous les avons interpellés sur un blocage, ils ont diligenté la résolution de la problématique à la source de ces « congestions » administratifs. Pour ce, je tiens à remercier son Excellence Monsieur Premier Ministre, certains de ses ministres et ses hauts cadres de l’administration pour leur capacité d’écoute et pour leur pragmatisme.
D’aucuns disent que votre sortie médiatique en ce moment vise à faire votre promotion pour être nommé par le Président de la République. Qu’en pensez-vous ?
C’est quand même extraordinaire que dès que l’on accepte de se prononcer sur des questions importantes par voie de presse, que l’on pense que derrière cela se cachent des intentions.
Je tiens à rappeler que pour ceux qui suivent la presse en ligne, que j’ai été sollicité par votre site il y a 9 mois de cela pour faire une analyse sur la présence des entreprises françaises en Guinée. Est-ce que cela coïncidait avec un remaniement ministériel ou autre chose du genre ? La réponse est non.
La semaine dernière aussi j’ai été sollicité par un de vos confrères pour faire une analyse sous forme d’interview télévisée sur le décryptage du slogan « gouverner autrement » invoqué par le Président de la République son Excellence le Professeur Alpha Condé.
Si maintenant, il existe une Omerta comme quoi on ne doit pas faire des analyses lorsque l’on est sollicité ; car cela serait synonyme de velléité, alors autant dire que l’on ne veut pas que les compétences et les esprits libres s’expriment dans notre pays.
Vous n’êtes donc pas intéressé par une nomination ?
Je suis connu pour être quelqu’un d’humble, mais pour répondre à cette question, vous m’obligez à déroger à ce sacro-saint principe que je m‘applique dans ma vie de tous les jours.
En toute franchise, mon ADN politique et biologique m’oblige à apporter ma pierre à l’édifice Guinée. En ma qualité, je travaille sur des dossiers très importants pour la République de Guinée. Cela se fait dans le cadre de consultations pour des Etats, mais aussi pour des partenaires institutionnels et privés de la République de Guinée. J’ai un traitement très honorable sur le plan financier et sur celui de la reconnaissance.
Dans le cadre de mes travaux, je travaille directement avec de nombreux hauts décideurs, non seulement de notre pays, mais aussi de pays africains, de pays asiatiques et européens.
D’aucuns pourraient penser que mes analyses sont orientées dans le but d’avoir un poste dans la haute administration guinéenne. Je leur dirai que je n’ai pas ce problème existentialiste. Je me suffis.
Par contre, si les plus hautes autorités pensent que pour des raisons d’efficience, de consolidation du travail effectué, ou simplement pour donner l’impulsion et insuffler une dynamique réelle, il serait opportun que j’intègre un dispositif institutionnel, je ne dirais pas NON ; et ce plus par souci d’efficacité qu’autre chose.
Monsieur Barry, votre mot de la fin ?
Il faut avancer et dépasser les querelles de personnes, les petits calculs et les jugements de valeurs. Nous devons construire un pays d’opportunités pour tout le monde et pour les générations à venir.
Les questionnements tels que : Qui est-il ? Que veut-il ? Quelles sont ses intentions ? Tout cela n’est qu’un faux débat. Les seules et véritables questions qu’il faille se poser sont : qu’apporte-t-il à la réflexion ? Qu’apporte-t-il comme valeur ajoutée par son travail, par ses analyses.
Comme le disait John Fitzgerald Kennedy : « au bout d’un certain moment, ne demande pas ce que ton pays peut faire pour toi, demande ce que tu peux faire pour ton pays ».
Monsieur Barry, merci
Merci à vous.
Interview réalisée par Mohamed Bangoura