Père de six enfants, Alhassane Bangoura est décédé hier lundi 14 mars à la maison centrale de Conakry alors qu’il y séjournait pour une affaire de vole de télé qui n’a « jamais été prouvée ».
Domicilié au quartier Yattayah, c’est dans la matinée du vendredi 18 février dernier que feu Alhassane Bangoura a été arrêté par la Brigade Anti Criminalité N°5 de Nongö.
Selon son avocat Me Sékou Maloud Koita, au moment de son arrestation, qui serait intervenue sur la base du simple témoignage d’une fille de 15 ans, aucun motif ne lui avait été notifié, ni aucune convocation d’ailleurs.
« Il a été arrêté le matin du 18 février lorsqu’il ouvrait le portail pour moi, à mon domicile par la Brigade Anti Criminalité N°5 de Nongö. Ces agents l’ont arrêté sous mes yeux, sans pour autant lui avoir signifié une convocation en bonne et due forme comme l’exige la loi. Je dois reconnaitre que quand je me suis présenté que j’étais avocat, ils ont baissé d’intensité. Je leur ai signifié qu’ils ne pouvaient pas l’arrêté sans lui avoir adressé une convocation, ils ont rétorqué qu’ils sont de la BAC, qu’ils n’ont pas besoin de convocation pour arrêter. Ils m’ont alors demandé de les suivre si je veux, à leur base qui est à Nongö (…). Quand je suis allé un peu plus tard à leur base dans la journée, ils m’ont signifié l’avoir transféré au commissariat de police de Nongö. Avant d’arriver au commissariat, la famille avait décidé de constituer mon cabinet pour défendre ses intérêts dans cette affaire. C’est ainsi, arrivé au commissariat, nous avons eu accès à lui et avons pris part à son interrogatoire », a-t-il explqiué.
En plus d’être son avocat, Me Sékou Maouloud Koita est également l’employeur du défunt.
Selon l’assistant de cet avocat, Fodé Dioubaté qui a suivi l’affaire, de l’interrogatoire préliminaire jusqu’au placement en détention provisoire, plusieurs éléments disculpant leur client ont été notés.
Pire, aucun des témoins cités par les plaignants n’a pu identifier Alhassane comme le voleur du poste téléviseur.
« Quand nous avons écouté les plaignants (une fille de quinze-ans qui le pointe du doigt), nous avons relevé plusieurs incohérences. La fille de 15 ans a dit qu’elle le joignait sur un numéro, mais après vérification des 3 numéros que Monsieur Alhassane utilise, aucun ne correspondait au numéro donné par la fille. Plus que cela, tous les témoins cités par le plaignant qui avaient affirmé que dès qu’ils verront la personne qui a volé le poste téléviseur, qu’ils la reconnaitront n’ont pas pu identifier Monsieur Bangoura. Cela a tiqué la conscience des officiers enquêteurs, mais vu l’entêtement de la famille plaignante et puisqu’il ne les revenait pas la possibilité de mette fin à l’affaire, nous avons été transférés au parquet de Dixinn, mais avec la présence d’une mineure dans le dossier, on a été renvoyé devant le tribunal pour enfant. Quand on a rencontré le procureur spécial de cette juridiction, il a tout de suite affirmé que vu les faits circonstanciés, il opte pour le placement en détention provisoire malgré qu’en enquête préliminaire, toutes les preuves l’ont disculpé. C’est ainsi, avec insistance et malgré l’opposition des avocats et toutes les garanties proposées par ceux-ci, Monsieur Bangoura a été remis aux officiers enquêteurs où il a encore passé la nuit en garde à vue (…). Le lendemain, après avoir écouté la version des deux parties, la juge madame Ramatoulaye Diallo a affirmé qu’elle allait aussi dans le sens du procureur spécial et elle a placé notre client sous mandat de dépôt. Nous en tant que ses avocats, avons écrit une demande de mise en liberté conditionnelle. A notre fort étonnement, c’est la famille qui nous appelle pour nous informer qu’on leur demande le paiement de 10 millions de nos francs pour matérialiser cela. Nous avons tout de suite dit que c’était impossible pour affaire de télé. Après moult tractations et négociations, nous avons proposé 3 millions pour qu’au moins, le Monsieur puisse recouvrer sa liberté. Mais face à cela aussi, on nous a sorti d’autres complications, qu’il fallait que le procureur soit présent (…). Malgré toutes les garanties, ils ont décidé de le maintenir en prison, c’est ce qui nous a conduits à cette situation dramatique », a-t-il expliqué pour sa part.
Aujourd’hui, le décès d’Alhassane Bangoura étant intervenu, la famille représentée par le cabinet de Me Koita, demande à connaitre les circonstances de son décès et la continuation de la procédure pour que la vérité jaillisse.
« Dans cette affaire, il y a eu plusieurs problèmes. Il faut que les officiers sachent qu’on ne convoque pas un citoyen verbalement, il faut signifier au convoqué, les motifs de sa convocation, c’est très important. L’autre principe qui a été violé dans cette procédure, c’est le principe d’équité dans la procédure pénale. Une enquête, c’est à charge et à décharge (…). Aujourd’hui la famille d’Alhassane Bangoura, lui étant décédé en prison, ne demande qu’une seule chose : que son honneur soit lavé et sa dignité recouvrée. Nous demandons de connaitre les circonstances de son décès, mais aussi de continuer la procédure pour que la vérité jaillisse et que son honneur soit lavé », a conclu Me Sékou Maouloud Koita Koita.
MohamedNana Bangoura