La zone Hamdallaye-Bambeto-Cosa longtemps dénoncée comme l’axe ‘’du mal’’ ou ‘’axe du désespoir’’ par certains, ces partisans le clament haut et fort l’axe de la ‘’démocratie’’, garde une réputation sur les manifestations depuis la fin du règne de feu Lansana CONTE de 2008 à nos jours. D’’ailleurs, l’axe s’étend aujourd’hui jusqu’à Kagbelin (commune de Dubreka) en passant par Wanindara-Sonfonia T7 et la Cimenterie.
Aucun gouvernement militaire ou civil soit-il n’a eu le pouvoir et l’autorité suffisants pour faire chuter sa fièvre à travers les répressions les plus féroces ou des nominations à des postes ministériels de certains leaders politiques ayant bâti leur célébrité sur l’axe comme Mouctar DIALLO ou Ousmane Gaoual DIALLO.
En tout cas, les manifestations de la semaine dernière contre l’arrestation de certains acteurs de la société civile précédées par celles du mois passé suite à l’augmentation du prix du carburant à la pompe sur le même axe, n’ont échappées aux yeux de personne d’entre nous. Cependant, cette situation nous interpelle collectivement une fois encore, sur les actions à entreprendre afin de mieux protéger les enfants des conséquences parfois tragiques de ces manifestations de rue.
Sans pourtant remettre en cause les programmes initiés çà et là par les différents gouvernements qui se sont succédé, les partenaires technique et financiers, la société civile et les médias, il est impératif à ce jour, de réaliser un diagnostic très avancé sur les réalités de l’axe, en tenant compte de la chronicité et de la complexité de ses problèmes ainsi que des causes multiples et lointaines associées à d’autres facteurs prédisposants ou favorisants mettant en péril les droits des enfants.
La question de l’axe est loin d’être qu’ethnique même s’il demeure un fief d’un parti politique dont le leader se réclame de l’ethnie majoritaire dans cette zone. Aborder la question de l’axe sous l’angle ethnique nous dépourvoira de solutions appropriées et durables. Nous savons également que c’est sur ce même axe que c’étaient développés les grands mouvements de ‘’clans’’ à l’image de ceux aux Etats-Unis vers les années 2000. A cette époque, il ne s’agissait pas de manifestations politiques mais des groupes de jeunes et d’enfants munis d’armes blanches et parfois même d’armes à feu, s’attaquant mutuellement pour des questions de notoriété disait-on, défiant les forces de sécurité allant jusqu’à l ‘interruption des cours dans des écoles, sous le regard impuissant et coupable de parents et autorités.
On pourrait même s’interroger sur le dynamisme de ces groupes qui se maintiennent stratégiquement et quantitativement, se renouvellent et se propagent depuis une quinzaine d’années ? Mais, « ces associations de jeunes fonctionnent mieux que certains partis politique, elles ont une hiérarchie claire, des élections interne, des caisses d’assurance médicale, etc. » expliquait le chercheur Joschka Philipps au journal Jeune Afrique en date du 17 février 2014.
Quelques problèmes de l’axe :
La croissance démographique incontrôlée exacerbée par l’exode rurale dans un contexte de rareté ou d’absence de services sociaux de base exposent gravement les populations à des faibles capacités de résilience où les enfants demeurent la couche la plus vulnérable. Ces derniers, sans accès à une éducation de qualité, à un logement décent, à des soins de santé adéquats et à une alimentation saine sont réduits parfois à l’exploitation ou abandonnés dans la rue, les exposant à tous les fléaux de la société : consommation des stupéfiants, vol dans les gares-routières, les points d’embarquements et marchés, exploitation domestique et traite, migration…
Ces enfants vivant dans des conditions difficiles sont prêts comme les vaillants soldats à Kidal, et faciles à mobiliser pour ériger des barricades et s’attaquer à des citoyens avant même le premier appel du muezzin pour la prière de l’aube. Il leur suffirait la moindre occasion pour passer à l’action. Des occasions qui ne se font jamais rares : qu’il s’agit d’un appel à manifester lancé par les politiciens, ou suite aux délestages électriques jusqu’à une augmentation du prix du carburant, même un accident sur la voie publique… J’en passe !
Visiblement, on déplore l’absence de l’Etat dans le préventif à travers la création des services sociaux de base et des structures d’accueil et d’intégration des enfants en situations difficiles dans cette zone. Le pire, la méfiance et le mépris de l’axe l’enfoncent de plus en plus dans le mal au point que si des actions concrètes ne sont pas envisagées immédiatement, le mal risque de se peaufiner davantage en élargissant son périmètre, entrainant d’autres enfants dans la même situation. Force est de constater aussi que nous sommes privés de toute transaction bancaire après Hamdallaye jusqu’à Enco5 par défaut d’une agence ! cela dénote le niveau élevé de l’insécurité dans la zone qui est interdite de passage même par certains étrangers en séjour dans notre capitale.
Quelques interventions et leurs limites :
Les interventions n’ont pas manqué en faveur des jeunes de l’axe : du projet d’opérationnalisation du dividende démographique dans les quartiers de hamdallaye, Bambeto et Cosa au programme d’appui à l’intégration socio-économique des jeunes (INTREGA) renforcés par des campagnes de sensibilisation sont remarquables.
Le premier a été initié par le ministère de la jeunesse et de l’emploi des jeunes du gouvernement précédant sur appui du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) à hauteur de 170 000 dollars, soit une valeur financière d’environ 1 milliard 500 millions de francs guinéens (selon oceanguinee.com du 17 janvier 2019). Il visait le renforcement de la santé et le bien-être, l’éducation et le développement des compétences, l’emploi et l’entreprenariat des jeunes/femmes, et la gouvernance locale. En l’absence d’un rapport d’évaluation de ce programme pilote, on peut constater que la cible du projet portant sur les Groupements d’Intérêts Economiques (GIE), donc les jeunes, n’affectait pas directement ces enfants qui sont souvent les victimes des violences lors des manifestations.
Si le second projet (INTREGA) visait la prévention et la limitation de la migration irrégulière, la réintégration des migrants de retour et l’insertion socio-professionnelle durable de la couche juvénile, il serait important à mon avis de centrer des actions dans la zone de l’axe qui visiblement aurait des cibles de départ très critiques par rapport à d’autres zones de la capitale. En plus, dans les actions pour la limitation de la migration qui s’inscrivent dans la prévention, la prise en compte de la protection des droits des enfants en situations difficiles doit être prioritaire.
Quant aux campagnes de sensibilisations, une Plateforme des jeunes leaders pour la Démocratie et le Développement (PJDD) a regroupé une trentaine de leaders représentant plus de 15 organisations de jeunesse évoluant le long de l’axe Hamdallaye-Bambeto-Cosa-Wanindara-Sonfonia-Cimenterie-Kagbelin. Avec pour rôle de fédérer les jeunes de Guinée autour de la construction sans violence d’un Etat de droit. Cette plateforme est née en septembre 2016 sous l’impulsion du projet de paix Guinéo-Allémand ‘’la Baïonnette intelligente’’. Un avantage majeur de cette plateforme est qu’elle collabore avec les organisations formelles et informelles en plus des autres acteurs. Cependant, les enfants sont souvent en marge des organisations formelles et ne sont pas préalablement identifiés pour être atteignables par les interventions de la plateforme. Les questions des moyens techniques et financiers pourraient être des défis dans la prise en compte des enfants désorientés et abandonnés dans ces quartiers.
Propositions de solutions :
Il est important d’abord de souligner la responsabilité collective qui nous incombe tous dans la protection des droits de enfants : parents, Etat, société civile, politiques et l’ensemble des citoyens.
S’il faut se réjouir des interventions de certaines institutions et Organisations non-gouvernementales à l’image de SOS villages d’enfants, Childfund, le Fonds des nations Unies pour l’Enfance (UNICEF) qui ont un rôle d’appui et d’accompagnement de l’Etat, il est important que ce dernier aussi renforce davantage ses politiques et dispositifs de protection des droits des enfants au-delà des textes.
Des actions pourraient porter sur :
- la création des services sociaux de base indispensables à l’amélioration des conditions de vie des populations en générales et les enfants en particuliers;
- mettre en place des programmes d’accompagnement des enfants en situations difficiles vivant dans la zone de l’axe. Pour ce faire, ces enfants devront être identifiés, des centres d’accueils seront mis en place, des équipes pluridisciplinaires seront constituées (Assistants sociaux, éducateurs spécialisés, psychologues, sociologues, juristes, professionnels de santé…) ;
- capitaliser les acquis et expériences des programmes antérieurs et en cours afin de renforcer ou réadapter les stratégies d’interventions en faveur des jeunes et enfants de l’axe.
Agissons tous, pour la protection des droits des enfants sur l’axe et en Guinée.
Mamadou Oury SIDIBE
Assistant social
Téléphone : +224 666 57 00 68