La junte guinéenne est sous sanctions depuis le week-end dernier. Bon nombre de cadres seront confrontés au gel de leurs avoirs financiers, mais aussi seront contraints à ne pas quitter le territoire guinéen.
Le manque de coopération des militaires au pouvoir est en quelque sorte, le motif invoqué par les chefs d’États ouest-africains en prenant cette décision.
D’ailleurs, plusieurs analystes guinéens estiment que le Comité National du Rassemblement pour le Développement a toujours du mal à s’adapter au langage diplomatique, d’où ces déclarations caustiques à l’endroit de certaines personnalités à travers le continent.
A la faveur d’un entretien accordé à notre rédaction, Tierno Monénembo a donné son point de vue sur les sanctions infligées à la Guinée par la CEDEAO et l’annonce de la mise en place d’un nouveau cadre de dialogue inclusif par le gouvernement de transition.
Lisez plutôt !
Mosaiqueguinee.com: M. Tierno, à la surprise générale, le président de la transition a décrété la mise en place d’un nouveau cadre de dialogue inclusif excluant la communauté internationale. Comment comprenez-vous cette décision du Colonel Mamadi Doumbouya?
Monénembo: une décision qui va dans le droit fil de Mamadi Doumbouya : faire miroiter une transition honnête aux yeux éblouis des Guinéens et de la communauté internationale alors qu’il ne cherche qu’à gagner du temps pour pérenniser sa dictature. On en est déjà au 4ème voire 5ème cadre de dialogue. Peut-être qu’au 20 -ème, les Guinéens se rendront enfin compte du terrible piège dans lequel cette lamentable junte les a pris.
Umaro Sissoco Embalò a récemment déclaré aux médias français qu’il est inacceptable que la transition guinéenne dépasse les 24 mois. Une déclaration qui provoqué l’ire de la junte. Le Colonel Amara Camara a qualifié les propos du président de la CEDEAO d’irresponsables. Le premier ministre a également tenu des propos péjoratifs à l’endroit de cette grande personnalité. Pensez-vous que c’est la bonne stratégie?
Non, ce n’est pas la bonne stratégie ! Ce n’est surtout pas le bon discours. Notre Premier Ministre doit savoir que quand il ouvre la bouche, il ne parle pas en son nom mais au nom d’un gouvernement fût-il de transition. Un chef de gouvernement n’a pas à traiter un président étranger de guignol. C’est petit, c’est grossier, c’est vulgaire ! En d’autre temps, cela aurait valu une déclaration de guerre. Quant à la sortie de votre fameux colonel, elle ne m’étonne pas du tout. J’y vois le ton fielleux (…) propre à Sékou Touré. Tant pis pour la Guinée si nos dirigeants confondent si facilement le langage des chancelleries et celui de la rue. Ce charivari est d’autant incompréhensible que le président Embalò est parfaitement dans son rôle. II n’a fait que rappeler à l’ordre une brebis galeuse. Car une transition de 36 mois n’en est plus une, cela équivaut à un mandat présidentiel gratuit, donc à une escroquerie politique et morale. Le président de la CEDEAO fait que lire la Convention idoine et la Charte Africaine de la Démocratie, des Élections et de la Gouvernance, documents sur lesquels la Guinée a librement apposé sa signature. Malheureusement, nos dirigeants n’ont aucun argument à avancer, ils n’ont que des injures. La Guinée n’a rien à gagner à se mettre à dos la Communauté Internationale. II ne faut pas confondre dignité et fanfaronnade.
D’ailleurs, quelques jours après cette sortie, les dirigeants ouest-africains ont exécuté leurs menaces. Réunis en sommet extraordinaire à New-York, le 22 septembre dernier, ils ont décidé de procéder au gel des avoirs financiers de plusieurs cadres du gouvernement de transition. Ce n’est pas tout, les concernés sont aussi interdits de voyager. Dites-nous comment vous accueillez cette démarche de la CEDEAO?
Ce sont des sanctions raisonnables pour l’instant. On donne à notre junte le temps de se rétracter, de revenir à la raison. Pour l’instant, elles ne touchent pas la vie quotidienne de nos concitoyens. Nos dirigeants doivent assouplir leur position avant qu’elles ne s’endurcissent. La fermeture des frontières terrestres, aériennes et portuaires aurait des conséquences dramatiques pour notre peuple. Mais il est vrai que le sort du peuple est le cadet des soucis des gradés qui nous gouvernent.
Les chefs d’Etats annoncent d’ailleurs la prise de nouvelles sanctions plus sévères à l’encontre de la junte. De votre avis à quoi les guinéens peuvent-ils s’attendre désormais?
Des sanctions plus sévères sont inévitables si la Guinée persiste dans son entêtement. Le Mali est déjà passé par là et ce pays a dû modestement emprunter le chemin de la négociation pour assouplir son devenu intenable. J’espère que nos dirigeants feront pareil et qu’ils ne choisirons pas d’affamer notre peuple.
A l’allure où vont les choses, quelles autres pistes de solutions avez-vous à proposer au CNRD mais aussi à l’ensemble des acteurs de la vie nationale?
Il n’y a pas d’autre solution que celle de prendre la transition au mot. Vous me donnez là l’occasion de tordre le coup à une fausse idée largement répandue par les temps qui courent, celle du contenu de la transition. Par principe, la Transition n’a pas de contenu. Le seul et unique contenu d’une transition, c’est d’expédier les affaires courantes et d’organiser des élections régulières. La Transition se définit par sa brièveté. Une Transition qui s’éternise n’en est plus une.
Entretien réalisé par Hadja Kadé Barry