Face à un Président et un Tribunal patients et sereins, le procès des événements malheureux du 28 septembre 2009 produits au stade du même nom et qualifiés de crimes contre l’humanité passionne l’opinion nationale et probablement internationale. Notamment depuis que le Commandant Aboubacar Sidiki Diakité Toumba est à la barre. Si la version des faits digne d’intérêt de son ancien aide de camp indexe directement et accable fortement le Président de la junte du CNDD, et en attendant sa comparution, on peut d’ores et déjà présumer que le Capitaine Moussa Dadis Camara est aussi victime… non moins responsable.
Difficile sinon impossible de dire si le Président du CNDD, en cette nuit des longs couteaux, était réellement sincère quand dans sa déclaration de prise du pouvoir, il a promis de rendre, 2 ans après la Transition qu’il entamait, le pouvoir aux civils. Mais, le relatif jeune officier que les Guinéens et le monde, sur le petit écran, découvraient dans la nuit du 22 au 23 décembre 2008, après l’annonce du décès du Président Lansana Conté, annonçant la prise du pouvoir par le CNDD, était un Homme de grande générosité, sensible à la souffrance et aux maux de ses compagnons d’armes et généralement du citoyen anonyme Guinéen. Le Capitaine Moussa Dadis Camara, qui devenait ainsi le nouveau Président Guinéen, était tout sauf un être violent. Grognard, vindicatif, émotif certes, mais il était profondément humain. D’ailleurs, cette qualité explique en grande partie l’adhésion des soldats à la cause de son ascension suprême contre celle des officiers généraux et supérieurs plus gradés et plus fortunés très proches de leurs intérêts personnels sinon égoïstes.
Si les témoignages de Toumba qui ont le mérite de la clarté, donc facilement vérifiables, rendant cet homme et les siens responsables des crimes et viols commis le 28 septembre 2009 au stade du même nom retracent réellement le film des événements tels que déroulés, ils paraissent cependant comme une partie de la vérité. Ils, les témoignages de Toumba, ignorent ou méconnaissent les artisans complices de son ancien patron dans sa tentative de conservation du pouvoir absolu.
Logiquement, l’analyse intellectuelle devrait pourtant aller plus loin que la prestation du Commandant Aboubacar Sidiki Diakité alias Toumba dont le niveau intellectuel et la connaissance du Livre Saint ont fortement impressionnés les Guinéens et les africains.
Cepensant, authentique ou non, il convient de faire remarquer que l’art narratif du Commandant Aboubacar Sidiki Diakité Toumba est exclusivement axé sur l’aspect répressif de la manifestation du 28 septembre 2009. Sans doute que la comparution du béret rouge le plus imagé dans l’ombre du chef de la junte du CNDD d’alors, superstar dans l’opinion, va beaucoup aider le tribunal dans son difficile exercice de reconstitution des faits et d’identification des dignitaires militaires présents au stade du 28 septembre en ce jour particulièrement douloureux pour la Guinée. Mais, ceux qui sont accusés aujourd’hui d’avoir réprimé les manifestants à cause de leur présence au stade du 28 septembre sont-ils avec le Capitaine Moussa Dadis Camara, les seuls et uniques responsables et coupables des crimes et viols de ce jour macabre ?
Pourquoi la manifestation de l’opposition le 28 septembre ?
Qui sont les cerveaux de la volte-face du Capitaine Moussa Dadis Camara ?
Qui sont ceux qui ont incité, encouragé ou rassuré le Président du CNDD dans son élan de revirement ?
Si à méditer intimement sur ces questions et tant d’autres, le Capitaine Moussa Dadis Camara pourrait se remémorer sur les moments de sa puissance et comprendre davantage aujourd’hui que l’argent et le pouvoir ne sont guère des éléments sérieux de mesure de la sincérité, il serait utile que les différentes parties au procès élèvent le niveau du débat et remontent aux origines de ce crime.
Seul avec ses proches biologiques pour répondre des crimes perpétrés pour la conservation d’un pouvoir dont ils sont loin d’être les exclusifs bénéficiaires, le sort de l’ancien numéro 1 du CNDD est pathétique. Il n’est pas forcément juste.
Au Rwanda comme ailleurs où des crimes contre l’humanité ont été commis, les cerveaux ont été identifiés, jugés et condamnés. Pas uniquement, les exécutants.
Le Tribunal de Dixinn dans le dossier des massacres du 28 septembre 2009 ira-t-il aussi dans ce sens?
Pour le moment, rien n’est moins sûr. D’autant que contrairement aux autres pays, les enquêteurs sur le 28 septembre, sur le plan local et international, ont focalisé les investigations sur le Capitaine Moussa Dadis Camara et sa garde, sans pour autant aller en profondeur des éléments et faits déclencheurs de cette manifestation ensanglantée par la folie humaine.
En ce sens, ce procès devrait être celui de tout un régime pour mettre fin à jamais à un système, à une méthode de comportement opportuniste systématique grave des gouvernants et de l’élite Guinéenne ou celle perçue comme telle consistant à la mystification sinon à la Déification des Présidents en fonction. Qui, ce sont des êtres humains, finissent par se croire tomber du ciel avec tous les dégâts et conséquences que cela suscite.
En plus de sa responsabilité personnelle, le Capitaine Moussa Dadis Camara est également victime de ces démagogues opportunistes marchands d’illusions aujourd’hui à l’abri des poursuites. Il serait certainement utile que le Tribunal ne se limite pas à ceux qui étaient au stade, en intégrant le fait que si l’opposition a tenté de manifester le 28 septembre, c’est que le chef de la junte avec des caciques du CNDD et autres opportunistes ont voulu dévoyer la démocratie et confisquer le pouvoir. La présence ou non à Conakry ou au stade ne sont pas forcément suffisants pour disculper sa responsabilité et se soustraire de la justice. Le Tribunal appréciera comme on le dit.
En attendant, si, Alpha Condé est bien le premier Président Guinéen déchu et humilié de son vivant, le Capitaine Moussa Dadis Camara est le premier à être détenu et traduit devant un Tribunal.
Où sont-ils, tous ceux qui encourageait ou soutenaient ces 2 anciens Présidents sur le fatal chemin de la dérive ?
Ceux qui chantaient le droit du Capitaine à la legitimisation avant de magnifier « le 1er mandat de l’énième inconnue République ».
Abdoulaye Condé