Ça a paru comme une chose banale. Ce lundi 10 juillet, on apprenait en fin de journée, l’effondrement de deux immeubles sur le chantier géré par l’AGUIFIL. On était alors dans les environs de 17 heures. Cinq personnes présentes dans ces immeubles, tous des ouvriers, se retrouvent piégés sous les décombres . Elles attendaient désespérément d’être sauvées. Sauf que dans le bled, la vie a peu de valeur. La preuve, les secours vont se faire trop discrets. Pas plus d’une machine sur le terrain. Les personnes sous les décombres sont alors condamnés à mourir à cause du peu d’attention des autorités, disons-le. Du moins c’est ce qui se dit. Sur les lieux et en dehors du chantier, ailleurs dans la capitale, exceptées les agitations impuissantes des populations pour la plupart des badauds, l’Etat ne se mobilise point. Tout se passe normalement comme si ne s’était passé dans le pays. Et pourtant, sous d’autres cieux, en pareille situation, tout s’arrête pour se tourner vers ce drame. Mais chez nous, mêmes les médias l’évoquent à peine. Il n’en parlent que brièvement. C’est la société guinéenne qui a besoin d’être pansée en profondeur. Et, en toute logique, ces innocentes personnes à la recherche du quotidien, vont mourir les unes après les autres. Et c’est après seulement que les messages de compassion au gout révoltant tombent.
Ce qu’il faut savoir sur le chantier et le contrat
Le chantier en question est un ancien site qui abritait la société française Nord France. C’est d’ailleurs le nom que porte la cité.
Au départ de cette société, l’Etat a ramené le domaine dans son portefeuille avec comme perspective de le viabiliser afin de faire face aux problèmes de logements sociaux auxquels le pays est confronté. Une agence appelée AGUIFIL, est d’ailleurs créée pour traduire cette intention dans les actes. C’est elle qui va passer les contrats, notamment celui qui lie l’Etat à l’entreprise adjudicatrice MAK BTP. C’était en 2020. Et c’était dans les conditions assez floues et totalement méconnues du grand public. Ce qui en soi n’est pas étonnant, quand se cache derrière l’entreprise en question un nom peu connu dans le domaine de BTP, en l’occurrence Kalil Condé connu sous le nom de Kalil Tinkistore. Donc, le profil pose problème. Mieux, le patron de l’entreprise était l’époux de Zenab Nabaya, du nom de l’ancienne toute-puissante ministre de l’Enseignement technique qui a amené le Président d’alors, Alpha Condé, à défier sa formation politique qui était hostile au maintien de cette dame dans le gouvernement. Ça veut donc tout dire, sans être certain.
Dans ce contrat, l’entreprise contractante devrait construire des logements sociaux sur les 2/3 du domaine, le tiers restant lui revenant. Là-dessus, elle devrait y développer son activité immobilière, en y construisant, à son compte, des bâtiments de haut standing. Justement, ce sont deux bâtiments de haut standing en construction qui se sont effondrés.
La responsabilité de l’entreprise, de l’AGUIFIL et de l’ACGP engagée.
Pour dire vrai, le premier responsable de ce tragique accident est l’entreprise. Un spécialiste interrogé est catégorique, en nous faisant remarquer que l’entreprise n’a pas fait bien l’étude de faisabilité, en prenant tous les paramètres en compte, y compris le dosage et la qualité des matériels utilisés. Puis l’AGUIFIL et l’ACGP qui ont manqué à leur devoir. Celui qui consiste obligatoirement à coller à l’entreprise une mission de contrôle qui aurait pu détecter toutes ces anomalies, mais hélas !
En attendant la fin des investigations qu’on souhaite sérieuses et non bâclées, les coupables parfaits aux yeux de l’opinion, ne sont autres que le trident : entreprise, AGUIFIL et ACGP, les maîtres d’ouvrages.
Mognouma Cissé