Dans le cadre de ce qu’il convient d’appeler « refondation de l’État » par le CNRD, nous observons avec beaucoup de surprises des pratiques de gouvernance qui ne reposent sur aucun paradigme en matière de gestion publique à l’instar du fameux concept de permutation entre directeurs pour pallier le manque de résultats apparent.
Avec la valse des ministres à la primature pour se faire évaluer, des interrogations voire des inquiétudes subsistent tant sur la forme que sur le fond. S’agit-il d’un simple suivi des lettres de mission assignées à chaque département? Quels sont les Keys Performance Indicator (KPI) ou indicateurs de performance? Puisqu’on évalue à la fois les résultats et les moyens (financiers, humains, matériels…) mobilisés, le CNRD a-t-il mis suffisamment de ressources à la disposition des chefs des différents départements pour mener à bien leurs missions respectives? Sachant que la plupart de leurs collaborateurs (membres du cabinet, directeurs et autres) ont été choisis par le palais. Le niveau de défiance et de cohésion en dit long sur la nature des collaborations dans l’administration publique guinéenne.
Il faut dès l’entame dissocier l’évaluation des politiques publiques du suivi et de l’évaluation de la performance gouvernementale qui à mon sens est une des inventions de l’ère CNRD.
Pour le premier, il s’agit d’une démarche voire d’un domaine professionnel à part entière à l’image de l’audit et conseil mais avec ses spécificités.
En effet, on fait référence ici à un outil au service de la réforme et de la modernisation de l’État qui permet, entre autres, de rationaliser l’action publique aux moyens d’interventions juridiques, administratifs ou financiers mis en œuvre afin de produire les effets attendus et/ou d’atteindre les objectifs assignés.
Cela étant, bien avant de parler de contrat de performance, des préalables existent et la méthodologie doit suivre l’évolution de l’action publique.
À cet égard, l’évaluation des politiques publiques vise à répondre à trois interrogations principales :
-Comment fonctionne la politique publique qui est composée de l’ensemble des actions mises en œuvre (projets, programmes publics) et quels en sont les effets?
-Ses effets ou impacts (sociaux, économiques, environnementaux) sont-ils à la hauteur des objectifs?
-Faut-il changer ou améliorer ? Et comment?
Sommairement, il existe l’évaluation ex ante qui précède la mise en œuvre de l’action. Elle correspond à la phase de réflexion et de conception qui vise à déterminer la pertinence de l’action et les ressources financières nécessaires à sa mise en œuvre.
L’évaluation ex temporel qui intervient pendant la mise en œuvre et dont l’objectif est de s’assurer de la cohérence, de l’efficience, de l’efficacité, pour permettre au besoin d’améliorer la performance des décideurs publics.
Enfin, l’évaluation ex post qui a lieu après l’exécution de la politique publique et permet de mesurer essentiellement les impacts de l’action sur les bénéficiaires, et son efficacité.
Bref, les principaux critères d’évaluation reposent sur les éléments suivants :
Les effets constatés sont-ils conformes aux objectifs initiaux?
La pertinence des objectifs est-elle en phase avec la réalité sociale?
La cohérence de la mise en œuvre de la politique et les moyens sont-ils en adéquation avec les objectifs ?
L’efficacité : les effets sont-ils à la hauteur des objectifs?
L’efficience : les effets sont-ils à la hauteur des coûts?
Pour revenir à cette évaluation gouvernementale, elle devrait être confiée à la cour des comptes ou l’Inspection Générale d’État à défaut d’un haut conseil de l’évaluation et de la recherche constitué d’experts aux profils diversifiés et complémentaires (experts des domaines de l’économie, des sciences sociales, de l’environnement, des statistiques etc.). Elle devrait surtout s’inscrire dans la durée et être réalisée à intervalle régulier.
La question que même les non-initiés pourraient se poser est de savoir si le Premier Ministre Gomou s’entoure de toutes les expertises transversales lui permettant d’apprécier l’action gouvernementale à travers des entretiens même accompagnés de dossiers produits par les départements évalués?
Ce court article n’a pas la prétention de faire le tour des enjeux du suivi et de l’évaluation de l’action gouvernementale. Il vise plutôt à attirer l’attention du gouvernement et du CNRD sur le fait que quelques soit leur bonne volonté, lorsqu’on se trompe de méthodologie, on fausse ou biaise de facto les résultats escomptés.
Aliou SOUARE