Le coordinateur du groupe éducatif la Renaissance (GER) Ibrahima Bah, dans une interview accordée à votre quotidien numérique Mosaiqueguinee.com, a vanté la portée des transformations profondes menées par cette école depuis une vingtaine d’années, dont le programme d’éducation financière et c’eux liés aux métiers. Lisez plutôt !
1-Parlez-nous de votre école ?
Le GER, (Groupe Éducatif la Renaissance) a ouvert ses portes en l’an 2000 au quartier Komoyah de Kindia. Le GER fut fondé comme un établissement d’enseignement technique ayant vocation à apprendre des métiers aux élèves, en plus du travail manuel. Malheureusement, l’environnement communautaire et l’entêtement populaire nous obligeâmes à nous focaliser sur l’enseignement général. Au début, nous pensions qu’en produisant des diplômés d’un excellent niveau académique, ceux-ci pourraient, d’une manière ou d’une autre, tirer leur épingle du jeu une fois arrivés sur le marché de l’emploi. Hélas, nous avions tort. Cette philosophie ne pouvait fonctionner que dans un pays où la méritocratie serait érigée en règle absolue et où les meilleurs seraient prioritaires lors des recrutements, ce qui n’est point le cas en Guinée. Corruption et népotisme aidant, être le meilleur ne signifie plus rien. Tout ce qui compte, c’est d’avoir les bonnes relations et de connaitre les bonnes personnes. Nous avons donc réalisé que si nous ne changions pas de modèle, nous serions condamnés à former, année après année, de futurs chômeurs.
2- Dans vos programmes d’enseignement, vous avez inclus l’éducation financière, l’entrepreneuriat, qu’est-ce qui justifie cette réforme ?
L’école guinéenne ressemble aujourd’hui à une vieille usine produisant des cassettes audio et vidéo alors que le monde est à l’ère du numérique. Cette métaphore que seuls les plus de 30ans comprendront résume malheureusement l’impasse dans laquelle se trouvent de nombreux pays de l’Afrique francophone. Notre système éducatif, pâle copie du modèle français, en a malheureusement décuplé les tares. Tous nos diplômés sont formatés pour aspirer à une vie de fonctionnaire : ‘’ Je m’assois et l’Etat s’occupe de moi ! ’’ Problème, qu’il s’agisse d’anciens bons élèves ou de nullards, la destination est désormais la même : le chômage ou la débrouille. Il est désormais admis que dans notre pays, l’enseignement général ne fabrique que des candidats au chômage ou à l’exil. Dans toutes les civilisations du monde, l’instruction a toujours eu pour objectif principal d’aider les individus à s’insérer de manière optimale dans le tissu socioéconomique de leur communauté. L’école est censée nous apporter la réponse à la question ‘’Que vais-je bien pouvoir faire de ma vie ?’’. Est-ce le cas chez nous ? Malheureusement NON ! Les jeunes (exception faite de ceux qui se destinent au métier d’enseignant) quittent systématiquement les bancs du lycée (ou de l’université) avec la même interrogation : ‘’Et maintenant que vais-je pouvoir faire comme travail ?’’. En 2023, Plus de 95% des jeunes guinéens se déclarant ‘’Chômeurs’’ sont diplômés de l’enseignement général. Est-ce une coïncidence ? Nous pensons que non. Notre école produit de petits mandarins n’ayant jamais appris à se servir de leurs 10 doigts. L’aliénation mentale de la population a malheureusement contribué à accentuer le problème. D’une manière générale, le travail manuel est méprisé et tous, parents ou enfants, intellectuels ou analphabètes, glorifient les emplois ‘’ Stylo en main, cravate autour du cou et bureau climatisé ‘’. Peu importe l’explosion du chômage, les mentalités et les aspirations restent inchangées : tout le monde veut bosser dans un bureau et considère comme dégradante toute activité nécessitant de suer sous le soleil pour gagner sa vie. Notre groupe Educatif la Renaissance a compris que la lutte contre le chômage des jeunes diplômés de l’enseignement général devait commencer sur les bancs du collège. Nous avons donc depuis 2021 entamé une petite révolution dans notre mode de fonctionnement. Nous avons introduit et rendus OBLIGATOIRES à partir de la 7e année, l’enseignement technique et l’éducation financière. En plus du cursus normal de l’enseignement général (Bepc, Bac etc.), nos enfants s’initient désormais à l’électricité du bâtiment, à la mécanique, aux métiers de l’informatique, à l’éducation financière et à la création d’entreprise.
Quatre heures par semaine, les collégiens du GER font la navette entre deux ateliers : mécanique et électricité générale. Jusqu’en 9e année, ils apprennent tour à tour chacun de ces métiers. Une fois au lycée, ils pourront s’ils le souhaitent se spécialiser dans l’une ou l’autre branche. Le cours d’informatique, obligatoire lui aussi, a deux grands axes. De la 7e en 9e, les élèves se familiarisent avec l’outil et se consacrent à la bureautique (Word, Excel etc.) Une fois au lycée, il est question de les initier aux métiers de l’informatique (programmation, bases de données, maintenance Hardware et Software)
Notre ambition est simple : leur donner le choix. Si leur diplôme universitaire ne leur permet pas de gagner leur vie, leurs compétences techniques le leur permettront.
3- À date, parvenez-vous à convaincre les parents d’élève sur la nécessité de faire accepter ces programmes aux élèves?
Les parents d’élèves, bien que ravis de l’initiative, se sont malheureusement montrés réticents à l’idée de financer l’enseignement technique pour leurs enfants. Qu’il s’agisse de la précarité ou du manque de clairvoyance, de nombreuses raisons peuvent expliquer cette attitude. Par chance, notre fondateur a accepté de rendre pour l’instant gratuit l’apprentissage des métiers. L’ouverture des ateliers n’a donc pas modifié les frais de scolarité au GER. La grande faiblesse de notre initiative reste le manque de communication autour. Notre philosophie est unanimement saluée, mais en dehors de Kindia, nous sommes de parfaits inconnus. Toutes les écoles privées du pays vendent à peu près la même chose : ‘’ Chez nous, votre enfant réussira aux examens nationaux ‘’. Au GER, nous allons plus loin et disons : ‘’ En mettant votre enfant chez nous, VOUS AVEZ LA GARANTIE DE NE PAS INVESTIR SUR UN FUTUR CHÔMEUR ! ‘’
4-Qu’en est-il du votre programme ‘’How To Get Rich’’* ?
Il s’agit de notre cours d’éducation financière et d’initiation à l’entrepreneuriat. Prévu au départ pour n’être dispensé qu’au personnel enseignant du GER, ‘’How To Get Rich’’ fut ardemment sollicité par les élèves, et pour cause : tous rêvent de devenir riches, mais n’entendent jamais parler d’argent ou d’investissement. On leur dit que venir à l’école est censé leur garantir un avenir radieux, mais jamais, de la maternelle à la dernière année universitaire on ne leur parle de l’argent. Comment le gagner, comment le gérer et encore moins comment le faire fructifier. Nous fûmes d’avis que le meilleur moyen de ‘’Fabriquer des milliardaires’’ était d’introduire ces notions le plutôt possible. Ainsi, depuis maintenant 3ans, nos élèves bénéficient dès la 7e année de cette introduction à l’éducation financière et à la création d’entreprise.
5- Pour les prochaines années quelles sont vos perspectives?
De même que son fondateur, le GER a toujours été habité par un optimisme et une foi inébranlables dans l’avenir de notre jeunesse. Notre pays n’est pas condamné à être le champion des occasions ratées. Vaincre le chômage endémique des jeunes issus de l’enseignement général est possible et c’est la mission que nous nous sommes fixés. Nous prévoyons de diversifier notre offre en ouvrant, année après année, de nouveaux ateliers : soudure, froid et climatisation, électronique etc. Pour se faire, nous lançons un appel à tous les praticiens désireux de transmettre leur savoir. Nous avons les locaux, il ne nous manque que des formateurs. Notre ambitieux projet d’initiation aux métiers de l’informatique nécessitera lui aussi le recrutement de formateurs motivés et compétents. Le rôle de la diaspora sera très déterminant dans le rayonnement de ce projet qui, nous l’espérons, deviendra bientôt la norme et non l’exception. A terme, nous envisageons d’obtenir l’autorisation de délivrer des diplômes et des certificats reconnus par l’Etat.
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