Inondations à Coyah, dialogue politique, intervention militaire au Niger, Dr Faya Millimouno se confie dans un entretien qu’il a accordé à la rédaction de Mosaiqueguinee.com. Le leader du parti Bloc Libéral se dit opposé à une éventuelle intervention militaire et la qualifie de grosse bêtise. S’agissant des inondations survenues à Coyah, l’homme politique propose des solutions à court et moyen terme et évoque le futur mémorandum des partis politiques ayant pris part au dialogue politique avec organisé par la junte militaire du CNRD. En ce qui concerne la durée de deux ans de transition, Faya Millimouno souhaite qu’elle soit respectée.
Interview !
Mosaiqueguinee.com : Bonjour Dr Faya Millimouno ? De graves inondations sont survenues à Coyah le dimanche 06 aout 2023, on apprend qu’elles ont fait un mort. Que vous inspire cette catastrophe devenue récurrente à chaque saison des pluies dans cette préfecture ?
Dr Faya Millimouno : Je présente mes condoléances à la famille de la victime et partager la douleur de toutes les familles qui sont victimes de cette inondation parce que c’est beaucoup de familles. Même si on n’a pas encore des chiffres, mais il doit y avoir un grand nombre de familles affectées par ces inondations. Ça pose toute la problématique du développement de l’immobilier dans notre pays. Il y a des zones qui peuvent faire l’objet d’inondation, on ne tient pas compte de cela. On a des immeubles qui tombent d’eux-mêmes comme des cartons. Alors, ça c’est des problèmes qui doivent intéresser sérieusement pour qu’il y ait des corrections sérieuses.
Vous qui êtes leader politique et ambitionnez de diriger la Guinée, quelle solution préconisez-vous pour faire face très rapidement à de telles catastrophes ?
D’abord, il faut que l’État soit productif. La manière dont l’immobilier est en train de se développer dans notre pays est catastrophique. De Conakry jusqu’à Yomou, l’État ne prend aucune disposition à l’avance pour étudier le relief, la nature du sol et proposer aux populations, les genres de maison à construire permettant d’éviter des cas d’inondation. Dans les pays développés, si votre maison se trouve dans une zone inondable, il y a des pompes dans le sous-sol qui dégage le surplus d’eau chaque 15 minutes. Rien de tout cela n’est fait et les gens prennent d’énormes risques en allant construire dans des zones où, tous les jours, ils font face à ce genre de chose. Il faut que l’État soit pro-actif et que les dispositions soient prises pour éviter ce genre de drame.
A court et moyen terme, que propose le président du BL ?
À court terme, il y a des gens qui sont affectés, il faut tout de suite envisager des secours, activer des fonds d’urgence pour soulager ces familles qui, à partir d’aujourd’hui sont à la belle étoile. Et puis, à moins terme, il faut effectivement procéder à une évaluation exhaustive de tous ces endroits qui font l’objet d’inondation pour que des mesures soient prises afin qu’à long-terme, qu’on ne parle plus de ces genres de choses.
Dr Millimouno, les partis ayant pris part au dialogue politique dont le votre, le BL, annoncent la rédaction d’un mémorandum au plus tard le 11 août prochain. Que va-t-il contenir et pour quelle fin ?
Le mémo va parler de beaucoup de choses. Il y a plusieurs coalitions qui, de toute bonne foi, ont choisi le dialogue pour gérer cette période transitoire. Il y a eu un premier round de dialogue qui a abouti à des recommandations, des structures ont été mises en place pour le suivi, il y a un chronogramme qui a été adopté avec la CEDEAO, il y a donc la mise en œuvre de tout cela. Nous avons été reçus par le premier ministre et aussi le ministre de l’administration du territoire, des documents nous ont été remis. Alors, ces documents ont été examinés, ce qu’il en est sorti, devrait être dans le mémorandum et dire notre avis sur ce qui est en train de se passer.
Cela voudrait-il dire que vos avis ne sont pas pris en compte par la junte militaire du CNRD ?
Je ne dis pas que nos avis ne sont pas pris en compte par les autorités de la transition, mais il s’agit d’un certain nombre d’hypothèses qui ont été mises de l’avant par les départements ministériels en charge de la mise en œuvre du chronogramme, ces hypothèses là, il y en a qui sont questionnables. Parce que quand on parle d’une hypothèse mettant en doute la possibilité que les Guinéens qui sont à l’étranger puissent participer aux élections législatives, ce qui est contraire aux textes tels que nous les avions. C’est déjà un motif de souci. Il y a des hypothèses qui parlent du nombre pléthorique des législateurs.
Quels sont les avis du BL ?
En ce qui concerne le Bloc Libéral en particulier et la CPR en général, nous ne sommes pas pour les grands gouvernements. Nous sommes aujourd’hui en train d’élaborer le contrat social avec le peuple de Guinée. On ne peut pas créer avec fantaisie, des restrictions parce que, après tout, c’est le contribuable qui devra pays. Ce contribuable tire le diable par la queue. Donc, il y a un ensemble de choses qui a été évoqué pour revoir même le budget qui a été mis de l’avant et essayer de mettre le doigt sur des hypothèses qui sont, d’un point de vue légal, ont le sens d’un point de vue normatif pour que nous puissions avoir les choses à leur juste proportion.
Dr Faya Milimouno, une éventuelle intervention militaire de la CEDEAO se précise de plus en plus au Niger après l’expiration de l’ultimatum de cette organisation sous-régionale. Que pensez-vous de l’utilisation de la force par la CEDEAO au Niger pour déloger les putschistes du CNSP ?
Ça sera une grosse bêtise. Je crois que l’Afrique n’a pas besoin de ça. On connaît ce qui s’est passé après ces interventions dans les endroits où ça été fait. Il faut privilégier la solution négociée. Les coup d’Etat que nous vivons aujourd’hui dans nos pays, il faut que les gens comprennent, il y en a qui sont justifiés par le non-respect des règles démocratiques, l’état de droit ; il y a d’autres qui sont expliqués par des soucis sécuritaires, des soucis de pauvreté. Cette Afrique est riche de tout mais elle vit de façon pauvre. Ce contraste là explique en bonne partie les faits de cette instabilité qui sont en train de nous caractériser. Aussitôt que la CEDEAO a décidé d’intervenir militairement, il y a des pays qui ont pris position et à juste raison d’ailleurs. Je crois qu’on ne va pas faire de l’Afrique, le lieu où on viendra ester les armes qu’on est en train de faire en occident. Ça sera au prix des ressources naturelles parce qu’on aura pas d’argent. Que ce soit les pays qui sont dans le but d’envoyer des militaires où celui pays qu’on tente de sauver, ils ne paieront pas ces armes avec l’argent en banques, ils donneront les richesses naturelles et ça va davantage créer d’autres problèmes. Il faut que les gens prennent de la hauteur et réfléchissent avant de prendre ces genres de décisions.
Votre position sur la durée de deux ans de transition en Guinée tient-elle toujours ?
Sur les deux ans ? Mais bien entendu, je crois que là-dessus, il y a eu des travaux qui ont pris une ou deux semaines entre les experts de la CEDEAO et les autorités transitoires. Ils se sont entendus que les dix points de l’agenda soient maintenus, ce qui est quelque chose de positif et se sont entendus aussi que cela peut être fait en deux ans. Nous souhaitons que les deux ans soient respectés.
Merci à vous Dr Faya Millimouno.
Entretien réalisé par Mohamed Bangoura