La Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH), l’Organisation guinéenne des droits de l’Homme (OGDH) et l’Association des victimes, parents et amis des du massacre du 28 septembre 2009 ont commémoré ce jeudi 28 septembre 2023, l’an un du démarrage du procès de ces évènements à travers une conférence de presse animée à la maison de la presse de Conakry.
A tour de rôle, des acteurs venus notamment de l’étranger, ont pris la parole pour exprimer leur ressenti par rapport au démarrage de ce procès après 13 ans d’attente. Ils ont également envoyé des messages à l’endroit du gouvernement, quant à la poursuite des audiences dont la reprise est prévue pour le mois d’octobre.
D’entrée, Mabassa Fall, chef de la délégation de la FIDH a tenu à rappeler qu’en 2009 « 107 femmes avaient été violées à ciel ouvert » au stade de Conakry et « plus 150 autre victimes » enregistrées.
Selon cet activiste, la Guinée devrait être fière de tenir ce procès emblématiques.
« Ici, nous avons une procédure nationale. Un procès d’un ancien chef d’État et de dignitaires d’un régime par la justice guinéenne. Je pense que la Guinée doit être fière de juger à la maison. Et c’est un exemple envoyé à l’ensemble du continent et au-delà, qu’on peut juger chez nous, en terre africaine, par la magistrature et la justice guinéenne », a-t-il dit.
Me Alpha Amadou DS Bah, coordinateur du pool d’avocats de la partie civile à ce procès s’est, dans sa prise de parole, réjoui de l’ouverture du procès le 28 septembre 2022.
Pour lui, jusque-là, le procès « répond aux normes internationales en matière d’équité » car, toute la « la procédure a été respectée » durant les un an.
Dès la reprise, a-t-il dit, la partie civile va continuer à faire défiler à la barre, d’autres victimes car, « il y a une multitude de cas et chaque cas est singulier ».
« Après plusieurs mois, à la reprise, nous enverrons également d’autres parties civiles pour justement permettre au tribunal d’être éclairé sur un vaste éventail de cas. Les crimes sont atroces, les crimes sont nombreux et malheureusement les accusés se sont tous illustrés dans la négation systématique de leurs responsabilités. Mais nous, nous jouons notre rôle et nous participons activement à la recherche de la manifestation de la vérité. Aujourd’hui, nous sommes en tout cas satisfaits du déroulement du procès et nous espérons que ce procès-là se poursuivra et que les auteurs de ces crimes répondront de leurs actes », a-t-il lancé.
Bien qu’il se réjouisse du déroulement de cette procédure jusque-là, Me Amadou DS fait une demande au tribunal au sujet « d’autres personnes » accusées dans cette affaire dont la procédure d’inculpation est encore en cours.
« Des noms des personnes ont été cités au cours de l’interrogatoire des accusés qui sont actuellement en détention. Donc actuellement, nous attendons ces personnes et nous espérons que très prochainement, elles vont être renvoyées devant le tribunal criminel pour que ce soit un seul et même procès », a-t-il dit.
Selon lui, il s’agit des personnes qui ont été « effectivement interpellées ». Une procédure judiciaire a été engagée et l’une d’entre ces personnes avait même bénéficié d’un « non-lieu », par rapport à la première ordonnance.
« Sur les charges nouvelles, les juges ont estimé qu’il y avait lieu de les poursuivre. Pour l’une d’entre elles par exemple, il y a eu une inculpation. Mais il se trouve que ses avocats ont fait des recours. Pour un premier temps, son inculpation a été annulée, les juges se sont pourvus en cassation et cette décision a été annulée. Une seconde ordonnance a été rendue pour confirmer son inculpation. Et il y a un second pourvoi qui est pendant devant la cour suprême. Il y a des recours qui sont exercés par des avocats qui, on l’espère, vont être épuisés avant que la phase de confrontation ne soit entamée, pour que ces cinq accusés puissent être renvoyés et interrogés lors de cette phase. (…). Ces cinq personnes sont Bienvenue Lamah et quatre autres. Nous souhaitons que ces personnes soient renvoyées devant le tribunal pour qu’elles soient jugées au même titre que les 11 autres qui sont là-bas », a-t-il adressé.
Pour sa part, Asmaou Diallo, présidente de l’AVIPA a affirmé que c’est avec « un cœur rempli de joie » qu’elle constate que le 14ème anniversaire coïncide avec l’an un de la reprise du procès et aussi à l’inauguration du centre des survivants.
« C’est un grand pas pour nous, pour les victimes », a-t-elle dit. Pour elle, ce centre situé à 50 kilomètres de Conakry « n’est pas seulement pour les victimes du 28 septembre 2009 ». Il est destiné à toutes « les victimes de violences sexuelles en Guinée ».
Evoquant le sujet en lien avec l’état des victimes, Asmaou Diallo a affirmé que celles-ci « sont toujours dans le besoin » « surtout d’une assistance médicale, psychologique, et aussi financière ».
A l’endroit du gouvernement et de tous les autres acteurs impliqués dans ce procès, la présidente de l’AVIPA demande de faire en sorte « qu’il n’y ait plus d’interruption, jusqu’à ce qu’on donne une phrase finale à ce procès ».
« Il devrait que l’engagement soit de tous les côtés, je sais que nos avocats sont vraiment très engagés dans ce sens. (…). Il faudrait qu’il y ait un dialogue entre le ministère, les avocats, les magistrats, pour qu’il y ait vraiment une cohésion normale, pour que justice soit rendue, ça c’est un point qui nous tient très à cœur, parce qu’on voudrait vraiment que ce procès soit un procès remarquable, un procès pour l’Afrique, parce que ce n’est pas seulement la Guinée qui suit ce procès, mais c’est l’Afrique entière, et même le monde entier ; ça appelle de tous les côtés, on veut savoir est-ce que le procès va continuer ou non, donc c’est très important de faire face », a-t-il ajouté.
Par ailleurs, dame Asmaou a demandé aux avocats et au tribunal, de respecter le huis-clos lors du témoignage des femmes victimes qui seront très nombreuses à la reprise.
« Je voudrais que ce soit vraiment quelque chose de très sérieux, et que ce soit pris vraiment en compte, que ces femmes soient protégées, parce que cette protection est très importante », a-t-elle lancé.
MohamedNana Bangoura