Un an après l’élection de son bureau, le Conseil National de la Jeunesse (CNJ) de Guinée peine à sortir de l’ornière. Malgré les promesses tenues en fanfare et un certain engouement que la mise en place de ce bureau a suscité, cette institution censée représenter et défendre les intérêts des jeunes Guinéens se retrouve aujourd’hui confrontée à d’innombrables difficultés qui entravent son fonctionnement.
Mis en place depuis le 25 septembre 2023, le conseil national des jeunes continue à patauger dans une eau bourbeuse sans issue. Et malgré son importance pour la structuration et la représentation des jeunes, le CNJ reste sans siège social, sans décret d’institutionnalisation, encore moins un budget de fonctionnement. Et tenez-vous bien, c’est le ministre de tutelle, Kéamou Bogola Haba, qui en est mis en cause.
L’une des principales difficultés auxquelles est confronté le CNJ est l’absence d’un siège fixe et le manque de moyens de mobilité. Alors que des mobiliers de bureau ont été généreusement offerts par des partenaires au développement, et qui se trouvent être rangés dans un magasin ou conteneur pour faute de local, exposant la structure à la rue, faute de locaux adaptés. Privé des fondamentaux essentiels à leur subsistance, le conseil est dans l’incapacité de mener à bien les missions qui lui sont confiées. Et, cette situation précaire ne facilite en rien l’organisation des activités et la coordination des actions des élus.
Selon nos informations, il y a plus de 400 bureaux de l’institution à travers tout le pays. De Conakry à l’intérieur du pays, aucun personnel du CNJ ne possède d’un moyen de déplacement.
Autre élément aggravant la situation : l’absence de décret d’institutionnalisation du CNJ. Contrairement à ses homologues de la sous-région, le CNJ de Guinée ne dispose pas d’un cadre juridique solide qui lui permettrait de bénéficier d’une reconnaissance officielle et d’une plus grande autonomie.
Plusieurs sources concordantes pointent du doigt le ministre de la Jeunesse et des Sports, accusé de freiner volontairement le développement du CNJ. Selon ces sources, le ministre aurait tout intérêt à maintenir le conseil dans une situation de faiblesse afin de mieux le contrôler.
« On a tout fait pour avoir une audience avec le chef de l’État. On a tout fait pour avoir le décret d’institutionnalisation du CNJ. Là aussi, c’est compliqué. On est même allé jusqu’à leur faire une proposition de décret de ce genre en s’inspirant du décret d’institutionnalisation des CNJ de la sous-région, accompagné des arguments nécessaires pour défendre ledit décret. Mais impossible », a confié une source proche de la structure.
Depuis l’élection de ses membres il y a un an, le CNJ peine à jouer pleinement son rôle en raison du manque de ressources. Faute de budget, les projets destinés à favoriser l’insertion socio-économique des jeunes et à encourager leur participation active à la vie publique sont en suspens.
Or, au point 21 de son rapport volet dépenses de la Loi de Finances Rectificative 2024, le conseil national de la transition (CNT), pour permettre au CNJ de fonctionner, a conclu avec le Ministère du budget une allocation d’un milliard de francs guinéens au titre 4 du ministère de la jeunesse en sa faveur.
« Notre subvention s’élève à un milliard de francs guinéens. Elle a été rajoutée au budget du ministre de la jeunesse. Puisque nous on n’a pas de décret de reconnaissance officielle. Cela pour nous soutenir dans notre processus d’installation. Mais malheureusement, jusque-là, nous on n’est pas entré en possession de quelque chose », a expliqué notre interlocuteur.
Plus loin, il accuse : « Beaucoup de hauts cadres ont appelé le ministre pour nous faciliter les choses, mais hélas. À chaque fois il nous ramène vers les trucs : faites ça, faîtes ça. Tout ce qu’il a demandé on a tout fait, mais c’est compliqué », a-t-il déploré.
Cette enquête met en lumière un véritable dysfonctionnement au sein du ministère de la Jeunesse et des Sports, dirigé par le ministre Bogola Haba. Selon nos sources, c’est ce dernier même qui est censé diligenter les choses qui serait à la base de cette ignorance, privant ainsi la jeunesse guinéenne d’une plateforme pourtant cruciale pour son émancipation et son développement.
Mais toutes nos tentatives de rencontrer le mis en cause, à l’occurrence le ministre de la jeunesse et des sports, Kéamou Bogola Haba, ont été vaines. Après des appels téléphoniques infructueux, nous avons décidé de nous rendre au ministère à l’effet de rencontrer l’accusé. Sauf que là, on nous a opposé un refus catégorique de rencontrer le ministre Haba pour cette situation qui n’aurait pas l’air d’être une préoccupation au département en charge de la jeunesse. Cependant, notre interlocuteur, proche du concepteur du “mouvement pour la défense de la Transition” devenu plus tard “mouvement pour la défense de la refondation”, nous a fait comprendre que le ministre veut aller lentement, mais sûrement dans le dossier du conseil national de la jeunesse.
Ainsi, l’avenir du Conseil National de la Jeunesse en Guinée s’annonce incertain. Si la situation ne s’améliore pas rapidement, c’est l’ensemble de la jeunesse guinéenne qui risque d’en pâtir. Il est urgent que les autorités prennent les mesures nécessaires pour doter le CNJ des moyens dont il a besoin pour jouer pleinement son rôle.
Guineematin.com