Dans la capitale économique ivoirienne, où il s’est installé depuis plusieurs années, le président du parti Union pour le Changement de Guinée a accordé une interview à une équipe du réseau des journalistes guinéens en charge de la protection sociale en séjour à Abidjan. Dans cet entretien de près d’une demi-heure qu’il nous a accordé, Idrissa Cherif le dit clairement, la transition en cours en Guinée est boiteuse. Et pour sortir de la crise, il plaide pour un dialogue fécond avec toutes les parties, y compris ceux qui ont décidé de se faire entendre à travers les manifestations de rue. L’ancien ministre conseiller du président Moussa Dadis Camara revient aussi sur les sujets brulants de l’heure en Guinée, notamment le procès du massacre du 28 septembre 2009 dont le jugement est en cours à Kaloum.
Entretien !
Idrissa Cherif observe-t-il une pause politique ?
Je pense que ce n’est pas une pause puis que je ne suis pas absent dans les médias, sur l’actualité guinéenne. Je fais, chaque fois que cela est nécessaire, des interventions dans les médias. Je suis là en Côte d’Ivoire pour des raisons professionnelles. Considérons que je suis à l’étranger, en train de travailler. Je suis de très près, l’actualité de mon pays. Les membres du bureau politique de mon parti sont toujours à pied d’œuvre sur la scène politique. Pour nous, nous sommes dans une trève politique. Nous voulons que les signes propulseurs de la transition doivent être définis maintenant, afin qu’on puisse parler du processus c’est-à-dire où on va, ainsi de suite.
Transition en cours : « Je pense que la transition est aujourd’hui, un peu plus boiteuse »
Il faut d’abord comprendre qu’il y a deux phases dans cette transition. Il y a ceux qui, ma foi, sont dans la discussion avec le CNRD, c’est-à-dire le groupe de Kouyaté, Bah Oury et autres notre coalition avec le ministre Siaka Barry. Nous sommes dans la discussion. Mais, il y a une frange plus importante qui n’est pas là à savoir l’ANAD, le RPG et l’UFR, pour moi, c’est la frange la plus importante de l’opposition. Il faut donc appeler tout le monde sur la table de discussion et de négociation. On ne peut pas avancer sans eux, ça sera difficile. Je pense que la transition est aujourd’hui, un peu plus boiteuse, il faut être franc. Mais il faut faire en sorte que la paix puisse être le crédo de tout guinéen car c’est par la paix et les discussions que nous pouvons aller de l’avant. Il faut aussi éviter de faire la politique de chaise vide. Il faut que ceux qui ne sont pas venus se ressaisissent et viennent sur la table de discussion même s’il faut qu’on leur donne l’occasion de venir. De l’autre côté, il faut qu’on revoit les revendications légitimes qu’ils ont eu à poser et qu’on lève permis, tout ce qui est procédures judiciaires pour qu’on entame un véritable processus démocratique engagé pour une bonne sortie de la transition. Il faut que chacun revoit ce qu’il peut faire. C’est en cela que nous travaillons et nous réservons le CNRD à faire, encore, assez d’efforts pour que les autres rejoignent la table de discussion. J’ai échangé sur cette question avec Monsieur le premier ministre, qui m’a rassuré qu’ils sont de bonne foi, et que cela ne tarira jamais. Il faut qu’on fasse des concessions. Le CNRD a ouvert la porte, il faut que nos amis de l’autre côté,
Les opposants à la junte exigent un dialogue inter-guinéen avec des préalables. Vous voyez une mauvaise volonté ?
Je ne parlerai pas de mauvaise volonté, mais ils ont fait des préalables qui arriveront des concessions. Le problème judiciaire reste le problème judiciaire. Cela se passe dans certaines négociations. S’ils ne sont pas sur la table de discussion, vous savez qu’on ne peut pas trouver des solutions à certaines situations. Il faut qu’on soit d’abord autour de la table de discussion, pour régler même les problèmes judiciaires.
Reprise des manifestations
Je pense que les manifestations n’apportent que des regrets. A chaque qu’il y a manifestation, elle n’a jamais apporté des solutions mais plutôt des regrets, des cas de morts alors que le premier droit de l’Homme, c’est le droit à la vie. Il faut faire très attention, il faut changer de stratégie. Je pense que cela est une manière d’aider ce pays.
Manque de visibilité sur la transition
Comme je l’ai dit, je pense que cela, c’est de manière théorique. Maintenant, il faut que cette théorie puisse être mise en pratique car on doit savoir quand est-ce que ça a commencé et les différents processus de la structure de la transition, cela doit être visible. Pour le moment, pour ma part, je ne vois pas la visibilité de la sortie de la transition en tant qu’acteur politique, je dois dire qu’il y a de la volonté mais il faut continuer et associer tout le monde ; et voir comment il faut démarrer la transition. Pour le moment, ce sont des mots, il faut donc que ces mots soient traduits en des actes pratiques.
Budget de près de 6 mille pour un retour à l’ordre constitutionnel
J’ai toujours dit que d’abord, il y a des partenaires qui peuvent accompagner la Guinée dans le processus. Les élections les plus chères qui ont été organisées en Afrique, c’était en Côte d’Ivoire avec 81 % des financements effectués par la communauté internationale.
Le débat d’orientation constitutionnelle
Je pense qu’il faut donner une autre notation à la Guinée parce qu’on a eu une Constitution où l’ensemble des pouvoirs était concentré dans les mains du président de la République. Donc, on n’a pas évolué. Notre pays a 52 ans de retard par rapport à la Côte d’Ivoire, 36 ans de retard par rapport au Sénégal. Nous avons un PIB qui fait 11 milliards de dollars alors que le Sénégal fait 37 milliards de dollars, la Côte d’Ivoire fait 70 milliards, le Ghana fait 77 milliards de dollars, le Nigéria fait 687 milliards de dollars. Vous comprenez que nous ne produisons pas. Quand on ne produit pas, vous ne créez pas de la richesse. Vu cela, pour moi, les Guinéens doivent se remettre au travail. Nous devons penser d’abord aux Guinéens avant de penser à nous ou aux autres. Le processus de sortie de crise, incombe à tout le monde. La Guinée, c’est pour tout le monde, ce n’est pas pour une seule personne. On doit déduire sortir ce pays de l’ornière.
Futures échéances électorales
Nous sommes en train de travailler, nous ne faisons pas assez de bruits. Nous totalisons aujourd’hui, 27 fourrages que nous avons faits pour les populations guinéennes. Nous ne faisons pas assez de bruits. Nous avons réalisé ces fourrages un peu partout, nous faisons en sorte de travailler en faveur des guinéens. Nous nous préparons. Nous sommes membres d’une coalition qui est la CONAREG, qui va au-delà des autres coalitions. Elle n’est pas qu’une coalition qui ne fait que regrouper les partis politiques, nous avons une coalition qui pense même à trouver un candidat unique pour la prochaine présidentielle.
La CONAREP est-elle un Soutien de la junte ?
Nous ne soutenons pas la junte, mais nous soutenons la Guinée, tout ce qui est utile à la Guinée. Nous ne sommes pas des partisans pour mettre les enfants dans la rue. Nous pensons que tout doit se passer par la voie de la discussion, de la concertation et c’est par la seule voie que nous sommes à même de trouver des voies et des moyens d’une sortie de crise qui pourraient être utiles à tous. Nous sommes partisans de là où il y a zéro victime, mais des débats d’idées.
Procès du massacre du 28 septembre et des jours qui ont suivi
Je remercie le président Mamadi pour l’organisation de ce procès, c’est vraiment important. Je pense qu’il y a eu des gens qui ont été tués au stade du 28 septembre, nous sommes tous à la recherche de la vérité et cela a toujours été mon discours depuis ces événements. Je pense qu’il faut laisser la vérité triomphée. Dieu a assisté à tout, je suis très croyant mais je dis qu’il faut éviter le faux témoignage, c’est dangereux pour tout le monde. Chacun suit le procès et on attend ce que les juges diront. Je n’ai pas assez de commentaires à faire, je dis juste qu’il faut laisser le processus aller jusqu’au bout.
Restriction de l’accès à internet et musellement de la presse
Dans une de mes sorties médiatiques, j’ai dit que la communication est cruciale. Elle nous permet d’être informé objectivement. Mais quand la presse qui doit informer objectivement est prise dans un autre carcan, je pense que c’est anti-démocratique. Si cela est ainsi, je pense qu’il faut que les gens revoient leurs copies parce que ce n’est pas du goût de tout le monde. On ne doit pas emprisonner un journaliste. Ici en Côté d’Ivoire, il y a une loi qui interdit l’emprisonnement des journalistes. On emprisonne pas un journaliste comme ça. Il faut respecter l’opinion des uns et des autres. Si on veut aider cette transition, c’est de faire en sorte que la presse puisse être à l’aise et qu’il évite de la museler. Il faut que nous soyons avec la presse parce qu’elle n’est là que pour nous tous et pour informer objectivement.
Mot de la fin
Nous avons un pays, un très beau pays mais il faut que nous produisions. Il faut que les guinéens se mettent au travail, il faut qu’il y ait la paix. Il faut oublier les spéculations. Nous avons un pays croyant mais nous avons tendance à donner trop de force aux fétiches. Les gens doivent se dire que Seul Dieu peut décider de leur sort. Nous devons faire en sorte que ce que nous faisons aujourd’hui, pouvons avoir des effets positifs demain et que nous laissions notre nom dans l’histoire. Chacun doit cultiver la paix.