Il n’est pas question de voir le mal partout, surtout lorsqu’il est question de contrôle et de vérification de gestion dans nos établissements publics et régies financières. Le dessein de ce papier est d’interroger la sincérité de la mission d’inspection à la LONAGUI ayant conduit à la révocation d’un directeur général de ses fonctions et à son remplacement sur-le-champ par une autre et la mise en place dans la même entité d’un Conseil d’Administration politique. Le présent papier ambitionne de prouver la mauvaise foi des inspecteurs et leur manipulation et aussi la légèreté de leur méthode de travail.
Du mobile de la mission d’inspection générale de l’Etat
La mission d’inspection a été déclenchée par une lettre du président du Conseil d’Administration en date du 23 juillet 2018 adressée à Monsieur le Ministre chargé des affaires présidentielles et Ministre de la Défense nationale. Pourtant, la LONAGUI-SAU est sous tutelle technique de la présidence de la République d’après les articles 1 et 2 du décret D/2016/153/PRG/SGG du 28 mai 2016. Le Ministre de la défense ne pouvait être saisi, sinon qu’après annotation et instruction du Président de la République.
Et la lettre adressée à Monsieur le Ministre était empreinte de mauvaise foi. On pouvait lire : « Pour une meilleure visibilité de la gestion passée à la loterie nationale de Guinée ‘’LONAGUI-SAU’’, je viens très respectueusement auprès de votre bienveillance solliciter que soit fait l’audit par un cabinet agréé de la place. Ce travail permettra la mise en place de la structure organisatrice où les tâches seraient spécifiées. »
Sérieux ! La LONAGUI-SAU n’a aucune structure organisatrice ? Et les tâches n’y sont pas spécifiées ? Pourtant , elle a une direction générale avec des services dont les responsables ont été entendus par les membres de la mission de l’Inspection Générale de l’Etat ( IGE) , dont : Madame la Contrôleuse interne ( auditionnée le 3 septembre 2018), Monsieur le Directeur administratif et financier ( auditionné le 4 septembre 2018 ), Madame la Responsable des ressources humaines ( auditionnée le 3 septembre 2018) et le directeur d’exploitation ( auditionné le 3 septembre 2018) .
Quel était dont le dessein du président du Conseil d’Administration à travers cette lettre adressée à la mauvaise autorité ?
Du conflit d’intérêts
C’est le même Ministre de la défense, par abus de pouvoir et usurpation de pouvoir, qui avait autorisé la Société Guinéenne de Jeux à installer ses kiosques sur toute l’étendue du territoire national. Il l’a fait en commun accord avec le président du Conseil d’Administration, le même qui l’a saisi pour faire des audits à la LONAGUI-SAU.
Son Excellence Monsieur le Ministre n’a pas les compétences administratives pour délivrer une telle autorisation. L’ancien Directeur, dans sa lettre du 27 juillet 2018 lui avait adressé un message pour dénoncer son interférence dans les affaires de la LONAGU-SAU. Ne l’a-t-il pas pris pour un affront ? D’ailleurs, le président du Conseil d’Administration, dans sa lettre au Ministre de la défense avait écrit : « […] meilleure visibilité de la gestion passée. »
La gestion passée est-elle celle allant de la période de 2016 à juillet 2018 ? Doit-elle coïncider seulement avec celle de HAIDARA ? Et l’exercice 2018 ne devait-il pas être clos ? Il y a eu audit à tête chercheuse, celle de HAIDARA qu’il fallait faire tomber par tous les moyens et à tout prix.
De la démarche biaisée de l’inspection
La LONAGUI-SAU est une société publique soumise au régime OHADA sur les sociétés commerciales. Conformément aux articles 63, 64 et 65 des statuts de la LONAGUI-SAU, les états financiers devant être produits par le Directeur Général à la fin de chaque exercice sont : le bilan, le compte de résultat, les tableaux de flux de trésorerie et les états annexes ; ces états doivent être mis à la disposition du Commissaire aux Comptes 45 jours au moins avant la date prévue pour l’approbation annuelle des comptes par l’actionnaire unique, l’Etat. Ces documents doivent être certifiés réguliers par le Commissaire aux Comptes agréé et désigné par la tutelle financière : Conseil d’Administration.
L’article 8 de l’acte uniforme OHADA du 26 janvier 2017 précise les états financiers annuels devant être produits par les sociétés commerciales. Ils sont les mêmes que ceux susmentionnés. Ces états sont indissociables et forment un tout.
Les vérifications menées par l’IGE ont été sur la base de la nomenclature des pièces justificatives de la dépense publique. Ce qui est biaisé et constitue une grosse erreur d’appréciation. Pour peu qu’on s’étende sur cette notion de nomenclature des pièces justificatives, il faut dire que l’arrêté conjoint A /2017/5487/MEF/MB/SGG du 6 octobre 2017 portant nomenclature des pièces justificatives et produit par les inspecteurs vérificateurs précise dans ses articles 1 et 2 les natures de ces documents et ceux qui doivent les produire : ordonnateurs , comptables publics, dans le cadre de l’exécution de leurs dépenses afin de permettre aux contrôleurs financiers et l’inspection générale des finances d’effectuer les contrôles prescrits par les lois et règlements .
Mais la LONAGUI- SAU n’a pas un budget de l’Etat qu’elle exécute et dont il faudrait vérifier l’exécution. Elle a son budget propre. Elle est dotée d’une personnalité juridique distincte et différente de celle de l’Etat. Elle jouit de l’autonomie financière et de gestion ayant forme d’une société anonyme relevant du droit OHADA (article 2 du décret précité).
De l’irrespect du principe de la séparation des exercices
Il a été imputé aux exercices de 2016, 2017 et 2018 des dépenses effectuées pendant des exercices antérieurs. La LONAGUI-SAU n’avait pas un Conseil d’Administration avant 2016 et la plupart des contrats, marchés dont : l’élaboration du plan architectural du siège, signé le 6 août 2014, le marché d’achat de véhicule station wagon sur instruction de Madame la Ministre des Finances après appel d’offres infructueuses, celui du bus signé le 28 juillet 2015, avaient été signés avant la mise en place du Conseil d’Administration dissout par le décret du mardi 29 janvier 2019.
Et, ces dépenses effectuées à un moment où HAIDARA n’était pas le Directeur Général de la LONAGUI-SAU lui sont aujourd’hui imputées.
De la requalification des dépenses à défaut de prouver leurs irrégularités
Le rapport de l’IGE sur la gestion financière de la LONAGUI-SAU fait ressortir un montant de 34 330 557 225 GNF qu’il qualifie de dépenses totales non justifiées dont 23 106 960 079 GNF jugées irrégulières et 11 323 617 146 GNF jugées sans supports justificatifs .
Ce qui est intriguant est le fait que l’inspection générale n’a donné aucun détail sur ses dépenses qualifiées d’irrégulières. Encore pis, a ignoré quelques dépenses et a fabriqué d’autres !
Suite à la lettre qui lui a été adressée par celui qu’elle a trainé dans la fange, pour lui demander de donner des précisions sur les dépenses jugées irrégulières ; au lieu des preuves, l’IGE a préféré leur requalification. Ainsi, au lieu du terme « dépenses irrégulières », elle a requalifié ces dépenses « d’insuffisantes ». Mais est-ce bien cela la norme de la vérification ?
Si les dépenses vérifiées, confrontées aux normes du manuel de procédure, sont irrégulières, au-delà de cette requalification, les opérations irrégulières doivent être exhaustivement répertoriées. Dire simplement qu’une dépense est insuffisante est une légèreté qui éprouve la sincérité de l’inspection expéditive et cabalistique menée.
L’inspection rejette les honoraires payés au commissaire aux comptes, le cabinet CADEXCO, et aussi ceux dus aux huissiers et avocat. Elle rejette les impôts et cotisations payés au Trésor public et à la CNSS et à l’office de la formation professionnelle. Pourtant cela est facilement vérifiable. Elle qualifie les dépenses de dépenses de publicité de fractionnée. Elle ignore certaines pièces justificatives qu’elle n’a pas demandées.
Du refus d’entrevue avec le Directeur Général
L’inspection n’a entendu Monsieur HAIDARA, ni pendant, ni après sa mission. Elle n’a eu aucun entretien individuel avec lui et ne lui a demandé aucune pièce justificative. Elle lui a convié à s’expliquer devant les salariés comme si sa culpabilité été établie. Mais est-ce bien un procès ?
Nous sommes pour les audits, mais ceux en bonne et due forme et non pas ceux qui éliminent certains de leurs postes afin d’y parachuter des coquins et coquines et de distribuer des postes aux amis.
SANOH Ibrahima,
Citoyen guinéen, essayiste.